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3.3. Analyse iconographique de l’œuvre

3.3.1. Le mythe de Psyché

Un roi et une reine ont trois filles. Alors que les deux sœurs ainées ont déjà trouvé mari, la cadette, Psyché, est toujours célibataire. Sa beauté surnaturelle éloigne tous les prétendants, qu’ils soient nobles ou roturiers. Elle est si belle que rapidement les mortels la comparent à Vénus et vont jusqu’à lui consacrer les offrandes habituellement dédiées aux autels de la déesse. Vénus en éprouve une intense jalousie et charge son fils Éros de la venger en inspirant à Psyché un amour profond pour le plus misérable des hommes. Cependant, alors qu’il allait accomplir sa mission, Éros tombe lui-même amoureux de la jeune fille. Pendant ce temps, le roi s’inquiétant du célibat de sa fille consulte un oracle. Celui-ci condamne Psyché à épouser et à partager la couche d’un monstre. Un convoi funèbre mène donc la malheureuse au sommet d’une colline sur un rocher et l’y abandonne à son destin. Son futur époux doit y venir la chercher. Elle est plutôt soulevée par Zéphyr qui la dépose sur un gazon fleuri à proximité d’un palais, où elle s’endort.

À son réveil, elle visite la luxueuse demeure et apprend par des voix que tout ce qu’elle a sous les yeux lui appartient. La nuit venue, elle s’endort dans une chambre. Plus tard dans la nuit, le mari inconnu fait de Psyché sa femme et disparaît avant l’aurore pour ne point être aperçu d’elle. Bien que Psyché apprécie la compagnie de son mari, son existence solitaire lui pèse. Elle demande donc à celui-ci l’autorisation d’inviter ses sœurs pour lui tenir compagnie contre la promesse de ne jamais chercher à voir ses traits. Éros accepte. Zéphyr dépose donc les deux sœurs au palais. Lorsqu’elles découvrent la richesse et le bonheur de Psyché, celles-ci deviennent folles de jalousie et persuadent la jeune épouse de connaitre le visage de l’époux qu’elle ne peut leur décrire. Les sœurs finissent par convaincre Psyché qu’elle est aimée d’un monstre qui finira par la dévorer. Curieuse et effrayée, celle-

ci se décide donc à voir le visage de son mari. Le soir venu, armée d’un poignard, elle éclaire à l’aide d’une lampe à huile le visage de son époux. Elle découvre alors, en transgressant l’interdit, que celui qui partage sa couche est le dieu Éros. Troublée, elle laisse tomber une goutte d’huile de la lampe qui s’écrase sur le dieu furieux. Trahi, ce dernier s’enfuit, abandonnant Psyché derrière lui. S’ensuit pour elle une période d’errance durant laquelle elle doit réussir une série d’épreuves pour regagner son amour perdu. Son mariage avec Éros est finalement célébré, devant l’ensemble du Panthéon. La princesse consomme alors l’ambroisie et devient la déesse de l’âme. De leur amour naît Volupté.

Tout d’abord, nous constatons que Bertaux exclut complètement de la représentation la figure d’Éros. Ce choix et le fait qu’elle donne à son personnage un air pensif, mais déterminé, offre une lecture originale du mythe, car Psyché est, le plus souvent, représentée au sein du couple ou éplorée à la suite du départ du dieu39. Ceci nous laisse croire que la notion de l’amour perdu n’est pas centrale dans la composition de Bertaux. Ce qui capte tout de suite le regard lorsque l’on observe la statue, ce sont les ailes un peu curieusement posées sur la tête. Nous porterons donc une attention particulière à cet attribut, car il s’agit selon nous de la clé de lecture de l’œuvre.

Les ailes de papillon sont ici employées par Bertaux pour leur valeur symbolique : elles représentent l’âme dans l’iconographie de Psyché. Par l’emploi de cet attribut, l’artiste place son œuvre dans la continuité de la tradition classique. Dès le Ve siècle avant J.-C., il est possible d’observer des sources figuratives dans le monde grec qui illustrent l’âme comme un papillon ou une jeune fille aux ailes de papillon40. Cette analogie s’explique par l’emploi du même terme en grec ancien pour définir âme et papillon : Ψυχή ou Psukhê. Déjà dans le Phèdre de Platon, « […] le mythe de l’âme

39 Exemples français : Augustin Pajou, Psyché abandonnée, 1790, marbre, 177 cm; 86 cm; 86 cm,

Paris, Musée du Louvre.; François Dominique Aimé Milhomme, Psyché, 1806, marbre, H. :118 cm; L.: 37 cm, Compiègne, Château de Compiègne.; James Pradier, Psyché, 1824, marbre, 158 cm; 51 cm; 40 cm, Paris, Musée du Louvre.; Eugène Antoine Aizelin, Psyché, vers 1863, marbre, 128 cm; 50 cm; 65 cm, Paris, Musée d'Orsay.; Auguste Rodin, Psyché et l’amour, 1897, marbre, 68,5 cm; 44,3 cm; 46,5 cm, Paris, Musée Rodin.

ailée, qui tend à la perfection et à l’immortalité, va dans la même direction que ces images. »41 L’aile permet en effet de soulever ce qui est lourd afin de l’élever vers la communauté des dieux, participant ainsi au domaine du divin, où s’enrichissent l’âme de la beauté, la sagesse et la bonté42. Apulée imagine « un mécanisme parfait : la dialectique entre mort et vie, compliquée par l’idée de la renaissance »43, dans le symbole de la métamorphose que subit la chrysalide pour devenir un être achevé. Le papillon symbolise dès lors l’immortalité de l’âme et « l’histoire de Psyché symbolise les épreuves que l’âme doit franchir pour atteindre le bonheur et l’immortalité. »44 Qu’en est-il exactement dans l’œuvre de Bertaux?

3.4. Interprétation de l’œuvre