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Les facteurs d’influence des apprentissages : caractérisation des principaux facteurs et cadre d’analyse pour explorer leur influence

construction de la proactivité et les facteurs d’influence nfluence nfluence nfluence

Chapitre 4. Cadre d’analyse et Cadre d’analyse et Cadre d’analyse et

4.1. Élaboration du cadre d’analyse des processus d’apprentissage dans le CEF ssage dans le CEF ssage dans le CEF ssage dans le CEF

4.1.3. Les facteurs d’influence des apprentissages : caractérisation des principaux facteurs et cadre d’analyse pour explorer leur influence

Dans le chapitre 3, nous avons évoqué les facteurs d’influence majeurs des processus d’apprentissage et de la réflexion stratégique des producteurs. Ces facteurs sont à la fois des facteurs individuels relatifs aux producteurs et à leurs systèmes d’activités, ainsi que des facteurs externes, parmi lesquels l’importance des réseaux des producteurs, le rôle central du facilitateur ou du conseiller (vu comme médiateur d’apprentissage réflexif), les conditions d’interaction entre le producteurs et le conseiller, et les outils et méthodes mobilisés comme supports de l’apprentissage. Ces facteurs sont essentiels au processus d’apprentissage et peuvent modifier de manière importante la qualité et le déroulement du processus.

Dans le cas de notre travail, il est difficile d’explorer les effets et l’influence de l’ensemble de ces facteurs. Nous proposons de nous concentrer sur certains d’entre eux, en raison de leur pertinence pour répondre à notre question de recherche. L’objet de recherche étant le processus d’apprentissage par l’analyse de l’évolution de la proactivité au niveau individuel, il paraît essentiel d’explorer les facteurs individuels d’influence des apprentissages. Nous présenterons les autres facteurs d’influence et proposons de les « contrôler » pour certains d’entre eux, mais l’exploration de leur influence ou de leur poids sur l’évolution de la proactivité ne sera pas traité dans ce travail.

4.1.3.1. Les facteurs individuels

Dans le chapitre 3, nous avons mis en évidence, à partir de la littérature, un certain nombre de facteurs individuels influençant l’apprentissage. Certains de ces éléments ont été intégrés dans le concept de proactivité, comme l’attitude face au changement, la capacité à faire différemment des autres, de percevoir la source de changement en soi plutôt qu’extérieure et de s’engager dans le changement en mettant en œuvre des actions stratégiques. Ce profil de proactivité de départ paraît être important dans le processus d’apprentissage induit par le CEF. L’analyse de ce profil nous permettra d’explorer l’aspect récursif du processus d’apprentissage, en mobilisant le profil de proactivité à la fois comme un résultat émergent de l’apprentissage mais également comme catalyseur de la construction de cette proactivité.

Au-delà de la proactivité et de ce que les producteurs ONT et FONT, d’autres éléments, plutôt caractéristiques de la personnalité (intuition, émotion, créativité) sont essentiels à l’apprentissage, mais difficilement identifiables dans le cadre de notre étude. Nous estimons que si la proactivité des producteurs évolue dans des processus d’apprentissage, c’est que ces facteurs y ont participé, sans pouvoir déterminer exactement dans quelle mesure. Nous allons également explorer la

variabilité des apprentissages selon l’âge, le sexe et le niveau d’éducation initial. Même si ces facteurs ne déterminent pas complètement les processus d’apprentissage, ils peuvent en partie les éclairer. Ces facteurs, à remettre en lien avec la situation générale des producteurs au Sud-Bénin et les contraintes auxquelles ils doivent faire face, permettront de réfléchir sur la méthode de CEF en elle-même, pour favoriser les apprentissages et les adapter à des situations individuelles différentes.

Ce sont sur ces dimensions individuelles que nous allons concentrer notre analyse, même si nous allons chercher à contrôler l’influence de certains facteurs externes, permettant de tester la validité de notre étude.

