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y 4 : Un enfant devient millionnaire.

4.4.1.2. La négation métalinguistique

Outre les quatre marqueurs de négation qui servent en général à nier les groupes verbaux ou

les propositions entières, il existe aussi une autre forme de négation en chinois, à savoir bùshì ‘ce 15

n’est pas vrai’ (Teng, 1974). Cette dernière est employée pour indiquer le refus d’un énoncé préalable, où la négation porte sur l’acte de langage au lieu de la condition de vérité de la proposition. Par exemple, les phrases en (68) peuvent être utilisées à exprimer respectivement le refus de l’énoncé ‘Il a suivi le cours pieds nus’ et de l’énoncé ‘Il a une petite sœur qui aime bien

Lisi.’

Shì ‘être’ en chinois est la copule qui a plusieurs fonctions différentes. Une fonction importante consiste à marquer

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l’affirmation sur les énoncés précédentes (Li et Thompson, 1981). Différemment de la phrase sans shì en (ia), qui est employée pour exprimer une information ou répondre à une question, la phrase avec shì en (ib) peut seulement être utilisé pour affirmer ce qui a été dit dans les énoncés précédents ou ce qui peut être inféré dans le contexte entre le locuteur et l’interlocuteur. Parallèlement, sa forme négative bùshì sert à indiquer le rejet d’un énoncé préalable, voir (ii). i. a. 他没钱。 (Li et Thompson, 1981)

Tā méi qián. il NEG argent

‘Il n’a pas d’argent.’

b. 他是没钱。 Tā shì méi qián. il être NEG argent

‘Il est vrai qu’il n’a pas d’argent.’

ii. A: 张三不愿意借钱给我。

Zhāngsān bù yuànyì jiè qián gěi wǒ. Zhangsan NEG vouloir prêter argent donner je ‘Zhangsan n’a pas envie de me prêter d’argent.’

B: 他不是不愿意借钱给你,⽽是他根本就没有钱。

Tā bùshì bù yuànyì jiè qián gěi nǐ, érshì tā gēnběn jiù méiyǒu qián. il NEG NEG vouloir prêter argent donner tu mais il pas du tout alors NEG argent

‘Ce n’est pas vrai qu’il n’a pas envie de te prêter de l’argent, mais plutôt qu’il n’a pas du tout d’argent.’

(68) a. 他不是光着脚上课。(Li et Thompson, 1981) Tā bùshì guāng -zhe jiǎo shàngkè.

il NEG nu DUR pier suivre le cours

‘Ce n’est pas vrai qu’il suit le cours pieds nus.’

b. 他不是有⼀个妹妹很喜欢李四。

Tā bùshì yǒu yī gè mèimèi hěn xǐhuān Lǐsì. il NEG avoir un CL petite-sœur très aimer Lisi

‘Ce n’est pas vrai qu’il a une petite sœur qui aime bien Lisi.’

Ce genre de négation qui exprime le refus d’asserter une proposition est courant à travers des langues. Il est distingué de la négation ordinaire dans la littérature, voir Horn (1985, 1989), Van der Sandt (1994) et Carston (1994, 1996), parmi d’autres. Horn (1985, 1989) met en avant que les marqueurs de négation dans une langue ne fonctionnent pas de manière identique. Il oppose la négation métalinguistique à la négation descriptive (ordinaire) . La négation descriptive est traditionnellement décrite comme vériconditionnelle : elle porte sur une proposition et donc affecte les conditions de vérité de la proposition. En revanche, la négation métalinguistique est non- vériconditionnelle, au sens où elle porte sur un énoncé et donc n’affecte pas les conditions de vérité de la phrase, mais plutôt son assertabilité. De même, Van der Sandt (1994) différencie ces deux types de négation par deux termes différents, à savoir la négation et le refus. D’après lui, la négation fonctionne sur les propositions alors que le refus s’applique aux énoncés.

Comparons (69) et (70). Dans la négation descriptive telle que (69), le locuteur entend décrire un état négatif des affaires du monde, en niant ici un fait objectif, c’est-à-dire que le soleil brille aujourd’hui. En revanche, dans la négation métalinguistique en (70), il s’agit d’un énoncé négatif employé à exprimer le refus d’un énoncé préalable pour quel que motif ce soit (Horn 1989). La première partie négative de l’énoncé (70B) rejète la mauvaise prononciation du mot ‘police’ dans l’énoncé (70A). Dans ce cas, la négation métalinguistique n’a rien à voir avec la vérité du fait ‘il a

appelé la police.’

(70) A : He called the pólice. (Horn 1989)

B : He didn’t call the [pólis] ; he called the [polís].

Horn (1985, 1989) montre que la négation métalinguistique concerne non seulement les présuppositions, comme en (71a), mais également les implicatures (cf. (71b)), les connotations (cf. (71c)) et les formes phonologiques, morphologiques ou syntaxiques (cf. (71d)). La négation métalinguistique, en tant que refus d’un énoncé préalable, est souvent suivie d’une correction, comme montré dans les exemples suivants.

(71) a. Le Roi de France n’est pas chauve, puisqu’il n’y a pas de roi de France. b. Jean n’a pas trois enfants, il en a quatre.

c. Je n’avais pas été convoqué par Tonton, je l’avais été par le Président de la République. d. Tu n’est pas allé au coiffeur, tu es allé chez le coiffeur.

