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Conformément à ces déclarations, la CFDT défend, en conclusion de cet article, une série de revendications favorisant l’accès aux dispositifs de tous les salariés pour en quelque sorte

« démocratiser » l’usage de ce droit. Par exemple, la CFDT encourage un principe général

de « réduction des inégalités d’accès à la formation » devant « valoriser l’expérience pour

diversifier les parcours de qualification personnelle et donner une image positive des acquis

des individus, organiser la formation en modules permettant l’absence de l’entreprise et/ou

du foyer familial, ou encore trouver un aménagement associant l’utilisation de ressources

196 La revue de la CFDT, n°22-23, juillet-août 1999, p.1. 197 Ibid., p.34. 198 Ibid., p.35.

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informatiques ou favorisant l’embauche d’un chômeur en remplacement du salarié en

formation. Toute ces mesures existent déjà mais restent peu utilisées »

199

. La simplification

des certifications, l’insertion professionnelle des jeunes, la relation demande/offre de

formation, etc., sont d’autres revendications soutenues par la CFDT en la matière.

À partir du printemps de l’année 2000, plusieurs numéros de « la revue de la CFDT » traitent

de la montée du chômage, de l’instabilité des carrières professionnelles, de la hausse générale

des mobilités professionnelles et de leurs incidences sur la vie des individus. En un mot, les

problématiques qui donneront naissance à la sécurisation des parcours professionnels sont

débattues à cette période

200

. Par exemple, l’éditorial du trentième numéro de « la revue de la

CFDT » titré « mutations du travail et innovations sociales » annonce clairement la

construction d’une revendication de la prise en charge des discontinuités d’emploi. Il est

écrit : « Comment assurer une continuité des droits sociaux au-delà de la pluralité des

situations de travail ? Cette question d’actualité, à laquelle de plus en plus de salariés sont

confrontés, doit être analysée au regard des transformations du travail depuis une vingtaine

d’années. (…) Tout l’enjeu est donc de construire un système garant de stabilité et de sécurité

pour les personnes concernées par une multiplicité de situations professionnelles possibles et

par un devoir permanent d’adaptation »

201

.

Les enjeux sont posés. L’expression très précise de « sécurisation des parcours

professionnels » n’est pas encore évoquée. En revanche, l’hypothèse que les pratiques

conformes à la revendication confédérale existent avant l’apparition du terme se vérifie. En

effet, à cette période, la CFDT soutient déjà une démarche visant le développement de

l’emploi ou la mobilité/l’employabilité des individus. L’objectif est d’ailleurs affiché sans la

moindre ambiguïté : « Pour la CFDT, un des objectifs est d’assurer la mobilité et les

conditions de celle-ci pour les individus tout au long de la vie avec une exigence de sécurité

dans leurs trajectoires. Une mobilité qui, pouvant être interne ou externe, doit toujours être

négociée et impulser une logique tenant compte des travailleurs les moins mobiles, de ceux

qui ne pourront suivre les mutations du travail, par la mise en place d’incitations positives à

199

Ibid., p.36. 200

Leur intérêt pour ce chapitre est cependant variable. Les revues ne seront pas toutes traitées dans cette sous-partie.

201

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la mobilité vers le travail et l’emploi. »

202

. Officiellement la CFDT veut « garantir pour

chacun le maintien et le développement de ses qualifications et compétences »

203

. Mais il faut

noter que c’est la possibilité d’être mobile dans l’emploi qui est visée par la centrale

syndicale. En ce sens, elle recherche davantage à faire correspondre la qualification de la

personne à la qualification de l’emploi, c'est-à-dire à préserver l’employabilité de la personne,

plutôt qu’à maintenir ou à faire progresser la qualification salariale. Recourant plus facilement

à la notion de « compétences » que de « qualification »

204

, la CFDT veut « trouver les voies

d’une valorisation des compétences, lesquelles ne se substituent pas aux qualifications mais

les enrichissent, afin d’assurer la mobilité des salariés d’une société à une autre »

205

. Et la

confédération syndicale de préciser : « l’enjeu pour les salariés est de se voir reconnaître

l’ensemble des éléments qu’ils mettent à disposition de l’employeur. »

206

. Pour l’organisation

syndicale, les mobilités professionnelles sont incontournables ou inévitables. Certaines

peuvent être lourdes de conséquences pour l’individu. En conséquence, des protections

modernes et des droits nouveaux doivent être obtenus pour garantir l’employabilité de tous les

individus y compris ceux dont les carrières sont particulièrement instables. C’est l’essence

même de la sécurisation des parcours professionnels, rechercher « les moyens d’assurer la

mobilité et d’assurer leurs parcours par la garantie d’une protection sociale et d’un revenu,

de créer des transitions progressives entre travail et hors-travail »

207

.

