le terme des négociations sur l’assurance-chômage par ces mots : « Une avancée, une réserve
et deux regrets ». Certes, la CFDT souligne l’acceptation du principe « un jour travaillé
entraîne un jour d’indemnisation » qui devrait augmenter le nombre des ayants-droits à une
indemnisation tout en regrettant que ce nombre reste limité. A peine 100 000 individus selon
275
Syndicalisme hebdo n°3183, septembre 2008, p.11. 276
129
ses estimations
277. Ce sera le 8 janvier 2009 que la CFDT décidera de signer officiellement
l’accord, après plusieurs articles dans lesquels elle avait part de ses « hésitations » à le faire.
« Formation professionnelle : le texte n’est qu’une étape vers la sécurisation des
parcours »
278, c’est de cette manière que la CFDT qualifie la signature de l’accord national
interprofessionnel sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle,
la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels ! Si les développements
du DIF et du CIF sont reportés à de nouvelles négociations, les partenaires sociaux se sont
entre autres accordés sur la création d’un « fonds de sécurisation des parcours ». Cette
disposition de l’accord est en parfaite conformité avec les préceptes de la revendication
confédérale. Le texte original de l’accord stipule par exemple qu’il ne s’inscrit pas « dans une
logique de statuts » mais promeut une « logique de projets et de parcours professionnels »
recherchant la « requalification des salariés ou des demandeurs d’emploi » tout en se
focalisant en particulier sur les « demandeurs d’emploi qui sont les plus éloignés de
l’emploi »
279. Enfin, un accord national interprofessionnel est conclu le 14 novembre 2008 sur
la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. S’il valide la mise en œuvre de
dispositifs souhaités par la CFDT – tel le bilan d’étape professionnel – la CFDT n’en fait
pourtant nulle promotion. On peut supposer que la « méfiance » exprimée par les militants,
sentiment général qu’avait déjà souligné la CFDT, explique ce fait au final assez curieux et
peu cohérent. Ensemble, ces trois accords nationaux interprofessionnels poursuivent la
concrétisation de la revendication confédérale entamée le 11 janvier 2008. Le 47
èmecongrès
confédéral de la CFDT qui se tient à tours du 7 au 11 juin 2010 félicite ces résultats. Dans la
section 2.2 de la résolution générale, forte de 8 pages, qui s’intitule « des parcours
professionnels sécurisés et ascendants », on peut entre autres lire que « la CFDT a obtenu des
sécurités nouvelles pour les salariés dans leur parcours professionnel. Nombre de nos
revendications se sont traduites dans les faits par de nouvelles garanties collectives qu’il faut
désormais faire vivre au quotidien. Ces actions doivent être prolongées pour permettre aux
salariés d’être davantage acteurs de leur parcours professionnel. »
280. Mais aucune
revendication réellement élaborée ou neuve n’émane de la lecture de ce document.
277
« Négociation sur l'Assurance-chômage : « une avancée, une réserve et deux regrets » », communication mise en ligne le 23 décembre 2008 sur le site internet confédéral de la CFDT.
278
Communication mise en ligne sur le site internet confédéral de la CFDT le 7 janvier 2009. 279
Accord national interprofessionnel sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels, p.3.
280
Résolution du 47ème congrès de Tours de la CFDT, document mis en ligne sur le site internet confédéral de la CFDT.