L’autre propriété importante de la négation métalinguistique, c’est que les TPN ne peuvent pas être légitimés dans sa portée alors que les TPP peuvent y apparaître. Prenons le TPP sometimes ‘parfois’ et le TPN ever ‘jamais’ comme exemple. Comme tous les TPP, sometimes répugne généralement à l’emploi dans un contexte négatif. Sa contrepartie dans un contexte négatif correspond au TPN ever, comme l’illustre (72a-c). Cependant, cette réticence est levée par la négation métalinguistique en (72d).

(72) a. Mary is sometimes late. (Carston, 1994) b. * Mary is ever late.

c. Mary isn’t ever late.

d. Mary isn’t sometimes late. (She’s always late.)

Selon les analyses que nous avons revues en 4.2., les contextes qui légitiment les TPN doivent au moins être monotones décroissants. Ils permettent les inférences qui se font d’un énoncé vers un autre énoncé obtenu par substitution d’un sous-ensemble à un ensemble. La raison pour laquelle les TPN ne peuvent pas être légitimés dans la portée de la négation métalinguistique, c’est parce que cette dernière ne crée pas un contexte monotone décroissant. Prenons (73) comme exemple. Nous savons que l’ensemble des carottes est un sous-ensemble des légumes, mais la phrase en (73a) ne

permet pas l’inférence à la phrase en (73b). Il existe des cas où Zhangsan mange des légumes purement et simplement pour sa santé, il n’aime pas manger tous les types de légumes, sauf que les carottes sont son légume préféré. Ceci montre que la négation métalinguistique n’est pas un opérateur monotone décroissant.

(73) a. Ce n’est pas vrai que Zhangsan aime manger des légumes. ⇏

b. Ce n’est pas vrai que Zhangsan aime manger des carottes.

En mandarin, bùshì est la négation qui peut s’associer de façon très générale à la négation métalinguistique, distincte des marqueurs de négation comme bù, bié, méi et méi(yǒu) qui servent à exprimer la négation descriptive. Comme la négation métalinguistique ce n’est pas vrai en français,

bùshì crée aussi un contexte qui n’est pas monotone décroissant. La phrase comprenant un

ensemble en (74a) ne permet pas l’inférence à la phrase comprenant un sous-ensemble en (74b).

(74) a ⇏ b

a. 张三不是喜欢吃蔬菜。

Zhāngsān bùshì xǐhuān chī shūcài. Zhangsan NEG aimer manger légume

‘Ce n’est pas vrai que Zhangsan aime manger des légumes.’

b. 张三不是喜欢吃胡萝⼘。

Zhāngsān bùshì xǐhuān chī húluóbo. Zhangsan NEG aimer manger carotte

‘Ce n’est pas vrai que Zhangsan aime manger des carottes.’

Dans une phrase comme (75), bùshì s’applique à l’énoncé entier Zhāngsān tōuchī -le yīdiǎnr

qiǎokèlì ‘Zhangsan a mangé en cachette un peu de chocolat’ afin d’exprimer le refus de cet énoncé.

La deuxième partie de la phrase corrige le refus donné dans la partie précédente. Yīdiǎnr dans la portée de la négation métalinguistique bùshì se comporte comme un quantificateur dénotant une faible quantité. Il ne peut pas y être légitimé en tant que minimiseur. Comme la phrase agrammaticale en (76) le montre, si yīdiǎnr s’interprète comme un minimiseur (sous la portée de la

négation descriptive) en disant que Zhangsan n’a pas mangé le moindre morceau de chocolat, il est contredit par le fait exprimé dans la partie de correction, c’est-à-dire que Zhangsan a mangé tout le chocolat. Les deux faits exprimés dans chaque partie de la phrase ne sont pas compatibles.

(75) 张三不是偷吃了⼀点⼉巧克⼒, ⽽是偷吃了所有的巧克⼒。

Zhāngsān bùshì tōuchī -le yīdiǎnr qiǎokèli, érshì tōuchī

Zhangsan NEG manger en cachette PFV un peu chocolat mais manger en cachette -le suǒyǒude qiǎokèli.

PFV tout chocolat

‘Ce n’est pas vrai que Zhangsan a mangé un peu de chocolat en cachette, par contre il

l’a tout mangé.’

(76) * 张三没有偷吃⼀点⼉巧克⼒,⽽是偷吃了所有的巧克⼒。

* Zhāngsān méiyǒu tōuchī yīdiǎnr qiǎokèli, érshì tōuchī -le Zhangsan NEG manger en cachette un peu chocolat mais manger en cachette PFV suǒyǒude qiǎokèli.

tout chocolat

‘Zhangsan n’a pas mangé le moindre morceau de chocolat en cachette, mais il l’a tout mangé.’

En un mot, il importe donc de noter que la fonction de yīdiǎnr en tant que minimiseur ne peut pas être activée dans tous les contextes négatifs. Certains contextes tels que la négation métalinguistique ne légitiment pas le minimiseur yīdiǎnr parce qu’ils ne forment pas un contexte d’inférence scalaire inversée.

4.4.1.3. La négation pragmatique exprimée par les questions