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Test de ces outils sur le bassin du Renaison

2. Les Schémas d'Aménagement et de Gestion des Eaux pour la gestion intégrée des ressources en eau

2.4 Nécessité d’une modélisation pour l’élaboration d’un SAGE

La gestion intégrée d’une ressource en eau est complexe car cette ressource est distribuée inégalement dans l’espace et dans le temps et qu’elle interagit avec tout son environnement. L’homme est confronté à un élément dynamique en évolution permanente.

Mitchell distingue trois niveaux dans la gestion intégrée des ressources en eau [Mitchell, 1990] :

- prise en compte des différentes dimensions de l’eau (eau de surface / eau souterraine, qualité / quantité), chaque dimension constituant une composante à l’intérieur d’un système et pouvant interagir avec le reste du système ; la gestion d’une composante doit intégrer les relations avec les autres composantes.

- le système eau interagit avec d’autres systèmes : par exemple, l’agriculture entraîne une modification du déficit hydrique ou du drainage des sols, ce qui modifie l’équilibre de la ressource en eau.

- prise en compte du développement économique et social dans la gestion des eaux : l’eau peut avoir aussi bien un rôle de ressource économique, que de frein aux activités, sa gestion doit être considérée dans les plans de développement durable. Dans un tel cadre, la question est de savoir quelles informations sont utiles à la prise de décision pour une gestion intégrée ?

Les données représentant l’élément Eau sont extrêmement diverses et complexes : données distribuées dans l’espace, données variables dans le temps, données qualitatives ou quantitatives. Les données quantitatives sont des données numériques, les données qualitatives sont des données nominales ou des intervalles de données numériques. Le modèle adapté à une gestion intégrée des ressources en eau doit être capable de traiter ces différentes propriétés des données.

destinés à servir des intérêts technocratiques. Les outils doivent permettre de constituer une véritable "culture de bassin versant" et cette culture doit être homogène entre les acteurs locaux afin d'aboutir à une gestion patrimoniale de l'eau (comme le souligne P. Frenel de l'Agence de l'Eau Loire Bretagne).

La complexité du système Eau, même à l’échelle d’une unité hydrologique réduite, nécessite donc de faire appel à des méthodes de modélisation adaptées.

La modélisation est une représentation d’une partie de la réalité à l’aide d’objets abstraits et de relations liant ces objets, dans le but de prévoir ou simplement de comprendre cette réalité. Néanmoins, l’usage de ce terme doit être restreint à son acceptation la plus répandue : la représentation des objets par des paramètres ou des variables et la représentation des relations par des équations ou des règles [Aracil, 1984]. La manipulation de données multiples, variables dans l’espace et dans le temps, nécessite l’emploi de l’ordinateur.

Les acteurs de la gestion et de l’aménagement des eaux n’ont souvent qu’une vue partielle des problèmes, celle qui les concerne directement, sans saisir les liens qui peuvent exister entre leurs usages et d’autres usages ou avec les milieux aquatiques. Cette vision partielle est d'ailleurs le résultat culturel de l'ancien modèle de développement sectorisé de l'eau antérieur à 1992. Un modèle du fonctionnement et des enjeux sur l’unité hydrologique où ces usagers agissent pourrait leur permettre de mieux saisir leur rôle et la nécessité d’une politique concertée.

Un problème majeur concernant la modélisation d'un SAGE est la représentation de sa variabilité spatiale. La prise de décision dans le domaine de la gestion ou de l'aménagement dans ce domaine nécessite en effet de prendre en compte la localisation des ressources, activités et usages de l'eau et de leurs interactions spatiales. L’aménagement ou la gestion d’un cours d’eau ne peuvent plus être considérés de façon linéaire car le cours d’eau est contrôlé par des phénomènes se produisant dans un espace plus vaste. Cet espace doit intégrer le bassin versant dans son ensemble et distinguer, à l’intérieur de ce bassin, les structures jouant un rôle primordial dans la quantité et la qualité de la ressource. En effet, les interactions entre le cours d’eau et son environnement ne sont pas réparties de façon homogène. Les zones humides ou les corridors de végétation naturelle permettent une protection naturelle voire une réhabilitation de la qualité des eaux superficielles et souterraines.

Le problème de la représentation spatiale est d'autant plus délicat que l'eau se trouve dans différents milieux (superficiel, souterrain) et qu'elle se propage selon des directions spécifiques et à des vitesses très variables. De nombreuses questions sont posées en terme spatial dans la gestion d'une ressource en eau : Quel est le lien entre les eaux souterraines et les eaux superficielles ? Quelles sont les vocations principales de chaque sous-bassin versant ? Tel rejet peut-il menacer tel captage ? Quelle est la meilleure zone pour autoriser telle activité ? Quelles sont les zones naturelles susceptibles d'améliorer la qualité des cours d'eau et où en implanter de nouvelles ? Quel sous-bassin versant contribue le plus à l'eutrophisation de tel plan d'eau ?...

Ces relations spatiales sont complexes et l'emploi d'outils adaptés devrait permettre de mieux comprendre ces phénomènes et de mieux prédire l'effet de l'intervention humaine sur ces milieux puisque celle-ci est également spatialisée.

