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lacune résulte du fait que, comme les confédérations syndicales ont le statut d’association, elles ne sont pas tenues de communiquer le nombre de leurs adhérents à l’État, et elles ne le

font généralement pas. Dès lors, tout chiffre sur le sujet est toujours une estimation qui

approche la réalité sans jamais la décrire parfaitement. Les données avancées par Andolfatto

et Labbé sont donc à manipuler avec précaution, d’autant plus qu’ils utilisent différents modes

de calcul pour aboutir à des résultats divergents

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. Cependant elles apparaissent les plus

fiables, et sont à ce titre les plus couramment utilisées par la littérature académique. Les

mêmes incertitudes sont rencontrées si l’on souhaite cette fois mesurer le poids des syndicats

dans les entreprises. Là encore, l’accès aux chiffres est une quête invraisemblablement

laborieuse. Heureusement, plusieurs indicateurs objectifs permettent de dresser un panorama

parcellaire de la situation à partir duquel on peut extrapoler une réalité globale. Les suffrages

obtenus par les syndicats aux élections aux comités d’entreprises constituent un de ces

indicateurs. En 2005-2006, la CGT obtient 23% des suffrages, la CFDT 20%, FO 13%, la

CFTC et la CFE-CGC moins de 7%, les voix restantes allant à des candidats de syndicats

non-confédérés ou des candidats non-syndiqués

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. Pour la même période, on sait que la CGT

a des délégués syndicaux présents dans 19% de toutes les entreprises d’au moins 20 salariés,

la CFDT 19%, FO 13%, la CFE-CGC 8%, et enfin la CFTC 7%

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. Dans l’absolu, on ignore

donc le nombre total de représentants des salariés – toutes fonctions confondues – que

possède chaque confédération syndicale. Malgré tout, les différentes données citées ci-dessus

tendent à montrer que les syndicats les plus représentés dans l’entreprise sont la CGT et la

CFDT. A l’inverse, la CFTC et la CFE-CGC sont bien moins implantées dans les entreprises,

FO étant dans une position intermédiaire.

C’est pourquoi la présence syndicale à « HG moteurs » revêt ce caractère que j’ai appelé

« atypique » : la situation est totalement inverse ! Plusieurs éléments expliquent ce constat de

prime abord surprenant. D’une part, près d’un tiers des salariés de « HG moteurs » travaille à

R&D. Ces salariés sont très majoritairement des cadres et des ingénieurs. Or, cette population

de salariés, quand elle est syndiquée, adhère tendanciellement plus à la CFE-CGC et moins

aux organisations au recrutement historiquement et principalement ouvrier. Cela explique au

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Voir des mêmes auteurs : Les syndicats en France, La documentation française, 2007. 347

Olivier Jacod : « Les élections aux comités d’entreprises en 2005-2006 », DARES, Premières synthèses informations, n°40-3, octobre 2008.

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Maria Teresa Pignoni: « Présence syndicale : des implantations en croissance, une confiance des salariés qui ne débouche pas sur des adhésions », DARES, Premières synthèses informations, n°14-2, 2007.

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moins en partie la forte implantation de la CFE-CGC et sa bonne place dans la hiérarchie

syndicale de l’entreprise. D’autre part, la domination de la CFTC et la marginalité de la CGT

sont des faits corrélés. En effet, en 2006, une large partie des élus et des adhérents de la CGT

et dans une moindre mesure de FO, déçus pour diverses raisons de leur propre syndicat,

quittent leur organisation respective au profit de la CFTC qui était jusqu’alors minoritaire et

qui devient ainsi la principale force syndicale de l’entreprise. De fait, tout au long de cette

étude, le lecteur devra garder à l’esprit que la CFTC de « HG moteurs » est très peu

conventionnelle. Il convient plutôt de la considérer comme une « CGT officieuse » ou une

« CGT Bis »

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. Enfin, la déliquescence de la CGT ne s’est pas terminée avec cette scission.

Suite à la loi sur la nouvelle définition de la représentativité syndicale votée le 20 août 2008,

les confédérations syndicales ne disposent plus de la présomption irréfragable de

représentativité que le législateur leur avait attribuée le 24 juin 1936. Conséquemment à cette

loi, dans l’entreprise, pour mettre en place un syndicat, négocier et signer des conventions

collectives, etc., les confédérations syndicales sont tenues d’obtenir un minimum de votes au

premier tour des élections au comité d’entreprise. Toutes les deux affaiblies, la CGT et FO

s’étaient alors prudemment alliées pour être sûres, ensemble, d’obtenir les voix nécessaires et

conserver un statut officiel. Par un commun accord, les deux organisations avaient convenu

que la majorité des voix irait à FO. Grâce à cette alliance, elles obtiennent les suffrages

