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La naissance du CEF : les premières expériences de conseil de gestion en Afrique de l’Ouest

instrumentales à des approches axées sur les processus des approches axées sur les processus des approches axées sur les processus des approches axées sur les processus

2.2. L’émergence du conseil à l’exploitation familiale L’émergence du conseil à l’exploitation familiale L’émergence du conseil à l’exploitation familiale

2.2.1. La naissance du CEF : les premières expériences de conseil de gestion en Afrique de l’Ouest

Dans les années 1980-1990, en Afrique de l’Ouest, le secteur agricole fait face à de nouveaux enjeux. Le désengagement fort de l’État pousse à la décentralisation et à la responsabilisation des acteurs locaux ; une monétarisation et une alphabétisation croissante en milieu rural accentuent les exigences de transparence vis-à-vis des populations rurales ; la recherche de financement et la volonté d’investissement dans la mécanisation exigent des producteurs de planifier et de suivre leurs performances économiques à plus long terme (Hirschler, cité par (Japiot et al., 1998)). Avec ces nouveaux enjeux, les besoins des producteurs en accompagnement évoluent (Japiot et al., 1998) notamment dans le renforcement de leurs compétences d’analyse de leur système, leur permettant de mieux se situer dans leur environnement, d’identifier les potentielles opportunités à développer, mais également de suivre et d’évaluer les performances de leurs systèmes de manière autonome. Les approches de conseil agricole descendantes (« Training & Visit ») sont fortement critiquées : on cherche à impliquer les producteurs dans l’élaboration du conseil, en favorisant une vision plus globale de l’exploitation agricole, et en « cherchant, en dialogue avec le

nouvelles formes de conseil de gestion sont alors mises en œuvre dans des contextes « Sud », en Afrique de l’Ouest et en Amérique latine, inspirées à la fois des expériences françaises de conseil de gestion à l’exploitation agricole et d’expériences de recherche-action menées directement sur le terrain (Faure et al., 2004). Ces expériences de conseil de gestion sont souvent liées au départ à l’intensification des systèmes de cultures ou d’élevage, ou encore à l’introduction de la mécanisation ou de la culture attelée dans les systèmes d’activités (Havard et al., 2006) permettant de suivre l’évolution des résultats économiques de l’exploitation agricole avec ces nouvelles pratiques.

L’expérience des Unités expérimentales dans le Siné-Saloum (Sénégal) représente une étape essentielle dans l’émergence de démarches de conseil global dans la sous-région. L’objectif principal de ce projet de recherche entamé par l’ISRA (Institut sénégalais de recherche agricole) en 1968 était l’intensification des pratiques, par l’amélioration foncière, le développement agricole et la spécialisation de l’élevage (Japiot et al., 1998). Dans cette optique, le projet a progressivement ciblé le conseil dispensé aux producteurs sur les calculs économiques et la planification de la campagne, mettant en place des actions de « conseil de gestion rénové ». Ce conseil est « pluriannuel, s’adresse en priorité aux exploitations venant d’entamer leur intensification, par rapport à des

normes simplifiées, qui tiennent compte explicitement des souhaits et possibilités de l’exploitant »

(Benoit-Cattin, 1986). Le projet met en évidence certains aspects limitants pour la réussite de ce type de conseil, en particulier sur la formation des agents de conseil : il « faut également [leur] diffuser un

savoir faire, des règles de gestion. La formation du dispositif d’encadrement, à ce point de vue, est d’ailleurs un préalable difficile ». Le projet propose une démarche et des outils suivant différentes étapes : (1) un

diagnostic23 permettant de préciser la connaissance de la situation de l’exploitation agricole au départ. Ce diagnostic permet de (2) « clarifier les situations », notamment sur les contraintes majeures (foncier, équipement, accès aux ressources, ...). Puis (3) on amène le producteur à réfléchir sur les perspectives à moyen et long terme de l’exploitation agricole, sur les associations/successions de cultures et l’assolement, sur l’intégration de l’élevage. On peut alors (4) préparer un programme pour l’année suivante et suivre l’exécution de ce programme au fur et à mesure de sa réalisation (Benoit-Cattin, 1986). Ces étapes et outils constitueront la base du conseil de gestion.