202 Ibid., p.30. 203 Ibid., p.31. 204

Dans le texte, la CFDT fait le distinguo qualification/compétences en opposant les titres et diplômes détenus par l’individu, et auxquels correspond idéalement un niveau précis de salaire – la qualification de la personne – et les compétences possédées par les individus qu’ils peuvent mettre en avant pour prétendre obtenir un emploi – plutôt la qualification de l’emploi. On peut lire : « La distinction traditionnelle entre les deux repose sur le fait que la qualification se réfère de manière explicite à des tâches opératoires liées au poste de travail, tandis que la compétence appartient au travailleur. Aujourd’hui les qualifications ne mesurent que le niveau de performance par rapport à des critères définis. En revanche, les compétences mesurent ce qui est réellement mis en œuvre dans l’exercice d’une fonction. Elles sont liées à l’éducation, à la formation, et à l’expérience des travailleurs, ainsi qu’à leurs aptitudes personnelles », ibid., p.31.

205 Ibid., p.31. 206 Ibid., p.31. 207 Ibid., p.31.

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2.2. L’avènement du terme de « sécurisation des parcours

professionnels »

Dès le début de l’année 2001, les objectifs visés par la CFDT sont réaffirmés. On lit par

exemple : « La construction de garanties et de protections effectives, qui permettront de faire

face aux transformations du travail comme aux mutations culturelles et à la mobilité de

l’emploi, est un impératif de première urgence. »

208

. Par ailleurs, on peut dire qu’à cette date,

une première appellation de la sécurisation des parcours professionnels apparaît dans les

revues syndicales : le « nouveau contrat social »

209

. Ce terme vise un objectif de réduction de

la précarité et des inégalités sociales en dotant les salariés de nouveaux droits et en

renouvelant les règles des relations sociales. On peut lire : « Pour que la mobilité d’emploi ne

rime pas avec précarité, pour affronter les nouveaux risques professionnels et sociaux, pour

que la lutte contre les inégalités et les exclusions s’appuie sur de véritables démarches

citoyennes, la réaffirmation (…) des fondements républicains comme de la toute puissance de

l’État ne suffit pas. Dans un monde de plus en plus diversifié, voire éclaté, le principe

d’uniformité doit se décliner dans des conditions qui permettent à chacun d’accéder à ses

droits. (…) C’est ce constat qui nous a conduits, à la CFDT, à mettre en avant la perspective

d’un « nouveau contrat social » »

210

. Aucune proposition concrète n’est encore avancée. Le

discours reste à l’état d’une déclaration d’intentions.

L’opposition de style entre la sécurisation des parcours professionnels et le nouveau statut du

travail salarié est déjà manifeste à cette période. La CFDT le souligne elle-même à l’occasion

de la parution d’un nouvel exemplaire de « la revue de la CFDT » abordant le lien

qualification-compétences et dans lequel des représentants de la CFDT et de la CGT débattent

de la question par articles interposés. Il est intéressant de résumer les deux logiques en

présence. D’un côté, Jean-Michel Joubier, responsable formation de la CGT annonce que pour

208

La revue de la CFDT, n°37-38, janvier-février 2001, p.56. 209

L’origine de cette expression remonte cependant à l’année 1995 et le 43ème congrès confédéral. La CFDT explique alors que le terme signifie la « recherche de nouveaux équilibres fondés sur l’équité, la solidarité, et la réduction des inégalités », La revue de la CFDT, n°66, juillet-août 2004, p.49. La « sécurisation des parcours professionnels » est donc le prolongement de la « rénovation du contrat social ».

210

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intervenir auprès des salariés, les organisations syndicales doivent aider au développement

dans un cadre collectif de la qualification de la personne. Pour l’émissaire de la CGT,

promouvoir la notion de compétences encourt le risque d’individualiser la défense syndicale

des salariés ou, pour le dire autrement, de le laisser seul dans les différents espaces de la

négociation, de l’isoler face à l’employeur. Écrivant que la compétence est une notion plus

« subjective que le concept traditionnel de qualification, plus susceptible d’interprétation

dans le cadre d’une relation de subordination, plus sensible aux rapports de force dans

l’entreprise »

211

, le responsable de la CGT juge que les compétences peuvent transformer la

qualification en « potentialités », c’est à dire des « ressources nécessaires mais non

suffisantes » pour prétendre occuper tel ou tel poste de travail. Bref, promouvoir la notion de

compétences c’est, selon le porte-parole de la CGT, accepter la logique de l’employabilité et

in fine définir l’individu par ses manques plutôt que de reconnaître sa qualification : « La