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Les expériences de CEF en Afrique de l’Ouest : une évolution vers des principes communs

instrumentales à des approches axées sur les processus des approches axées sur les processus des approches axées sur les processus des approches axées sur les processus

2.2. L’émergence du conseil à l’exploitation familiale L’émergence du conseil à l’exploitation familiale L’émergence du conseil à l’exploitation familiale

2.2.2. Les expériences de CEF en Afrique de l’Ouest : une évolution vers des principes communs

Suite à ces premières expériences de conseil de gestion en Afrique de l’Ouest, les outils, méthodes et postures vont être adaptés dans des dispositifs divers, pour répondre aux besoins et aux enjeux locaux. Chaque expérience de conseil est un nouvel équilibre entre des différentes composantes qui constituent un système de conseil (la gouvernance, le renforcement de compétences, le financement et la définition d’outils et de méthodes), selon des arbitrages entre les besoins sur le terrain et les moyens disponibles (conformément à ce que la figure 4 nous permettait de voir sur le « best practice for best fit » (Birner et al., 2009)). Cela reste vrai pour les expériences de CEF. Sans chercher à lister de manière exhaustive ces interventions et projets (pour une présentation des principales expériences de CEF en Afrique de l’Ouest, voir les tableaux n°1 à 6 en annexe n°2.4), nous avons surtout cherché à mettre en évidence la diversité de ces expériences sur quatre axes principaux :

- Les expériences de CEF peuvent d’abord être mises en œuvre dans le cadre de dispositifs institutionnels très différents, en fonction de l’institution référente et des acteurs mettant en œuvre le CEF : il peut être mis en œuvre sur le terrain par des organisations de producteurs, par des structures publiques locales ou nationales, par des prestataires privés locaux ou encore par des ONG. Le CEF peut bénéficier d’appuis divers (projets de développement, projets de recherche-développement, ONG,…).

- Les expériences sont également différentes selon la source de financement (budget public, bailleurs, ONG, participation des organisations de producteurs ou des producteurs directement) et selon le circuit que va suivre ce financement.

- Les expériences de CEF sont ensuite variables selon les acteurs mettant en œuvre le conseil (conseil dispensé par des conseillers, par des producteurs formés).

- Le public ciblé par les interventions est variable, selon le type de « bénéficiaires » (conseil destiné à des producteurs alphabétisés, ou ouverture à des publics plus larges) et selon le nombre de bénéficiaires du conseil (selon le financement mobilisé et les objectifs des organisations qui mettent en œuvre le conseil).

Enfin, même si les bases de l’approche sont communes, les outils, les méthodes, l’intensité du conseil et les rôles attribués à chaque acteur vont varier selon les dispositifs et à l’intérieur de chaque dispositif, en fonction des objectifs des structures d’appui, des compétences disponibles sur le terrain et des besoins et des demandes formulés par les producteurs.

En 2001, après quinze ans de mise en œuvre du CEF dans différents pays, avec des visions et approches très diverses, les acteurs du CEF (bailleurs, ministères, centres de recherche, ONG et structures locales mettant en œuvre le CEF) décident de se réunir pour échanger et capitaliser sur les expériences menées jusqu’alors. Lors de cet « atelier sous-régional sur le conseil aux exploitations

agricoles d’Afrique de l’Ouest et du Centre », organisé en 2001 à Bohicon au Bénin, un besoin de

cohérence se fait sentir tant chez les professionnels du conseil que chez les chercheurs et les bailleurs. Cet atelier permet de définir une vision partagée de ce que le conseil de gestion recouvre, de ses objectifs, et des méthodes et outils que le conseil mobilise. Il est alors proposé de faire évoluer le nom de cette approche, passant de conseil de gestion (CdG) à conseil à l’exploitation familiale (CEF), afin de mieux distinguer l’objet du conseil. Les acteurs de l’atelier cherchent également à redéfinir une vision harmonisée de l’approche et identifier les contraintes et enjeux auxquels le conseil de gestion doit faire face pour l’avenir. Le CEF évolue, d’une approche plutôt axée sur la gestion de l’exploitation agricole, à une approche explicitant l’importance de l’articulation entre l’exploitation agricole et la famille, mettant l’accent sur le renforcement de capacité des producteurs. Cet atelier, ainsi que des travaux ultérieurs, ont permis d’aboutir à un consensus sur des définitions et postures associées au CEF. Dugué et al (2003) expliquent que « les démarches de type CEF visent à aller au-delà de la logique de la vulgarisation classique, en

dotant les producteurs de capacités à définir leurs besoins, à préciser leurs objectifs tant au sein de leur exploitation que de leur famille, à maîtriser leurs actions et, plus largement, les processus de gestion concernant leurs unités familiales de production ». Havard et al. (2006) définissent le conseil de gestion comme :