130
Cependant, l’analyse d’un ultime document montre l’amorce d’une nouvelle phase de la
revendication sur la sécurisation des parcours professionnels. Il s’agit du supplément au
3338
èmeexemplaire du journal « syndicalisme hebdo » paru le 16 décembre 2011 et titré
« pour une deuxième étape de la sécurisation des parcours professionnels ». Les objectifs
actuels que recouvre l’expression visent selon la CFDT à « sécuriser les mobilités
professionnelles des salariés », à « lutter contre la précarité » et enfin à « agir pour des
emplois de qualité ». Sept revendications recherchent précisément la sécurisation des
mobilités professionnelles. Elles sont précisément les suivantes : « l’évolution du congé de
mobilité vers un dispositif qui permette aux salariés de tester un projet professionnel ;
l’adaptation des règles d’indemnisation du chômage ; la production par l’employeur d’une
annexe au certificat de travail récapitulant l’ensemble des droits sociaux acquis par le
salarié ; la possibilité de conserver son compte épargne temps ; la généralisation de la
complémentaire-santé collective ; des droits à l’assurance-chômage « rechargeables » ; un
accompagnement des demandeurs d’emploi plus soutenu pour ceux qui ont le plus de
difficultés à retrouver un emploi ». La mise en place d’une négociation annuelle sur la
sécurisation des parcours professionnels devant se substituer à celle sur la GPEC, ainsi que
l’instauration des actions conjointes menées au niveau de l’entreprise, des secteurs
professionnels et du territoire constituent enfin les prochains terrains d’action d’une
revendication syndicale qui au niveau confédéral peut se reposer sur de nombreuses
traductions concrètes.
131
Conclusion de chapitre
Il ressort de l’analyse de l’élaboration, au niveau confédéral, de la sécurisation des parcours
professionnels, que l’apparition du terme n’induit pas de profondes évolutions dans les
pratiques syndicales mises en exergue par la confédération syndicale. L’introduction de
l’expression officielle est double : répondre à la précarisation et à la dualisation de l’emploi
d’une part, fédérer le plus possible de salariés et de syndiqués autour d’un projet revendicatif
d’autre part. Mais les objectifs intrinsèques de la sécurisation des parcours professionnels ne
sont pas neufs. Usage facilitée des dispositifs de formation professionnelle, aides au retour à
l’emploi des individus, soutien aux individus les plus éloignés du marché du travail, etc., les
enjeux de la sécurisation des parcours professionnels sont portées de plus longue date par la
CFDT. Et en ce sens, à travers elle, la CFDT continue de s’inscrire en partenaire privilégié
des relations professionnelles.
En effet, sur un plan général, la CFDT réaffirme le marché du travail et supporte finalement la
logique d’activation des chômeurs. En ce sens, sa propre revendication diverge moins de ce
que j’ai appelé le discours dominant. Certes, dans plusieurs de ses publications, la CFDT
critique les « idées reçues » qui peuvent stigmatiser les chômeurs, les stigmatiser être
« coupable » de leur situation. Comme l’a montré, Serge Ebersold, les évolutions
institutionnelles de la prise en charge du chômage ont été faites principalement ce qu’il
nomme une « perspective réadaptative ». L’expression renvoie aux dispositifs de
« requalification » des chômeurs par leur mise en formation, et de réinsertion dans l’emploi
par le biais de contrats aidés ou d’insertion. Or, ces dispositifs définissent les chômeurs, en
particulier de longue durée, par leurs manques (en termes de qualification, d’expériences) et
supposent in fine qu’ils sont socialement incapables ou inadaptés. La
« perspective réadaptative » ou le processus d’activation participe donc à une stigmatisation
tendancielle des chômeurs. Ebersold conclut : « En associant les causes du non-emploi à un
manque de formation des intéressés, en réorganisant le traitement social du non-emploi
autour d’une perspective éducative, les politiques adoptées par le législateur ont restructuré
le traitement social du non-emploi autour d’une perspective réadaptative. Elles ont identifié
le manque de qualification, l’inexpérience professionnelle, l’absence de projet à des
132
incapacités et des inaptitudes synonymes « d’inemployabilité » et assimilé les personnes à la
recherche d’un emploi à des « inadaptés », à des « handicapés », socialement et
professionnellement incapables de s’adapter aux changements en cours. Elles ont ainsi
permis de penser les populations ciblées comme des « incapables professionnels » dont
l’accès à un emploi, voire à une formule qualifiante, est difficile, lorsqu’il n’est pas
improbable, et rendu possible l’émergence de « l’inemployable »
281. De ce point de vue, force
est de constater que la CFDT, à travers la sécurisation des parcours professionnels, participe
de façon paradoxale à un phénomène qu’elle critique.
281
Serge Ebersold : La naissance de l’inemployable ou l’insertion aux risques d’exclusion, Presses universitaires de Rennes 2, collection « Le sens social », 2001, p.190.
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