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1.1.5. De la fin des années 1970 aux années 1990

1.1.5.1. Les « farming system approach » : une reconnaissance de la diversité des situations, mais un conseil qui reste assez prescriptif

Cette critique forte des modèles de transfert fait émerger l’importance de la prise en compte de la diversité de l’agriculture dans les politiques agricoles, à deux niveaux. Tout d’abord, au niveau des exploitations agricoles elles-mêmes : les systèmes agricoles sont reconnus comme divers et nécessitant des conseils non standardisés, adaptés à cette diversité. On dépasse la seule fonction de production de l’exploitation agricole pour aller vers une plus grande reconnaissance des multiples rôles qu’elle a à jouer. La grande complexité de certains systèmes d’exploitation est également mise en avant, notamment des plus pauvres (« resource poor farmers »), aux activités nombreuses et complémentaires. La complexité de ces systèmes rend difficile l’application d’approches de transfert et la proposition de modèles et de solutions standardisées (Chambers et al., 1986). Au niveau de l’environnement de ces exploitations agricoles ensuite, l’étude et la prise en compte de la diversité des situations auxquelles les exploitations agricoles doivent s’adapter deviennent des éléments centraux, ces situations étant de plus en plus variables, incertaines et complexes. Dans la reconnaissance de cet environnement variable, le rôle des exploitants est alors revalorisé (Haug, 1999). Des approches systémiques sont élaborées pour caractériser cette diversité. On ne défend plus un seul modèle idéal, mais on reconnaît l’intérêt de la diversité et de la complexité de ces systèmes et l’importance de mieux comprendre leurs structures et leurs interactions avec leur environnement, en fournissant des approches et des outils diversifiés. Les « farming system research » (ou FSR), basées sur un changement de vision, proposent de prendre en compte la complémentarité des activités dans les systèmes, en intégrant des aspects de « farm

management » ou de gestion des activités agricoles, au-delà des seuls aspects techniques. Le focus

des FSR porte sur « l’ensemble des aspects techniques et humains pouvant avoir une influence sur l’existence

d’une famille de producteurs agricoles » (Gilbert et al., 1980). « Organisées de bas en haut, [les FSR] se veulent une recherche qui s’efforce d’abord de diagnostiquer l’ensemble des problèmes au niveau des différents types

d’exploitations agricoles, avant de s’interroger sur les réponses techniques possibles aux problèmes ainsi identifiés » (Chambers et al., 1986). Ce lien entre les activités productrices et les projets de la famille

est particulièrement pertinent dans le cas des nombreuses familles vivant en situation de vulnérabilité importante, peu pris en compte par les approches précédentes. On cherche à améliorer la création et la mise au point des innovations en incluant les producteurs dans le processus, en tenant compte de leur situation, de leurs contraintes et de leurs objectifs. Le processus de mise au point d’une innovation suit ici quatre étapes (Collinson, 1982) : (1) un inventaire de la situation, (2) la planification du développement de l’innovation, (3) le test de cette innovation puis (4) sa diffusion à un plus grand nombre de producteurs sur le terrain. Les FSR se développent également autour de nouvelles méthodes d’intervention et d’interaction, avec un focus nouveau sur le genre et sur les méthodes participatives7. Les chercheurs8 souhaitent adapter les solutions et innovations proposées en fonction de « domaines de recommandation » qui correspondent à des « groupes de producteurs pour lesquels [les chercheurs] peuvent faire plus ou moins les

mêmes recommandations ». Une recommandation est ici considérée comme un conseil agricole

adapté à une certaine culture ou une certaine région : « les FSR présupposent que les producteurs ayant

le même systèmes d’exploitation font face aux même contraintes, et ont donc les mêmes possibilités d’amélioration. Les systèmes d’exploitation agricoles sont divisés sur la base d’indicateurs de pratiques, regroupant les cultures principales, les sources de revenus, les contraintes liées au travail, à la propriété de la terre, et à l’utilisation d’intrants » (Collinson, 1982). En utilisant la connaissance de la diversité des