« une aide à la décision au cours d'un processus d'apprentissage faisant évoluer les représentations de

l'agriculteur avec les étapes suivantes : prévision, action, évaluation des conséquences de la décision, confirmation ou modification des représentations ». Le CEF doit permettre l’autonomisation progressive

de la réflexion du producteur26 (Foy-Sauvage et al., 2003) ainsi que le renforcement des capacités d’adaptation des exploitants et de leurs exploitations agricoles, en étant « accessible à tous les

agriculteurs qui peuvent en avoir besoin ».

26 « L’agriculteur doit être capable, après son passage au sein d’un « groupe d’échange d’idées », d’utiliser seul les outils d’aide à la décision. De même, les nouvelles normes d’action élaborées au sein de ces groupes doivent pouvoir être mises en débat et appropriées par les groupes locaux d’agriculteurs » (Foy-Sauvage et al., 2003).

Au-delà d’une certaine diversité dans la mise en œuvre, les professionnels intervenant dans le CEF cherchent à s’assurer que les démarches de CEF partagent des principes communs, formalisés lors de cet atelier (Dugué et al., 2003 ; Faure et al., 2004) :

- Le CEF est une démarche globale qui permet au producteur et sa famille d’analyser sa situation, de prévoir, de faire des choix, de suivre ses activités et d’évaluer ses résultats ; il prend en compte les aspects techniques, économiques et sociaux de leurs activités.

- Le CEF est un processus de renforcement des capacités des producteurs et productrices à maîtriser les différentes facettes de leur activité (production agricole et autres activités génératrices de revenus, organisation du travail, gestion des flux monétaires,…) afin d’atteindre leurs divers objectifs familiaux. Il s’agit de placer les familles rurales au centre de la fonction de conseil.

- Le CEF repose sur des méthodes d’apprentissage (incluant formation, échanges d’expériences,

valorisation des savoirs paysans,…) et d’aide à la décision (outils divers : suivi technico-économique des productions, calcul de la marge brute, gestion de la trésorerie,…) qui s’appuient plus ou moins

sur la maîtrise du calcul et de l’écrit.

- Les expériences de CEF s’insèrent dans des réalités paysannes : les producteurs engagés dans ces démarches font partie de réseaux d’échanges de techniques et de savoirs locaux, ils sont souvent membres, voire responsables, d’organisations paysannes.

- Enfin, les expériences de CEF visent à construire des dispositifs d’appui aux producteurs avec une participation forte des OP et une implication possible de nouveaux acteurs que sont les ONG ou les bureaux d’études. Elles cherchent à renforcer l’autonomie des producteurs et de leurs organisations par rapport aux autres acteurs.

Le CEF vise à renforcer les capacités d’analyse réflexive et de planification des participants, dans le but d’améliorer leur réflexion stratégique. Cette réflexion stratégique est favorisée par une appropriation progressive des outils de gestion, permettant d’entrer dans un processus d’apprentissage continu. Les producteurs peuvent alors expliciter les principales contraintes qu’ils perçoivent, les hiérarchiser, mener une réflexion stratégique de manière autonome et identifier des pistes de solution adaptées. Les étapes de base de cette approche (dont nous détaillerons plus loin la mise en œuvre dans le contexte béninois) sont : (1) le diagnostic par les producteurs de leurs contraintes et problèmes perçus principaux ; (2) une réflexion sur les besoins alimentaires de la famille et la formulation d’objectifs clairs de sécurité alimentaire associés à des objectifs de production et de revenus ; (3) la sensibilisation et la formation à l’utilisation d’un certain nombre d’outils de gestion (permettant de fournir des indicateurs et valeurs de suivi et d’estimation) et (4) l’évaluation de l’atteinte des objectifs fixés. La maîtrise de ces différentes étapes permet progressivement d’entrer dans des raisonnements de planification et d’anticipation des activités et des investissements. On voit ici la volonté de placer les producteurs au centre des processus, dans

des dynamiques d’autonomisation, en renforçant leurs capacités de diagnostic et d’auto-analyse, pour aller vers plus de réflexivité vis-à-vis de leurs pratiques et de leurs comportements.

Après avoir abordé l’émergence du CEF et son historique de manière générale en Afrique de l’Ouest, et avant de s’intéresser spécifiquement à l’évolution du CEF dans le contexte béninois, il nous semble important d’évoquer les défis actuels auxquels le CEF est confronté à cette échelle sous-régionale.