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congrès confédéral que des pistes un peu plus concrètes sont avancées pour approcher cet objectif. Pour la CGT, amorcer une dynamique

nouvelle passe inévitablement par le développement des qualifications : « Ces

transformations appellent à un développement de la qualification et donc pour la CGT à un

essor important de la formation professionnelle initiale et continue. Le droit pour chacun à

un réel déroulement de carrière passe par ce développement »

81

. Or, constatant que les

dispositifs de formation professionnelle permettent surtout aux salariés d’acquérir des

compétences conformes aux compétences demandées par les employeurs, que l’entreprise ne

supporte pas la totalité des coûts de formation ou encore que de nombreux individus sont

contraints de se former en dehors de leur temps de travail, la CGT juge que le recours actuel à

la formation se fait à sens unique, et dans un sens peu favorable aux salariés. On peut par

exemple lire : « ainsi, le salarié devrait se former à des compétences que le patronat aura

seul définies et dont il sera l’unique valideur. (…) Les enjeux sont clairs : la qualification

80

Le peuple, n°1469, 26 novembre 1997, p.7. 81

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renvoie à des repères collectifs, à des garanties collectives, la compétence elle renvoie à

l’individu, à l’individualisation, elle accompagne la flexibilité dans l’entreprise »

82

. Pour

tenter de développer une formation qualifiante, la CGT revendique que 10% du temps de

travail soit dédié à la formation professionnelle, tout en reconnaissant que cette revendication

reste encore à un stade de « slogan ».

Le 46

ème

congrès confédéral qui se tient à Strasbourg en janvier 1999 est une étape importante

pour l’élaboration de la revendication confédérale. Dans la lignée de « l’érosion de la

condition salariale » décrite par Robert Castel

83

, la centrale syndicale rappelle à cette

occasion la réalité d’un « éclatement du salariat » du fait que « les salariés [sont] de plus en

plus confrontés aux situations de chômage, de précarité, d’intérim, de temps partiel, de

travail non déclaré »

84

. Ainsi, pour la CGT, le modèle d’État social instauré pendant les

« Trente glorieuses » n’est plus en capacité d’encadrer toutes les situations individuelles de

travail si bien que « des garanties collectives modernes répondant aux besoins de

reconnaissance et de valorisation du travail salarié, contrecarrant la mise en concurrence

des salariés »

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sont à reconstruire. Les droits à un emploi stable à temps plein, à un

développement de carrière, à la formation et à la promotion, des droits sociaux, et des libertés

syndicales comptent parmi les garanties nouvelles que souhaite obtenir la CGT. Au sujet de la

lutte spécifique contre le chômage et la précarité, la CGT suggère enfin la mise en place d’une

« meilleure sécurité d’emploi » ou « de nouvelles formes de sécurité salariale et d’emploi »

86

,

expressions qui sont les premières appellations – ou les appellations « préhistoriques » – de ce

qui sera nommé plus tard la « sécurité sociale professionnelle ». Mais ces expressions ne

traduisent ne sont pas encore traduites par des propositions concrètes.

Plus tard, la CGT par le biais d’un article intitulé « L’entreprise, emploi, salaires, garanties

collectives » livre le diagnostic suivant : les formes particulières d’emplois deviennent

monnaie courante notamment parce que les insertions dans l’emploi se font majoritairement

par des contrats courts de travail, ou que le CDI – bien que restant la norme majoritaire des

contrats de travail – décroît au profit des contrats courts de travail. Il en découle, selon la

82

Ibid., p.46. 83

Robert Castel : Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Gallimard, 1999. 84 Le peuple, n° 1486, octobre 1998, p. 17. 85 Ibid., p. 17. 86 Ibid., p. 25.

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CGT, que les mobilités professionnelles, et surtout les mobilités subies, sont tendanciellement

plus nombreuses. Surtout, elles apparaissent problématiques au sens où elles remettent en

cause la progression des carrières et la reconnaissance des qualifications des individus. C’est

pourquoi – et cela est pour la première fois explicité dans une revue – la CGT suggère que les

droits des salariés devraient avoir la qualité d’être « transférables » pour en quelque sorte

permettre une continuité dans la discontinuité. On peut lire : « De nombreuses expériences,

sur le terrain, témoignent cependant de la conscience que les salariés ont de leurs

compétences collectives, individuelles et du frein que représentent le sous-effectif, cause de

nombreux dysfonctionnements, ainsi qu’un mangement toujours aussi centralisateur,

bureaucratique, « néo-taylorien » (…) La revendication de la reconnaissance des

compétences collectives, individuelles, transversales et transférables devient un enjeu de la

négociation collective, impliquant de nouvelles formes valorisantes de qualification, de

classification, et de rémunération, et donc de garanties collectives »

87

. La suite de l’article

réaffirme l’importance que la CGT confère au développement et à la reconnaissance des

qualifications individuelles. On peut dire de cet objectif qu’il est véritablement une logique

fondamentale, à l’épicentre de la future revendication confédérale. Enfin, contre l’éclatement

du salariat, et pour encadrer « la kyrielle d’autres salariés » en marge de la norme d’emploi

effectué en CDI à temps plein, la CGT poursuit ses réflexions autour de la possibilité

d’instaurer un statut unique au travail. Discourant des garanties collectives aptes à

contrecarrer le clivage des salariés, le syndicat s’interroge : « Pour faire simple, pourquoi les

salariés entrant dans le champ d’une définition nouvelle de « l’entreprise » n’auraient pas

droit à un statut social identique ? »

88

.

Plus loin dans la même revue, l’entretien de Jean-Christophe Le Duigou et de Roland Le

Bris

89

, coauteurs d’un ouvrage récent voit se préciser la pensée confédérale. Ils expliquent :

« l’un des moyens de penser un nouveau plein emploi c’est de redéfinir un nouveau statut du

travail dans la société, et partant, un nouveau statut de la personne au travail »

90

. Cette fois,

87

Alternatives et documents économiques, n°79, janvier 1999, p.5. 88

Ibid., p.7. 89

Jean-Christophe Le Duigou, Roland Le Bris : Demain l’emploi ? Travail, emploi et salariat, quelle nouvelle dynamique ?, éditions de l’Atelier, 1998.

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