4.1.3.2. Les autres facteurs d’influence

L’intensité du conseil : le profil du conseiller et le conseil mis en œuvre

Nous avons évoqué dans les chapitres 1, 2 et 3 l’importance du conseiller, de son expérience, de son profil et de ses représentations dans la mise en œuvre du conseil et dans la mise en place d’une relation d’accompagnement de confiance avec l’« apprenant ». Nous supposons donc que ces éléments ont une influence forte sur le conseil fourni dans le CEF, notamment dans les stades plus avancés de CEF, quand une relation privilégiée de conseil existe entre le conseiller et le producteur. Selon ce que sont les conseillers, selon leur formation, leur trajectoire préalable et la représentation qu’ils se font de leur métier, ils mettront en œuvre leur rôle de conseiller de manière différente, développant des activités et des orientations du conseil différentes (Huard, 2005 ; Rémy et al., 2006). Les dispositifs de formation des formateurs ont des dynamiques similaires, notamment dans la manière dont les formateurs perçoivent à la fois leur rôle et celui des participants, amenant à une modification des représentations des participants « apprenants » et une évolution de la manière dont ces participants vont eux même agir (Huard, 2005 ; Pasco et al., 2009). Un travail complémentaire au travail de thèse87 a proposé d’analyser les correspondances entre le type de conseil mis en œuvre et les représentations que les conseillers ont de leur métier (Amonsou-Biaou et al., 2012 ; Moumouni et al., 2013). Dans ce travail portant sur les conseillers CEF de la FUPRO dans le Sud-Bénin, différents « profils » de conseillers ont été identifiés, à savoir des conseillers « vulgarisation de techniques agricoles et de concepts de gestion », les conseillers « appui à la gestion et aide à la décision » et les conseiller « intermédiation et facilitation », présentés dans l’encadré 5 ci-dessous.

87 Ce travail a été mené par Fortuné Amonsou-Biaou, élève-ingénieur agronome à la faculté de Parakou, encadré par Ismail M. Moumouni. Le travail a été mené en 2011, auprès des seize conseillers des URP du Mono-Couffo et de l’Ouémé-Plateau.

Encadré 5 : Les profils de conseillers

Source : (Moumouni, de Romémont et al, 2013).

Profil 1 : Conseiller « vulgarisation de techniques agricoles et de concept de gestion »

Les conseillers ayant typiquement ce profil partent du diagnostic que les principales difficultés des producteurs sont d’ordre technique et financier, même s’ils mettent plus l’accent sur les aspects techniques que sur les aspects financiers. Quoique certains d’entre eux évoquent une posture de « guide » ou d’ « orientation » des producteurs, leur rôle en tant que conseiller est d’aider les producteurs à travers la formation technique et le transfert de connaissances sur la production agricole. Le suivi individualisé sur le terrain peut-être important mais est principalement réservé au suivi des itinéraires techniques des parcelles. Les outils de gestion sont enseignés mais sans chercher à forcément donner du sens à leur utilisation. Dans ce cas, le conseiller adopte plus une posture d’enseignant dont l’animateur est le relais d’information et de connaissance auprès des producteurs. Le « bon conseiller » doit avoir selon eux un esprit de sacrifice car cette fonction quoique centrale dans le dispositif de conseil est peu récompensée par l’organisation.

Profil 2 : Conseiller « appui à la gestion et aide à la décision »

Les conseillers de ce profil estiment qu’en plus des difficultés techniques, les producteurs sont aussi confrontés à des problèmes de gestion et d’organisation. La vision de l’exploitation va au-delà de la prise en compte des aspects liés aux techniques agricoles. En conséquence, ils voient leur rôle comme un accompagnement et un appui aux processus de prise de décision des producteurs, pour améliorer la gestion de leur exploitation. L’utilisation des outils de gestion est au cœur du métier du conseiller pour mettre en place une démarche de planification des activités de l’exploitation, de suivi et d’évaluation. Le suivi individualisé permet d’aborder à la fois des questions liées aux techniques agricoles mais aussi à la gestion des ressources de l’exploitation. Certains conseillers de ce groupe perçoivent leur rôle comme central mais insuffisamment récompensé. Le rôle de l’AR est défini comme celui d’un intermédiaire entre le conseiller et les agriculteurs. Cependant, les relations conseiller-AP restent dominées par un mode hiérarchique. Ce type de conseiller donne des formations techniques beaucoup plus managériales qu’agricoles et a souvent une bonne capacité d’écoute, de communication et d’animation.