systèmes d’exploitation, on adapte donc les solutions aux contraintes locales et spécifiques des systèmes, cette analyse des systèmes étant principalement ciblée sur leurs ressources. Les systèmes considérés comme identiques se verront proposer les mêmes pistes d’amélioration. Enfin, la reconnaissance de la diversité des systèmes d’exploitation agricole et de leur environnement se traduit par la mise en place de projets de « développement rural intégré ». On ne cherche plus seulement de solutions techniques, mais on souhaite prendre en compte les interactions et la complexité du monde rural, en travaillant sur l’ensemble des services d’appuis, dans des équipes promouvant la pluridisciplinarité. « Le mot intégré signifiait qu’on cherchait à résoudre

un certain nombre de problèmes de la vie des paysans d’une région ou d’un territoire. On ne s’intéressait pas seulement à l’augmentation de la productivité d’une ou plusieurs cultures, mais aussi à l’ensemble des activités agro-pastorales des exploitations, à la santé, aux pistes, à l’hydraulique, à la formation et à l’organisation des producteurs » (Devèze et al., 1989). Le conseil est la plupart du temps considéré comme une des

composantes de l’appui aux systèmes d’exploitation agricole, permettant de communiquer et diffuser les innovations. De fait, les approches systémiques reconnaissent la diversité des systèmes

7 Des exemples emblématiques d’approches participatives développées à cette période sont les « participatory rural appraisal » - PRA et « rapid rural appraisal » - RRA.

8 Dans le milieu francophone du développement agricole, un modèle similaire est proposé : la « Recherche-Développement » (basée sur trois grandes phases : (1) l’analyse et le diagnostic, (2) l’expérimentation des innovations et (3) l’extension et le transfert). Cette approche « vise à modifier les processus de création et de transfert d’innovations en instituant des relations réciproques entre chercheurs, agriculteurs et agents de développement » (Jouve et al., 1987).

agricoles, mais considèrent encore les fonctions de conseil ou de vulgarisation comme le transfert des résultats de la recherche. Haug (1999) décrit cette période comme une « étape économique,

pendant laquelle les recherches sur les systèmes agricoles étaient menées par des agronomes et des économistes, avec une vision des producteurs comme étant des sources d’information et d’appui à l’élaboration des technologies ». Les solutions ne sont pas construites avec les producteurs, elles sont testées avec eux

dans le meilleur des cas (Gilbert et al., 1980) avec un groupe limité de producteurs, rassemblant souvent une « élite » assimilée aux « innovateurs » identifiés dans les approches précédentes. Cependant, considérant les producteurs comme objet de recherche, on s’intéresse à leur discours, aux « logiques paysannes », aux « savoirs populaires » ou « savoirs paysans ». On passe à une communication à double sens (Boon, 2010) pour saisir cette diversité, avec un conseil permettant un échange d’informations entre le conseiller et le producteur : « si un agent de vulgarisation veut

aider un agriculteur à accomplir [un processus d'intégration d'une innovation], il doit non seulement être informé des nouveaux résultats de recherche, mais aussi écouter l'agriculteur pour comprendre sa représentation du monde. [...] Un des rôles important du conseiller devrait être d'aider l'agriculteur à analyser des objectifs contradictoires et les conséquences escomptables de l'information qu'il détient sur la manière dont le monde est en train de changer. Ceci est nécessaire pour une définition claire de ses problèmes. Sans elle, [le conseiller] ne sait pas de quels résultats de recherche le producteur a besoin et quelle peut être leur importance pour lui » (Van

Den Ban, 1984). Malgré cette communication à double sens et une volonté d’intégration plus importante des producteurs dans la création des innovations, les FSR maintiennent les producteurs au bout de la chaîne de production de savoirs et d’innovations, à la fois comme objet de recherche et source d’information essentielle.

La prise en compte de la diversité trouve ses limites. Ne pouvant développer de solutions pour chaque situation sans réforme profonde des fonctions de conseil, on développe de nouveaux outils de modélisation, d’aide à la décision, de planification, qui permettent d’appliquer des solutions connues aux problèmes identifiés localement. Ces approches reconnaissent l’importance de la formation des acteurs (conseillers et producteurs) dans l’appropriation des innovations, mais n’ont pas forcément permis de changer la répartition des rôles dans la production de connaissance et n’ont pas permis de prendre en compte l’ensemble des systèmes d’exploitations agricoles existants. On reste dans une analyse statique des contraintes des exploitations agricoles et de transfert de solutions pour y faire face, sans analyse dynamique du changement et des trajectoires des exploitants et de leurs exploitations (Maxwell, 1986). Les critiques initiales du ToT qui avaient poussé à l’émergence des FSR réapparaissent. Malgré un rôle plus important des producteurs et une analyse basée sur des analyses pluridisciplinaires des systèmes d’exploitation, les processus d’innovation restent aux mains des chercheurs et les conseillers agricoles restent en posture de prescription. Dans les FSR, « un élément manquant est la méthode pour permettre et encourager les « resource-poor farmers » eux-mêmes à se retrouver et à travailler sur ce qu’ils veulent, en fonction de ce dont ils

