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2. É VALUATION DE LA PHYTOMASSE EPIGEE ET DE LA PRODUCTIVITE DU THURIFERE A

2.2. Résultats et Discussion

2.2.2. La productivité du Thurifère

2.2.2.1.Densités apparentes des cernes

Les densités apparentes des cernes pour les différents types de pixels sont résumées dans le Tableau 5. Pour les pixels B et H, la densité apparente correspond à la densité réelle du bois, tandis que pour les pixels M et F, elle correspond au poids du cerne annuel produit dans un volume défini.

Pixels Densité apparente (kg/m3) ± σ

B et H 614,70 ± 38,90

F 1,15 ± 0,65

M 0,79 ± 0,11

σ = écart type

Tableau 5: Valeurs de densité apparente du cerne annuel pour les différents pixels

2.2.2.2.Productivité ligneuse

La productivité ligneuse du Thurifère s'élève à 2,2 t/ha/an, avec des différences importantes suivant l'importance du recouvrement (Tableau 6). La productivité la plus faible, enregistrée dans le secteur le plus clairsemé, est en effet près de sept fois moins importante que celle de la zone de densité maximale.

Superficie (ha) Biomasse moyenne (t/ha) Productivité ligneuse moyenne (t/ha/an) Recouvrement par le Thurifère:

10%

819 27 1,5 Recouvrement par le Thurifère:

23%

1088 58 2,4 Recouvrement par le Thurifère:

29%

260 67 3,1 Recouvrement par le Thurifère:

76%

17 209 10,5

Tableau 6: Productivité ligneuse moyenne du Genévrier thurifère

La comparaison de ces résultats avec d'autres écosystèmes forestiers, nous permet de mesurer toute l'importance de la productivité de cette formation arborée. Dans le Tableau 7, nous avons fait figurer les productivités ligneuses de forêts sclérophylles méditerranéennes, ainsi que celles de formations boisées non méditerranéennes (hêtraie et pessière par exemple), afin de positionner la Thuriféraie étudiée à la fois par rapport à d'autres écosystèmes de milieux semi-arides, mais aussi par rapport à des écosystèmes forestiers de forte productivité. Compte tenu de l'hétérogénéité des unités employées dans les différentes sources bibliographiques,

nous avons présenté nos données de productivité à la fois en t/ha/an et en m3/ha/an.

Espèce / Formation végétale Productivité ligneuse

(t/ha/an)

Productivité ligneuse

(m3/ha/an)

Source

Quercus ilex (France) 2,2 Cannell, 1982

Quercus robur (France) 2,7 Cannell, 1982

Juniperus occidentalis (Oregon, USA) 0,3 Cannell, 1982

Tetraclinis articulata (Maroc) 0,4 Haloui, 1992

Quercus ilex (Maroc) 1,2 Haloui, 1992

Castanea sativa (Italie) 2,4 – 5,4 Leonardi et al., 1996

Fagus sylvatica (Suède) 11,0 Nihlgard, 1972

Picea abies (Suède) 10,3 Nihlgard, 1972

Forêt claire 2 – 10* Lieth, 1975

Cedrus atlantica (Maroc) 4,0 - 9,0 Barrouch & Keller, 1994

Quercus ilex (France) 3,2 – 3,8 Miglioretti, 1987

Juniperus thurifera (Espagne) 0,2 Lucas Santolaya, 1998

Juniperus thurifera (Maroc) 2,2 3,6 Présente étude * Productivité primaire nette (t/ha/an)

Tableau 7: Données bibliographiques de productivité ligneuse d'écosystèmes forestiers

Comparée aux formations arborées se développant sous climat méditerranéen, la Thuriféraie de l'Azzaden présente une productivité ligneuse élevée. En France, les taillis de chêne vert ont une productivité sensiblement identique à celle du Thurifère, mais les écosystèmes arborés marocains (chênaie et tétraclinaie) montrent quant à eux une productivité ligneuse inférieure. De même, que ce soit pour les formations à genévriers thurifères d'Espagne ou encore celles à

