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Les développements des trois premières sections du chapitre peuvent être résumés de la façon suivante. L’usage des normes alternatives s’intègre dans la problématique plus vaste constituée par l’harmonisation internationale. Celle-ci est apparue avec la nécessité de comparer des comptes des entreprises les uns avec les autres, les normes alternatives permettant une amélioration de la comparabilité des comptes. L’approche informationnelle prédomine sur l’approche contractuelle parce que les normes alternatives sont censées véhiculer des informations utiles aux différents intervenants. Pourtant, même s'ils sont gênés par l'absence d'harmonisation comptable, les dirigeants et les utilisateurs s’en accommodent. Ces derniers utilisent des sources d'informations alternatives de la comptabilité. En conséquence, les adoptions apparaissent guidées par des considérations extérieures comme semble l'attester l'importance des facteurs institutionnels que nous verrons dans le chapitre 2.

La revue de la littérature effectuée dans ce chapitre appelle deux conclusions :

Première conclusion : Bien que les normes alternatives soient perçues comme une réponse au problème de l’harmonisation comptable, les études empiriques réalisées à ce jour ne montrent pas qu’elles aient une forte valeur informative. En effet, les résultats sont mitigés, comme nous avons pu le constater. En outre, concernant la France, les quelques études disponibles se contredisent. Ainsi, nous ne pouvons pas réellement conclure quant à l’efficacité du système comptable français.

Seconde conclusion : La théorie de l’agence sert de cadre aux études qui tentent d’expliciter l’adoption des normes internationales (Dumontier et Raffournier, 1998 ; El- Gazzar et al., 1999 ; Murphy, 1999). Pourtant, les variables de l’agence (actionnariat,

endettement, etc.) ne sont pas statistiquement validées tandis que les variables institutionnelles (auditeur, lieu de cotation) le sont39

. Autrement dit, ces dernières ont un rôle moteur comme le montre les quelques études de cas menées sur ce thème en faisant ressortir le rôle prépondérant des évolutions des environnements légaux, réglementaires et professionnels (Radebaugh et al., 1995 ; Narayanaswamy, 1996 ; Monsen et Wallace, 1997).

En outre, dans la première partie de notre revue de littérature, nous avons vu que les systèmes comptables dépendaient étroitement de l’institution à un niveau national. Il apparaît dès lors nécessaire de mobiliser un cadre théorique à même de prendre en compte le contexte institutionnel.

La problématique résulte simultanément des enseignements de la revue de littérature et de l’objectif assigné à la recherche. Ces deux éléments sont cruciaux. Le premier détermine le second. En ce sens, une fois la question de recherche posée, la façon d’y répondre détermine la problématique.

Notre étude, contrairement à celles de la revue de littérature figurant dans le tableau 8, se fonde sur des entreprises novatrices en matière d’adoption de normes alternatives en France. Aussi, la non validation au niveau empirique, hors du contexte français, des variables d’agence ne suffit pas, selon nous, à remettre en cause cette théorie. En revanche, transposer ce cadre à des cas antérieurs pourrait nous permettre de formuler des hypothèses quant à l’évolution au cours du temps de l’applicabilité d’une théorie.

Nous optons pour deux cadres théoriques : un cadre « Agence »40 et un cadre « Institutionnel ». En effet, la revue de littérature permet de rejeter l’hypothèse informationnelle. Par ailleurs, les interprétations de l’adoption des normes comptables internationales s’appuyant sur la théorie de l’agence pour expliquer leurs résultats, doivent être approfondies. En outre, les résultats empiriques font ressortir l’importance des facteurs institutionnels. D'une part, la théorie de l’agence permet une modération

39 Ces résultats sont synthétisés dans le tableau 8.

40 Bien que les études effectuées à ce jour aient été peu concluantes pour les variables de l’agence. Notre étude portant sur des cas différents, il est important de conserver cette approche.

des théories existantes et une remise en cause de certaines hypothèses. Le chercheur aboutira respectivement à un affinement des théories et au développement de nouvelles théories. Dans cette perspective, nos études de cas s'appuient sur une collecte de données variées et multiples. Les cas sont censés aboutir à l’identification de nouvelles variables. Elles devraient rendre opératoires de nouveaux construits pour expliquer des aspects déjà étudiés avec d’autres méthodes. D’autre part, la théorie institutionnelle représente une alternative usuelle de la théorie de l’agence. Ainsi, l’utilisation de théories rivales, façon de faire courante pour les chercheurs en comptabilité qui mènent des études de cas, même si elle n’est pas obligatoire, est recommandée. Cela revient à rechercher quelle théorie est la plus valide pour expliquer la décision d’adoption des normes. Une telle méthodologie a déjà été mise en œuvre en comptabilité de gestion (Ansary et Euske, 1987 et Malmi, 1999) et en comptabilité financière (Mézias, 1990 Carpenter et Feroz, 1992 et Puxty, 1997). Des variantes dans les approches retenues subsistent néanmoins. Puxty part d’une critique de l’approche positiviste et propose a

priori un cadre d’analyse alternatif pour interpréter les données collectées. Dans les

autres études, aucun cadre n’est privilégié puisque la confrontation avec les matériaux collectés permet de trancher. Nous retenons cette deuxième approche. En ce qui nous concerne, les deux théories utilisées ont le même statut dans notre recherche. Postérieurement aux interprétations, nous serons néanmoins en mesure de dire comment elles se combinent (sur les critères de validité, voir section 3, chapitre 3).

En résumé, cette revue de littérature remet en cause l'hypothèse informationnelle et justifie la question de recherche. La littérature montre que la question ne doit pas être posée uniquement sous un angle technique. En effet, nous avons vu que les arguments purement fonctionnalistes ne sauraient constituer des explications. Dès lors que l’on ne se résout pas à considérer que cette adoption est univoque et qu’elle doit être expliquée uniquement par une cause mais qu’elle se manifeste selon des modalités concrètes variées et qu’elles résultent d’une pluralité d’éléments, alors des facteurs économiques (théorie de l’agence) mais aussi des facteurs sociologiques (théorie institutionnelle) permettent de comprendre l’adoption de normes comptables alternatives par les entreprises françaises.

La question de recherche est donc formulée de la façon suivante :

Pourquoi des entreprises adoptent-elles des normes comptables internationales alors qu’elles ne sont pas obligées – au sens légal du terme – de le faire ?

Le premier chapitre ci-dessus synthétise un certain nombre de recherches effectuées dans le champ de la comptabilité internationale. Le deuxième chapitre, ci-après, doit nous permettre de formuler des propositions de recherches. Deux cadres théoriques sont successivement mobilisés. Dans la première section, nous nous appuyons sur la théorie de l’agence pour formuler nos propositions de recherche. Dans la deuxième section, c’est la théorie néo-institutionnelle des organisations qui sert de point d’ancrage à notre travail d’élaboration de propositions de recherche.

Ce deuxième chapitre se situe avant le chapitre méthodologique, qui précède la seconde partie dévolue à l’étude empirique.

Chapitre II - Formulation de propositions de

recherche à partir de deux perspectives

théoriques

Ce chapitre a pour objectif la formulation de propositions théoriques qui seront confrontées aux matériaux empiriques. Deux cadres théoriques étant mobilisés, les propositions relatives à ceux-ci sont respectivement abordées dans deux sections. L’objectif de ce chapitre est l’élaboration de propositions de recherches qui seront confrontées par la suite aux matériaux empiriques.

Section 1 - La théorie de l’agence : comptabilité,