1.1.5.2. L’évolution des approches de FSR au Sud

Dans les années 1980, tandis qu’évolue la recherche sur les systèmes agricoles, les plans d’ajustement structurels et le retrait de l’État des fonctions de services à l’agriculture dans les pays en développement vont avoir deux conséquences majeures. Tout d’abord, le financement du conseil agricole diminue fortement avec la réduction des financements9 dévolus à l’agriculture et le retrait de l’État de la fourniture des services à l’agriculture (Pye-Smith, 2012). Ce retrait de l’État renforce également l’apparition d’une diversité d’acteurs dans les services à l’agriculture, notamment par la privatisation de nombreuses fonctions. Des services de plus en plus spécialisés émergent pour tenter de répondre aux besoins de ces agricultures de plus en plus diversifiées. Les politiques de développement cherchent à donner aux producteurs une posture d’« entrepreneurs », sachant identifier et développer des stratégies pour faire face aux opportunités et contraintes qu’ils identifient dans leurs situations, en les plaçant au centre des processus de décision. Le conseil agricole doit favoriser leur évolution « d’une situation de récepteurs passifs des innovations pour

devenir de véritables exploitants professionnels ayant de bonnes capacités de prise de décision » (Djamen et al.,

2002).

Malgré cette diversification de l’offre de conseil, l’ensemble des producteurs ne va pas en bénéficier. La disparition de l’État comme autorité de coordination et la privatisation des services d’appui à l’agriculture vont participer à la marginalisation de certains types d’exploitations agricoles par une sélection des bénéficiaires de ces services. Ces exploitations « marginales », en dehors des catégories « modèles » créées pour représenter la diversité des situations, vont être privées d’un système de recherche et de conseil adapté à leur situation. Malgré la reconnaissance de la diversité des réalités agricoles, de promotion de certains modèles alternatifs et la volonté des pouvoirs publics de lutter contre la pauvreté, les producteurs les plus vulnérables se trouvent exclus de l’ensemble du système de production d’innovations (Van Der Ploeg, 1994 ; Vanclay et al., 1994 ; Van Der Ploeg et al., 2009 ; Labarthe et al., 2012).

La prise de conscience de la nécessité de placer les producteurs au centre des processus va progressivement faciliter l’émergence d’approches favorisant un renforcement de compétences des acteurs et un accompagnement des trajectoires d’évolution des exploitations sur le long terme. « L’enjeu n’est plus seulement de préparer des « agriculteurs-entrepreneurs » mais aussi de développer les

compétences des « exploitants ruraux », soit des agriculteurs mettant en place des systèmes alternatifs, étroitement articulés au développement rural » (Joly, 2002).

9 À titre d’exemple, en 1980, au niveau international, 17% de l’aide au développement globale est dédiée à l’agriculture, contre 3% en 2011 (Fao, 2012).

1.1.6. « From teaching to learning »

10

: les apprentissages et les compétences au cœur des

systèmes agricoles d’innovation

1.1.6.1. La reconnaissance de la diversité des systèmes agricoles d’innovation

À partir des années 1980, de plus en plus de voix s’élèvent pour remettre en cause les modèles de conseil et de développement rural en place. Les nouvelles approches doivent permettre de faire le lien entre la diversité des systèmes et des situations, et l’adaptation des concepts, des approches, des méthodes et des outils à cette diversité. La recherche sur les « farming systems » évolue, avec trois piliers transversaux : le « systems thinking » permettant de prendre en compte l’ensemble de l’exploitation agricole et de son environnement, l’interdisciplinarité, et une approche participative de la recherche (Darnhofer et al., 2012). L’accent est mis sur les acteurs, les différentes institutions du secteur agricole (secteur privé, recherche, éducation, structures de conseil, …) et leurs interactions, en donnant de l’importance non pas aux résultats (qui seront spécifiques au contexte) mais à la compréhension des processus (Hubert et al., 2000). On observe donc un « passage d'une ère ou [le] partage de l'information et de la connaissance est le plus important, à une

époque où l'important est la reconnaissance de la participation de tous à sa production » (Darré, 1999).