Juniperus occidentalis de l'Oregon, la productivité est très faible (0,2 et 0,3 t/ha/an), bien que les individus d'un diamètre inférieur à 10 cm n'aient pas été pris en compte. Présentant une productivité comparable à celle de peuplements très différents tels ceux à Quercus robur ou Castanea sativa, la Thuriféraie de l'Azzaden montre en revanche des valeurs naturellement plus faibles que celles de la cédraie marocaine, ou de la hêtraie et de la pessière suédoise. Néanmoins, ces différences sont à relativiser car la cédraie prise en exemple est une forêt de production et non un écosystème naturel. De plus, bien que localisée sur une surface très réduite (17 ha), la Thuriféraie est capable d'atteindre une productivité maximale de plus de 10 t/ha, valeur voisine de celles obtenues par Nihlgard (1972) et Barrouch & Keller (1994) sur les écosystèmes forestiers précédemment cités.

En outre, la productivité moyenne de la Thuriféraie se situe dans l'intervalle des valeurs citées par Lieth (2 – 10 t/ha/an), et même si cette valeur est proche de la borne inférieure, il faut rappeler que les valeurs annoncées par ces auteurs sont celles de la productivité primaire de tout un écosystème, alors que celle de la Thuriféraie ne concernent que la fraction ligneuse du Genévrier thurifère.

Ramené à l'individu, le taux d'accroissement en biomasse des organes ligneux est de 4,8%, ce qui représente pour un individu moyen d'environ 600 kg, une productivité de près de 30 kg/an. Le même calcul effectué sur Picea abies ou Fagus sylvatica dans les peuplements précédemment évoqués, donne une productivité respective de 15 kg et 62 kg par arbre, révélant que la forte productivité de ces peuplements réside surtout dans les fortes densités d'arbres à l'hectare.

Ces résultats mettent donc en évidence la forte productivité de cette essence, en dépit d'un climat rigoureux, d'un sol très superficiel, d'un recouvrement réduit, d'un accroissement radial annuel relativement faible (1 mm), et de la dégradation anthropique (mutilation des arbres et prélèvements de bois) dont l'impact sur la productivité globale du peuplement est direct. Cette productivité élevée est sans doute à mettre en relation d'une part avec l'importance des surfaces terrières de ces formations à genévriers thurifères, estimées par Gauquelin et al. (1992) à près de 75 m²/ha, mais surtout avec l'architecture "pluri-caulinaire" des arbres. En effet, à surface terrière égale et à accroissement annuel identique, la productivité augmenterait avec le nombre de tiges (selon des études dendroécologiques en cours, les éventuelles

compétitions "inter-caulinaire" n'affectant pas l'accroissement moyen (Bertaudière, communication personnelle)).

Pour illustrer l'avantage de l'architecture pluri-caulinaire, prenons l'exemple suivant: si l'on considère 4 individus de surface terrière identique (1 m²) et d'accroissement radial annuel égal (1 mm), présentant respectivement 1, 2, 3, et 4 troncs, la surface totale du cerne produit

annuellement est la suivante: 1 tronc: 3,54.10-3 m²

2 troncs: 5,01.10-3 m²

3 troncs: 6,13.10-3 m²

4 troncs: 7,08.10-3 m²

Pour une même surface terrière, la productivité de l'arbre à tronc unique est donc deux fois plus faible que celle de l'arbre à 4 troncs.

Par conséquent, l'incroyable vitalité de ces écosystèmes à genévriers thurifères, réside peut être à la fois dans la taille parfois exceptionnelle des arbres, mais également dans leur aptitude à développer de nombreux troncs (3 à 4 tiges par arbre en moyenne), puisqu'en terme de productivité, à surface terrière égale, la stratégie "troncs multiples" s'avère plus avantageuse que la stratégie "tronc unique". Comme nous le verrons dans le chapitre "Caractéristiques morphologiques des genévriers thurifères" (p.77), le développement de troncs multiples semble lié à la faible dominance du bourgeon apical (Fritts, 1976), issue de la mutilation de la tige principale des arbres, et/ou de l'influence de facteurs endogènes, permettant ainsi à cette espèce de maintenir une productivité ligneuse élevée en dépit des fortes contraintes environnementales qui caractérisent ces écosystèmes arborés de la haute montagne méditerranéenne (conditions climatiques, dégradation anthropique, etc.).