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La myosine II non musculaire, le générateur de force

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II. La boite à outil cellulaire pour le remodelage des épithéliums

2.1. Le cytosquelette

2.1.2. L’acto-myosine

2.1.2.2. La myosine II non musculaire, le générateur de force

Les myosines forment une famille de protéines motrices très étudiée pour leur rôle fondamental dans la contraction cellulaire, notamment dans les muscles. Dans ce type de cellules, la myosine II est associée à l’actine pour former des sarcomères, l’unité fonctionnelle des muscles (lisses et striés). Dans ce cas, la myosine active va provoquer un glissement des filaments d’actine, induisant leur raccourcissement et donc la contraction du muscle (Ojima 2019, Alberlts et al. 2019). De nombreuses maladies connues sous le nom de myopathies sont causées par des mutations de la myosine (Marston 2018).

Dans les cellules épithéliales, les myosines sont également présentes, notamment la myosine II non musculaire, que je nommerai « myosine » pour plus de simplicité dans la suite de mon manuscrit.

Cette myosine forme un héxamère constitué d’un homodimère de deux chaines lourdes ayant chacune une tête motrice (tête globulaire) et une queue, de deux chaines légères régulatrices et de deux chaines légères essentielles (Figure 10). Ces hexamères s’associent pour former des minifilaments (Mahajan and Pardee 1996). Comme pour les protéines motrices liées aux

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Figure 11. La contraction des réseaux d’acto-myosine.

L’activité motrice de la Myosine (orange) va entrainer une contraction des filaments d’actine (rose) conduisant à leur rétrécissement (flèches bleues), qu’il s’agisse de faisceaux parallèles (haut) ou d’un réseau branché (bas).

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microtubules, l’activité de la myosine II dépend de l’ATP, le domaine moteur renferme donc un domaine catalytique ATPase. Les têtes des chaines lourdes, outre leur domaine moteur, permettent aussi la liaison à l’actine (Rayment et al. 1993). Les chaines légères régulatrices vont être activées par différents facteurs, permettant d’amplifier l’activité catalytique de la myosine pour l’hydrolyse de l’ATP (Umemoto, Bengur and Sellers 1989). En effet, l’activité de la myosine est finement régulée par diverses voies de signalisation. Notamment par les RhoGTPase, tel que Cdc42, Rac1 et RhoA qui vont activer ROCK, MRCK et PAK, des kinases qui vont spécifiquement phosphoryler les chaines légères régulatrices permettant l’activité motrice de la myosine. La présence de Ca2+/Calmoduline est également requise pour

l’activation de la myosine, en activant la kinase MLCK. Enfin, la myosine est régulée négativement par une myosine phosphatase (MLCP) qui déphosphoryle la chaine légère régulatrice (Newell-Litwa, Horwitz and Lamers 2015) (Figure 10).

Toute seule, la molécule de myosine ne peut pas générer de forces efficaces (Finer, Simmons and Spudich 1994). La myosine utilise l’actine comme support pour générer des forces (Figure 11). Afin de générer une force efficace, les polymères de myosine vont lier des filaments d’actine antiparallèles. Le mouvement exercé par la tête de la myosine entraine un déplacement des filaments d’actine, se traduisant in fine par la contraction de la structure d’actine. Ce mécanisme est similaire au sarcomère des muscles mais, étant plus petits, les polymères de myosine fournissent une force plus faible que celle des muscles, (Lecuit, Lenne and Munro 2011).

Beaucoup d’études ont montré l’importance de la myosine dans différents processus cellulaires. En effet, la perte de fonction de la myosine peut entrainer des pathologies (Newell- Litwa et al. 2015), par exemple des défauts de développement lors de la morphogenèse. Chez la drosophile, il a été montré que la myosine, codée par les gènes zipper (chaine lourde (Young et al. 1993)) et le gène spaghetti squash (chaine légère régulatrice (Karess et al. 1991)) joue un rôle important dès les étapes précoces du développement. En effet, pour la première fois, en 1993, le chercheur Daniel Kiehart et son équipe ont mis en évidence l’importance de la myosine dans la morphogenèse de la drosophile. Une mutation du gène zipper entraine un défaut de fermeture dorsale de l’embryon de drosophile par une perte du changement de la forme des cellules (Young et al. 1993). Aussi, une mutation dans la chaine régulatrice empêchant l’activation de la myosine entraine un défaut de gastrulation de l’embryon de drosophile (Vasquez et al. 2016). La myosine joue également un rôle dans la morphogenèse

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des vertébrés, par exemple l’absence de la myosine entraine un retard de fermeture du tube neural, causé par une forme cellulaire inadaptée (Rolo, Skoglund and Keller 2009). Par ces exemples, on comprend bien l’importance de la myosine et des forces qu’elle génère dans le changement de forme cellulaire lors de la morphogenèse. L’inhibition des régulateurs de la myosine provoque aussi des défauts de morphogenèse comme par exemple la perte de fonction de la protéine Rock. Un agent chimique (Y27632) peut être utilisé pour bloquer l’activité de la protéine Rock, empêchant ainsi l’activation de la myosine. Bien que Rock puisse avoir d’autres fonctions, cette méthode a pu mettre en évidence l’importance de Rock dans la dynamique de l’acto-myosine lors de développement précoce du poulet (Duess, Puri and Thompson 2016). Des outils génétiques ont permis de montrer que, chez la drosophile, Rock participe aussi à la morphogénèse tissulaire, par exemple en contrôlant la mise en place du cortex d’acto-myosine dans les cellules du mésoderme lors de la gastrulation (Coravos and Martin 2016).

Ainsi, ensemble, l’actine et la myosine forment des réseaux contractiles, tels que fibres de stress ou réseau cortical. Ces réseaux sont finement régulés par de nombreux facteurs. Ainsi, la formation et la dynamique de l’acto-myosine sont extrêmement importantes pour l’homéostasie et la morphogenèse des épithéliums, notamment pour l’acquisition d’une nouvelle forme à l’échelle cellulaire. Cependant, les réseaux d’acto-myosine ne sont pas suffisants pour transmettre des forces à l’échelle tissulaire et générer de nouvelles formes, il faut que l’acto-myosine soit ancrée par des molécules spécialisées dans l’adhérence cellulaire.

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