Par cette meilleure prise en compte des processus, on cherche plutôt à « voir le conseil, la recherche et

les producteurs dans un système en synergie » (Röling, 1985), système permettant de répondre aux

nombreux challenges de l’agriculture. L’agriculture n'est plus une activité « dont le seul objectif est la

production de produits standardisés, dictée par un marché de plus en plus global [mais] devient une activité à fonctions multiples ». Les fonctions de l’agriculture sont redéfinies (Hubert et al., 2000) en intégrant

des exigences de flexibilité et d’adaptation des systèmes d’exploitation pour « mettre en valeur les

territoires » et « répondre aux évolutions des sociétés actuelles (évolution de la demande des consommateurs, alliances politiques, fourniture de services écologiques, …) » (Hubert et al., 2000). Dans les pays en

développement, nous pouvons souligner l’importance de la provision d’une « alimentation saine et de qualité en quantité suffisante », la sécurité alimentaire des populations rurales étant encore un défi dans la majorité de ces contextes.

La multifonctionnalité de l’agriculture conduit à une redéfinition du rôle des acteurs des systèmes agricoles. Ces acteurs, pour interagir, ont besoin de systèmes de renforcement de capacités adaptés et flexibles. Il s’agit de permettre à chacun « d’agir collectivement et de mettre en œuvre des

processus de prise de décision éclairés » (Hubert et al., 2000), d’« expliciter et amener à la surface nos modes de production de connaissances : devenir « épistémologiquement conscients » ; d’« appuyer les producteurs à changer leur situation en développant leurs capacités d’autonomie et de conception et de mise en œuvre d’actions adaptées », et leur permettre « d’évaluer de manière réflexive leurs propres pratiques » (Hubert et al.,

2000). Les politiques agricoles promeuvent des modèles moins linéaires, mettant en évidence les articulations et interrelations entre les différentes fonctions des différentes institutions et favorisant l’émergence de synergies. On adapte l’approche systémique, utilisée avant au niveau de l’exploitation, à l’ensemble du secteur agricole (Anandajayasekeram, 2011) pour comprendre, faciliter et catalyser l’innovation, les apprentissages et le changement en agriculture.

Cette période est caractérisée par Haug (1999) comme la phase « institutionnelle ». Différents cadres (« frameworks » (Rivera et al., 2006)) sont proposés pour caractériser les fonctions et interrelations des acteurs et institutions dans les systèmes d’innovation agricoles (Hall et al., 2006 ; Rivera et al., 2006 ; Hall, 2007a, 2007b ; Klerkx, 2008 ; Ugbe, 2010). Conceptuellement, les « National Agricultural Research Systems » (NARS - plutôt reliés aux approches précédentes de transfert) se transforment en « Agricultural Knowledge and Information Systems » (AKIS), puis en « Agricultural

Innovation Systems » (AIS) (voir le tableau en annexe n°1.2). Chaque étape construit un cadre plus

complet et complexe sur le système d’innovation dans le secteur agricole (Hall 2007b ; Klerkx 2008). La place du conseil évolue progressivement : on chemine, tant dans les approches de développement rural que dans le conseil à l’agriculture, vers des systèmes complexes mettant l’accent sur les processus d’apprentissage et la réflexivité (voir le tableau 1 ci-dessous).

Tableau 1 : Évolution de la vision des systèmes d’innovation Modes de compréhension Mécanique (« hard systems »,

interventionniste, planifié, supervisé, « top down »)

Processus (« soft systems »,

processus émergent,

expérimental / apprentissages, réflexif, travail non supervisé, « bottom up ») Modes d’action Analytique (apolitique, interactions, organisations, marchés formels) Transfert « top-down » linéaire Systèmes complexes, émergence, apprentissages, organisations Normatif (politique, relations de pouvoir, institutions (règles, processus) marchés réels (sociaux, politiques)

Approche pro-pauvres instrumentales

Pouvoir, politiques, apprentissages, réflexivité

Source : Traduit de l’anglais, « Farmers First Revisited » (Scoones et al., 2009).