Profil 3 : Conseiller « intermédiation et facilitation »

Le diagnostic posé par les conseillers de ce profil sur les exploitations agricoles va au-delà des difficultés techniques et de gestion pour couvrir des difficultés d’accès aux intrants, aux ressources, et au marché. Ils évoquent de ce fait l’intermédiation comme le cœur de leur métier de conseiller. Comparée à celle du profil 2, la vision de l’exploitation agricole devient encore plus globale car elle prend en compte l’environnement de l’exploitation. Non seulement les interactions entre les producteurs eux-mêmes sont importantes, mais ils considèrent que les producteurs doivent pouvoir être en contact avec d’autres acteurs de développement agricole susceptibles de leur offrir un service ou une opportunité de développement. Ils ont généralement de bons rapports avec les responsables de leur organisation dont ils se considèrent comme membres à part entière. Les interactions sont également importantes et beaucoup moins hiérarchiques avec l’AR, considéré par certains conseillers comme un alter ego. Le conseiller cherche à amener les producteurs « à mieux avancer en induisant un changement de comportement et en suscitant en eux une réflexion permanente ». Quatre des six conseillers présentant ce profil évoquent l’utilité d’avoir une posture de « confident » vis-à-vis des producteurs, donc des relations de confiance mutuelle, si le conseiller doit effectivement les accompagner dans une analyse.

Chacun de ces profil-types représente une tendance des conseillers dans un continuum, à la fois dans la manière de définir leur rôle, leurs responsabilités et la manière dont ils perçoivent leurs fonctions dans leur situation, mais également dans la manière dont ces représentations diverses les amènent à mettre en œuvre un même cahier des charges initial de manière différente.

Dans notre contexte de recherche, le profil du conseiller et le conseil fourni sont donc liés. Toutefois, nous plaçant dans les premiers mois de mise en place des groupes de CEF, le conseil fourni est encore relativement standard. Comme nous l’avons présenté dans le chapitre 2, durant la première année de CEF, les conseillers vont constituer les groupes dans les communes, réaliser des diagnostics de situation et de la sensibilisation de gestion, tout en menant les premières séances d’alphabétisation. Durant cette première année, ils peuvent également mettre en place de premières activités techniques et des parcelles de démonstration, généralement pour proposer des pratiques permettant de résoudre des problèmes rapidement. Ces différentes activités, même si elles ne sont pas identiques dans tous les groupes, ne vont pas être suffisamment différenciées pour créer des types et des niveaux d’apprentissage différents. Tout en reconnaissant ce facteur comme central, en cherchant à explorer les processus d’apprentissage en cours dans ces premiers mois de CEF, nous pensons que la variabilité de l’intensité du conseil est faible, et n’influence pas encore les processus d’apprentissage en cours. Il conviendra donc de vérifier l’évolution des producteurs en fonction des groupes de conseil, sans toutefois le considérer comme un facteur d’influence à ce stade.