Le conseil de gestion apparaît alors comme une approche permettant d’avoir une vision globale de l’exploitation agricole, permettant de « promouvoir en vraie grandeur des systèmes intensifs de production

tenant compte des possibilités des exploitations ; de définir le détail des attitudes techniques et socio-économiques conseillées à l'exploitation (ou au vulgarisateur qui l'encadre) en fonction de son propre appareil de production ; de décrire le cheminement et les étapes possibles en vue du passage des systèmes intensifs de production. Ce

projet va notamment « très loin dans l'élaboration de fiches, de référentiels techniques, de modes de calculs

23 Ce diagnostic consiste à analyser les parcelles cultivées et le foncier disponible ; réaliser un inventaire des équipements, du matériel de culture et du cheptel de trait ; un inventaire des élevages et de la stabulation des animaux ; un diagnostic de la situation céréalière et de la situation financière (Benoit-Cattin, 1986).

prévisionnels et [dans] la formation du personnel de la vulgarisation » au conseil de gestion (Kleene, 1995).

Cette expérience est donc pionnière dans le conseil de gestion au Sud, même si certains éléments restent basés sur des méthodes d’encadrement plutôt que d’accompagnement.

Faisant suite à cette expérience sénégalaise, une expérience de conseil gestion est menée dans les années 1980 au Mali-Sud24. Dans le cadre de l’appui à la filière coton et à la Compagnie malienne des textiles (CMDT), le conseil de gestion est développé avec deux objectifs principaux (Derlon, 2001). Il s’agit d’abord de fournir aux agents d’encadrement des données technico-économiques sur les exploitations et ménages avec qui ils travaillent, les regrouper par « types » ayant des contraintes ou structures similaires et leur permettre de proposer des pistes d’amélioration pour chaque « type » de système. L’objectif est également de fournir des outils aux producteurs eux-mêmes pour « mesurer les performances de leur exploitation agricole et [se] comparer à des normes définies

par unités agro-écologiques » (Derlon, 2001). Le conseil de gestion avec les producteurs de coton suit

alors quatre étapes (Kleene, 1995) basées sur la mise en œuvre d’une « séquence de gestion ». La première étape repose sur un diagnostic de l’exploitation agricole et de son environnement, réalisé par (1) une collecte de données sur l’environnement et l’exploitation ; (2) une analyse de la situation débouchant sur (3) un diagnostic des contraintes et des opportunités en dialogue avec le producteur pour clarifier les objectifs et stratégies. Ces différents éléments aboutissent à une analyse des performances, pour l’élaboration d’un plan de campagne prévisionnel avec des propositions techniques précises, pour répondre aux contraintes principales et formuler de nouveaux objectifs. Le conseiller suit ensuite l’agriculteur au cours de la campagne, en faisant des propositions techniques et en organisant des évaluations en cours et en fin de campagne, pour suivre le niveau de réalisation des objectifs fixés. Ces premières approches de conseil de gestion promeuvent une « démarche participative, qui fait le constat que les décisions des producteurs relèvent de

stratégies dans lesquelles le social et l’économique sont étroitement imbriqués », en lien avec la structure de

production agricole (Faure et al., 1998). Progressivement, ces outils et méthodes sont utilisés et adaptés dans d’autres interventions de développement rural dans la sous-région. Dans la majorité des cas, la mise en place d’actions de conseil de gestion vient d’un besoin de rationalisation des ressources des producteurs pour la construction d’une vision globale de leur système.

À la même période, dans la sous-région, des actions de coopération entre agriculteurs du Nord et du Sud se développent, notamment avec l’AFDI (agriculteurs français pour le développement international) qui met en œuvre des actions d’appui à certaines organisations de producteurs (OP) en Afrique de l’Ouest à partir des années 1980. Parmi ces actions, l’AFDI a développé des activités de conseil de gestion et de renforcement de capacités des producteurs agricoles au Burkina Faso, au Mali, ou encore en Guinée (voir les tableaux n°1 à 6 en annexe n°2.4). Dans ces interventions,

24 « À peu près au même moment que le conseil de gestion disparaît au Sénégal, une première approche de conseil de gestion est introduite au Mali, d'abord au niveau de la recherche « système de production » (IER/DRSPR) à Sikasso, ensuite dans le cadre d'une activité de pré-vulgarisation entre la recherche et le développement en zone Mali-Sud. L'origine du conseil de gestion au sein de l'équipe de recherche « système » à partir de 1980 ressemble à ce qui c'était passé au Sénégal dans le cadre des « unités expérimentales » (Kleene 1995).

l’AFDI a promu et adapté les différents modèles français de conseil de gestion (type CER ou GVA25) et les a fait évoluer en s’enrichissant des approches élaborées par la recherche-intervention (Faure et al., 2004). Le conseil de gestion permet dans les contextes ouest africains de mettre en avant les fonctions multiples qui caractérisent les exploitations agricoles (exploitations très majoritairement familiales, pas toujours liées au marché ou seulement en partie, ayant des centres de décisions multiples, fortement pluriactives (Gafsi, 2007)) et le lien fort entre l’exploitation agricole et la famille.

2.2.2. Les expériences de CEF en Afrique de l’Ouest : une évolution vers des principes