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Les changements morphologiques des cellules mourantes

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VI. La mort au service de la morphogenèse

6.1. L’apoptose, c’est quoi ?

6.1.3. Les changements morphologiques des cellules mourantes

Une fois les caspases effectrices opérationnelles, elles vont pouvoir cliver les nombreux éléments cellulaires cibles aboutissant aux grands changements morphologiques entrainant la mort de la cellule (Fischer, Jänicke and Schulze-Osthoff 2003). En effet, les caspases vont

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Figure 34. Mécanisme de fragmentation nucléaire en culture cellulaire.

Schématisation des résultats de (Croft et al. 2005). L’apoptose est induite par le TNF-α. A gauche, cas normal de fragmentation par apoptose. Au milieu, en absence de Rock ou d’actine, la cellule apoptotique ne se fragmente pas, elle reste intacte. A droite, l’absence de Lamine dans une cellule non mourante dans laquelle Rock est suractivé entraine une déformation et une fragmentation du noyau.

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avoir pour cible les pores nucléaires (Buendia, Santa-Maria and Courvalin 1999, Kihlmark, Imreh and Hallberg 2001) et les lamines (Broers et al. 2002, Rao, Perez and White 1996) qui vont être dégradés afin de faciliter l’entrée dans le noyau des endonucléases, activées par les caspases, afin de dégrader et de condenser l’ADN, stoppant la machinerie transcriptionnelle (Kiraz et al. 2016, Fischer et al. 2003, Enari et al. 1998). La diminution de la lamine est également importante pour la désintégration du noyau. Cependant ce n’est pas suffisant pour fragmenter le noyau (Croft et al. 2005). Daniel Croft et ses coéquipiers ont cherché à comprendre comment le noyau d’une cellule apoptotique se fragmente. Rock, après clivage par les caspases, devient constitutivement actif, induisant en permanence la phosphorylation de la myosine qui est donc très active lors de l’apoptose (Sebbagh et al. 2001, Mills et al. 1998). Il a été mis en évidence que la suractivité de Rock conduit à la fragmentation de la cellule (Orlando, Stone and Pittman 2006). L’inhibition de Rock, au contraire, entraine un défaut de fragmentation. Dans ce contexte, très peu de fragments sont générés (Orlando et al. 2006). La suractivité de Rock serait-elle aussi impliquée dans la fragmentation nucléaire ? L’induction de l’apoptose par l’ajout de TNFα et l’inhibition de Rock abolit la fragmentation du noyau qui reste intact. De plus, il a été montré dans des cellules non-apoptotiques que l’activité seule de Rock ne suffit pas à induire un effet sur le noyau. En revanche, dans un mutant nul de lamine A/C, l’activité de Rock et donc de l’acto-myosine, est suffisante pour induire une déformation du noyau. Ainsi, la fragmentation nucléaire dépend de la force générée par l’activité de Rock et d’un affaiblissement des lamines médiés par un clivage par les caspases dans les cellules apoptotiques (Croft et al. 2005) (Figure 34). Cependant, le processus de fragmentation exact orchestré par l’acto-myosine reste encore inconnu.

Dans les mêmes conditions d’induction de mort, ils ont testé le rôle du cytosquelette à ce stade de l’apoptose et montré que seule l’absence d’F-actine conduit à un défaut de fragmentation. Les microtubules, eux, ne sont pas impliqués dans la fragmentation du noyau (Croft et al. 2005).

En effet, le cytosquelette est réorganisé au cours des différentes phases de l’apoptose, afin d’aboutir à la destruction de la cellule. Durant la phase d’exécution, la cellule va former des bourgeons, plus communément appelés « blebs », (« blebbling » désigne les mécanismes permettant la formation des bourgeons). In fine, lors de l’apoptose, le bourgeonnement semble contribuer à la formation des corps apoptotiques. En effet, les bourgeons seraient

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Figure 35. Le bourgeonnement cellulaire au cours de l’apoptose.

La rupture locale du cortex favorise la formation de bourgeons par la pression hydrostatique. Puis l’acto-myosine colonise le bourgeon pour ramener la membrane plasmique à son état initial.

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vraisemblablement dissociés du corps cellulaire afin de former des fragment bien délimités (Atkin-Smith and Poon 2017). Ce processus de « blebbing » n’est pas exclusivement une caractéristique de l’apoptose, il est également présent lors de la migration et de la division de certaines cellules (Fackler and Grosse 2008, Sedzinski et al. 2011). Le bourgeonnement est un processus très dynamique qui consiste à un relâchement local de la membrane plasmique, suivi d’une rétraction de celle-ci. La formation d’un bourgeon est donc due soit à la pression hydrostatique au niveau d’une rupture locale du cortex cellulaire d’actine, soit à une augmentation locale de la tension par l’acto-myosine sur la membrane plasmique (Charras et al. 2005, Charras 2008, Atkin-Smith and Poon 2017). Le bourgeon se rétracte ensuite grâce à la colonisation rapide de l’acto-myosine dans le bourgeon dont la contraction permet à la membrane plasmique de revenir à son état initial (Charras 2008, Atkin-Smith and Poon 2017) (Figure 35). Dans les cellules apoptotiques, l’activation constitutive de Rock par les caspases favorise la contraction de l’acto-myosine lors du bourgeonnement (Mills et al. 1998, Coleman et al. 2001, Coleman and Olson 2002, Sebbagh et al. 2001). Ainsi l’acto-myosine est considérée comme le principal acteur du bourgeonnement lors de l’apoptose.

Bien que connus pour être démantelés dans les phases précoces de l’apoptose, les microtubules semblent aussi jouer un rôle lors des phases plus tardives (Moss and Lane 2006, Oropesa Ávila et al. 2015). Un réseau de microtubules va se reformer sous la membrane plasmique afin de la protéger contre d’éventuelles ruptures de la membrane plasmique. Ils jouent donc ici un rôle protecteur (Moss et al. 2006, Sánchez-Alcázar et al. 2007). De plus, la présence de microtubules à proximité de fragments de chromatine compacte a été observée. En effet, les microtubules vont pousser les fragments de chromatine dans les bourgeons afin que la chromatine se retrouve enfermée dans les futurs corps apoptotiques (Lane, Allan and Woodman 2005, Moss et al. 2006, Moss and Lane 2006) (Figure 36). Lorsque les microtubules sont dépolymérisés par le Nocodazole, un agent chimique, les fragments de chromatine se retrouvent au centre la cellule qui meurt (Moss et al. 2006). Ainsi, le cytosquelette d’actine et des microtubules sont essentiels pour le bon déroulement des évènements apoptotiques (Monier and Suzanne 2015).

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Figure 36. Dynamique des microtubules lors de l’apoptose.

En culture de cellule, les microtubules sont démantelés tôt dans le processus d’apoptose puis reformés dans les phases tardives. Ils poussent la chromatine condensée dans les bourgeonnements. Adapté de (Moss et al. 2006).

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