nécessaires. En revanche, seule FO reste légalement une organisation représentative dans

l’entreprise. Cas probablement rare dans une entreprise industrielle où sont présentes les cinq

confédérations syndicales, la CGT fait figure de « lanterne rouge » et ne joue plus qu’un

modeste rôle d’information et de consultation au comité d’entreprise. Pour toutes ces raisons,

les syndicalistes d’« HG moteurs » peuvent avoir des parcours très différents. Certains ont

adhéré tôt à un syndicat bien précis, par conviction et exercent des fonctions syndicales

au-delà de leur seule entreprise. D’autres, certes fidèles à un seul syndicat et également très actifs

au sein et au dehors de leur entreprise, ont cependant commencé leur carrière militante plus

tardivement et un peu moins franchement. D’autres encore, en assez grand nombre, ont

transité par plusieurs syndicats dans un délai assez court. L’encadré, ci-dessous, détaille les

entretiens réalisés pour cette monographie.

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De nombreux syndicalistes de l’entreprise n’hésitent pas à l’assimiler à la CGT ou même à l’organisation SUD, qui est, dans le paysage syndical français, une organisation plutôt virulente. Le meneur de la CTFC de « HG moteurs » valide cette comparaison. Il explique : « « La CFTC existait à l’époque. Elle était là, mais elle ne comptait qu’une ou deux personnes. Et, ils ne s’occupaient de rien. J’ai repris la CFTC. (…) Oui, j’ai carrément repris des gens avec moi. (…) Ce serait plus CGT. Ce n’est pas du tout une CFTC classique, je dirais qu’on est plus CGT. On ne suit pas la CFTC au niveau national. ».

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Encadré 2 : Liste et statuts des personnes interrogées à « HG moteurs »

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Frédéric C., ouvrier, DS de la CFDT, rencontré le 14 juillet 2009 et le 5 mai 2010 et Patrick

R., ouvrier, DP de la CFDT. Durée totale des entretiens : approximativement 6 heures.

Henri S., ouvrier, DS de la CFTC, rencontré le 03 mai 2010. Durée de l’entretien : 1 heure 15

minutes.

Claude K., ouvrier, élu CGT au CE et un RSS de la CGT rencontrés le 23 05 2010. Durée de

l’entretien : 1 heure 30 minutes.

Luc F., ouvrier, DS de FO, et Patrick H, ouvrier, élu FO au CHSCT, rencontrés le 25 mai

2010. Durée de l’entretien : 1 heure 45 minutes.

Christian P., cadre, DS de la CFE-CGC rencontré le 3 juin 2010 et le 2 novembre 2010. Durée

totale des entretiens : approximativement 2 heures 30 minutes.

3.2.2.Synthèse des plans de départs basés sur le volontariat

3.2.2.1. Première réorganisation de l’usine (2006-2007)

C’est au mois de novembre 2006 que la direction de l’entreprise annonce qu’un plan de

sauvegarde de l’emploi – plus précisément un « plan de réorganisation » des effectifs – aura

lieu à « HG moteurs ». À cette période, l’entreprise emploie un peu plus de 900 salariés et

assure une production quotidienne moyenne de 9 000 turbos. Avec le recul, les représentants

des salariés se souviennent ne pas avoir été véritablement surpris par cette décision patronale.

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Un plus grand nombre de personnes a participé aux entretiens que celles recensées. Mais lorsque leur participation active a été très modeste, dépassant de peu la seule présence physique, elles ne sont pas citées.

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On l’a montré, l’effectif salarié du site vosgien avait déjà nettement régressé avec le départ

massif des intérimaires. Pour les représentants des salariés, cette évolution marquait déjà la

volonté de la direction du « groupe H » de transférer la production dans d’autres de ses sites

où la main d’œuvre est plus rentable. Tous les témoignages, sans exception, expriment ce

sentiment. « De ce qu’on voyait en CE – comme au sujet des transferts d’activité du groupe

vers d’autres pays – on n’a pas été surpris. On était dégoûté, surtout », constate simplement

Luc F. (FO). « Ils ont ouvert un site en Inde, un site en Roumanie. Et la croissance se fait

aujourd’hui dans ces pays. (…) On avait des signes. Et, on n’est pas stupide, quand un

volume de 300-400 intérimaires décroît et qu’à la fin il n’y en a plus, c’est qu’il va se passer

quelque chose », précise Frédéric C. (CFDT). Ainsi, les propos tenus par les syndicalistes de

« HG moteurs » rejoignent la remarque de Aubert et Beaujolin-Bellet qui soulignent :

« l’annonce d’une restructuration est rarement une révélation : elle produit toujours dans ses

prémisses des signaux qui permettent de la voir venir. »

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.

Les suppressions d’emplois réalisées à « HG moteurs » ne sont pas des licenciements à