La définition la plus récente de l’« agricultural innovation system » est donnée par le GFRAS (2012a). Le système d’innovation agricole est vu comme : « un réseau d’organisations, d’entreprises et d’individus

ayant un objectif commun d’élaborer de nouveaux produits, processus et formes d’organisations économiquement viables, en lien avec les institutions et politiques qui peuvent influencer leur comportement et performances. Dans un système d’innovation, l’innovation est un processus interactif entre de nombreux acteurs permettant une création de connaissance, son adaptation et son utilisation. Les institutions (règles, attitudes, routines et pratiques) et les politiques associées forment un environnement facilitateur qui détermine fortement

les capacités du système à innover. Une interaction renforcée entre les acteurs du système est déterminante pour l’innovation, et ce processus a souvent besoin d’être facilité et encouragé ». Ce système d’innovation agricole

rassemble tous les acteurs du secteur agricole (recherche, éducation conseil, organisations professionnelles) autour des producteurs. La figure présentée en annexe 1.3 détaille ces différents cadres articulés entre eux, donne une vision complète des acteurs et de leurs interactions dans un système agricole d’innovation (Rivera et al., 2006) et précise la place du conseil agricole et des différents services d’appui à l’agriculture.

Sans entrer ici dans le détail, nous pouvons cependant noter un élargissement de ces cadres, qui permettent à la fois de proposer « (1) des cadres d’analyse des organisations et (2) un cadre d’analyse du

développement et de la dissémination des innovations, ces deux aspects amenant au concept de système d’innovation » (Anandajayasekeram, 2011). L’innovation est alors vue comme le « résultat d’une action concertée ou d’une synergie entre de multiples acteurs ou participants à son élaboration » (Röling et al., 1998b

; Röling, 2007). On aboutit à une vision plus large, systémique et dynamique de l’élaboration des innovations et des échanges entres acteurs. Une attention particulière est mise sur l’exploration, la facilitation de l’interaction et de la communication, ainsi qu’à la co-construction des innovations.

Le conseil agricole doit aider à « comprendre, appuyer, faciliter et suivre le processus par lequel un ensemble

d’acteurs évolue vers plus de synergie » (Röling, 2007). On veut induire des processus d’apprentissage

pour favoriser cette synergie, en développant chez les acteurs les compétences nécessaires à la flexibilité des systèmes : « les changements dans la société, l’émergence de problèmes et processus complexes

[…] requièrent un apprentissage personnel permanent. Ces processus ne demandent pas seulement un accès accru à l’information mais également des compétences d’apprentissage plus importantes, une flexibilité et des stratégies cognitives efficaces, permettant de transformer ces connaissances en action » (Maturana et Varela,

1987, cité par (Röling et al., 1998b)). Les processus de communication et d’apprentissage ainsi qu’un environnement favorable à l’émergence de ces processus (« learning context ») (Cerf et al., 2000) deviennent donc le centre de ces systèmes d’innovation agricoles. Les différents acteurs, par leurs échanges de savoirs multidirectionnels (Farrington, 1995) et leur recherche de synergie dans le système, construisent et accompagnent le changement (Coutts, 1994 ; Vanclay et al., 1994 ; Pretty, 1995 ; King et al., 2001 ; Ingram, 2008).

Après avoir été receveurs de messages techniques puis gestionnaires de systèmes d’exploitation complexes, les producteurs ont un rôle de décideurs en environnement complexe dans ces systèmes d’innovation. Les producteurs sont des « partenaires », « eux-mêmes conscients de leur rôle et

de leur pouvoir dans les synergies entre acteurs » (Röling, 2007). Ils construisent l’innovation, permettant

« de sortir de la loi de la même chose pour tous, et permettre une adaptation dans un contexte donné par des

acteurs donnés » (Akrich et al., 1988). Même si les approches de conseil cherchent à favoriser la

participation des producteurs (FF ou « Farmer First »), elles mettront du temps à se traduire de manière opérationnelle, à passer de « la mise en relation de producteurs et de technologies » à la co-construction d’innovations dans des « systèmes d’innovation plus larges » (Scoones et al., 2009).

Progressivement, on prend en compte les producteurs et leur système dans leur complexité : au-delà d’une prise en compte des exploitations agricoles, les approches par les « livelihoods » (Chambers et al., 1991) ou « systèmes d’activités », permettent d’analyser l’ensemble des activités des ménages, leur accès à différentes ressources, dans leur environnement, pour caractériser leur situation et leur niveau de vulnérabilité. On prend en compte les individus, leurs ressources mais