Les autres facteurs d’influence

Les conditions de l’apprentissage

Nous laisserons également de côté plusieurs dimensions du dispositif de CEF qui influencent le contexte d’apprentissage. Les conditions de l’apprentissage, notamment la dimension collective de l’apprentissage, sont centrales. Ces dynamiques collectives, par les échanges d’expériences dans les groupes de conseil (assimilable au concept de socialisation entrepreneuriale de Verstraete (1997)), permettent aux producteurs de développer un regard réflexif sur leurs pratiques et leur processus décisionnel, par comparaison avec les autres producteurs. Le collectif (ici surtout la famille et les pairs) a un rôle important dans l’orientation de la prise de décision et l’élaboration de la vision stratégique. Au niveau de la dynamique du groupe, les facteurs évoqués dans le chapitre 3 sont la structure du groupe, le niveau de confiance entre les membres du groupe, l’émotion et l’estime réciproque dans le groupe, l’existence d’une symétrie suffisante des statuts au niveau socio-relationnel entre les membres (Argyris, 1995). Cette dimension collective est un des piliers du processus d’apprentissage dans les approches d’éducation pour adultes.

Nous savons que cette dimension collective est très importante dans les processus d’apprentissage individuels que nous analysons, notamment dans les premiers mois de CEF, pendant lesquels le

conseiller intervient principalement dans les groupes, pas encore de manière individualisée. Cependant, il semblait difficile d’étudier à la fois les processus individuels d’évolution de la proactivité et les dynamiques collectives à l’œuvre au sein des groupes. Nous n’avons donc pas spécifiquement étudié les interactions et dynamiques collectives des groupes, même si nous prenons la mesure de leur importance dans les résultats finaux obtenus.

La méthode et les outils de CEF

La méthode et les outils de l’apprentissage sont également des éléments importants, dont la conception et le choix influencent fortement le conseil dispensé et la posture de conseil. Nous avons rappelé le rôle de l’écrit, le rôle des outils de gestion dans l’élaboration des représentations, tant par le suivi et la planification qu’ils permettent, que par l’établissement de représentations partagées avec le conseiller qu’ils facilitent. Ces différents éléments influencent donc les processus d’apprentissage, les facilitent ou permettent de limiter l’existence de routines défensives chez les apprenants. Dans notre cas de recherche, les méthodes et outils mobilisés vont surtout être différents selon les groupes (alphabétisés ou non) car dans les premiers mois de CEF, les conseillers mobilisent les outils mis à disposition par la cellule de coordination du projet. Certains conseillers vont être créatifs et innover en fonction de besoins spécifiques des groupes avec lesquels ils travaillent, mais lors des premiers mois de CEF, cette variabilité est relativement négligeable. Nous allons plutôt étudier l’influence du niveau d’alphabétisation et d’éducation des individus que l’influence de la méthode de CEF et du couplage à l’alphabétisation.

Le type d’organisation de mise en œuvre du CEF

Enfin, un dernier facteur de variabilité du conseil est le type d’organisation mettant en œuvre le CEF. En effet, nous supposons que selon les types d’organisation (organisation de producteur, ONG, bureau d’étude local privé, acteur public), l’orientation donnée au CEF, la posture et les responsabilités confiées aux conseillers varient. Un travail complémentaire88 a également été réalisé sur ce sujet (Mouzoun et al., 2012). Ce travail met en évidence une influence forte du type d’organisation mettant en œuvre le CEF, mais également du type et de la source de financement de ces organisations. Ces différents facteurs orientent de manière différente le type de conseil fourni, la définition des rôles des différents acteurs (notamment l’inclusion des producteurs) et l’appropriation des éléments de la stratégie nationale de conseil agricole. Dans notre contexte de recherche, c’est la FUPRO (Fédération des unions des producteurs du Bénin) qui met en œuvre le CEF dans les différents groupes. Ce n’est donc pas un facteur de variabilité dans notre cas.

88 Ce travail a été mené par Xavier Mouzoun, élève ingénieur-agronome à la faculté de Parakou, encadré par Ismail M. Moumouni. Le travail a été mené en 2011, auprès de différentes organisations (ONG locales, organisations de producteurs, structures de conseil de l’État, bailleurs, ministère), pour caractériser l’influence du type d’organisation sur le conseil mis en œuvre sur le terrain.