Le Guide Méthodologique d’élaboration des SAGE [Ministère de l’Environnement, 1992] recommande (tout particulièrement lors de la phase "Diagnostic Global") la construction de cartes qui "figureraient des enjeux, des contraintes par usage et/ou par milieu permettant une bonne visualisation des degrés de liberté du système Eau concerné et constitueraient un excellent outil d'aide à la construction des scénarios et de la stratégie, objets des séquences suivantes de la phase d'élaboration". Il s'agit de révéler les convergences et les divergences entre les différents acteurs et les milieux grâce à un modèle d'interactions situant les acteurs les uns par rapport aux autres et de souligner leur tendance protectrice ou agressive vis-à-vis du milieu (certains usagers pouvant présenter les deux tendances contradictoires).

Les travaux du Cemagref et de l’Université de Saint-Etienne (CRENAM), pour le Ministère de l’Environnement, sur la gestion écologique intégrée du bassin de la Loire constituent une approche novatrice [Wasson et al., 1993]. Le SIG est utilisé pour discrétiser le bassin en fonction de facteurs déterminant le fonctionnement des écosystèmes : écorégions (terme regroupant des unités homogènes en terme de géologie, relief et climat), régime hydrologique, morphologie (structure spatiale) et végétation rivulaire. Les auteurs se sont également intéressés à spatialiser le système socio-économique en terme d’usages de l’eau et de pression sur les milieux aquatiques. Le croisement du système socio-économique et des écorégions les conduit à délimiter des régions de gestion à l’intérieur desquelles s’exerce un certain nombre d’actions engendrant des pressions sur les écosystèmes (occupation de l’espace, rejets, gestion de l’eau, modification du lit, usages du milieu).

Même si notre problématique se situe à une échelle différente de celle de ces chercheurs (qui travaillent sur le SDAGE de la Loire), notre approche présente plusieurs convergences dans la recherche d’une discrétisation spatiale pertinente de l’hydrosystème.

La nécessité d'une représentation spatiale des données ne concerne pas seulement les SAGE. De nombreuses autres actions qui ont une problématique spatiale sont ou seront conduites par l'Agence de l'Eau Loire-Bretagne durant le programme 1997-2002 : les Directives Territoriales d'Aménagement (DTA) issues des lois "Pasqua", les Schémas Départementaux (comme par exemple, en Vendée), l'opération "Bretagne Eau Pure n°2" sur des bassins de démonstration (taille inférieure à 200 km²) et sur des bassins d'action renforcée (taille supérieure à 200 km²), des opérations intercommunales (districts, communautés de communes...). La nécessité d'une modélisation spatiale est illustrée par "l'archétype" de la démarche globale constitué par les SAGE mais elle est sous-jacente à de nombreuses autres futures réalisations.

Mais, il est également nécessaire de prendre en compte la dimension temporelle dans la modélisation d’un hydrosystème. En effet, la variabilité temporelle de la ressource est déterminante pour sa gestion. Le recours à la simulation hydrologique s’impose donc pour répondre à deux objectifs principaux :

- prévision des débits en fonction de scénarios météorologiques,

- calcul des classes de débit sur des bassins non mesurés (il est encore trop ambitieux de vouloir calculer réellement un débit, il faut plutôt viser à estimer des classes de valeurs

risques pour les milieux (étiages sévères menaçant la survie des espèces aquatiques, par exemple) ou pour les activités humaines (inondations, par exemple).

Le pas de temps adapté à cette problématique est celui du jour, de la décade ou même du mois car, dans le cadre de la gestion globale, il ne s’agit pas d’une connaissance précise dans le temps et dans l’espace mais plutôt d’une compréhension plus globale du fonctionnement de la ressource en eau et de sa variabilité.

Un aspect temporel important est également la mise en perspective de tendances sur une échelle de temps habituellement hors de portée de la culture des décideurs qui résonnent rarement au delà de 5 à 10 ans afin de révéler les évolutions du système aquatique qui peuvent se manifester sur des périodes de l'ordre de 50 à 100 ans et qui peuvent être irréversibles.

Comme terrain d’étude et d'illustration de l'approche proposée, nous avons choisi le Renaison, affluent en rive gauche de la Loire, dans le Département de la Loire.

Ce choix a été déterminé au début de cette thèse en 1993 par :

- une volonté forte des acteurs locaux de réhabiliter le cours d’eau et son bassin versant (communes, conseil général), le Renaison devait d'ailleurs au début de cette thèse faire l'objet d'un SAGE ;

- des enjeux importants : deux barrages et des sources d’alimentation en eau potable et une rivière de bonne qualité piscicole ;

- sa proximité géographique ;

- des données issues d’études de terrain : cet argument a perdu de sa force étant donné que ce bassin n'a pas été retenu pour faire l'objet d'un SAGE, les données ont été moins nombreuses que prévu ;

- sa représentativité d'un contexte régional (montagne cristalline et plaine d'effondrement), si cela nous a permis d'analyser différents contextes d'occupation du sol, cette diversité a constitué également un handicap dans le test de notre approche méthodologique du fait de la complexité des processus hydrologiques, cet handicap s'est trouvé renforcé par la rareté des mesures de terrain et notamment l'absence de mesure des débits en plaine roannaise.

Nous avons fait le choix de ne pas sélectionner un bassin où la masse des données à saisir et à traiter aurait été trop lourde, le but de cette thèse n’étant pas de réaliser une monographie sur le site choisi mais plutôt de mettre au point et de valider une méthodologie.