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La mécano-transduction nucléaire

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III. Et le noyau dans tout ça ?

3.4. Le noyau sensible à la force

3.4.2. La mécano-transduction nucléaire

Historiquement, des chercheurs ont découvert que, de manière surprenante, lorsqu’une force de traction est exercée sur les complexes d’intégrines, le noyau se déforme. En mettant en évidence le couplage physique entre les adhésions basales et le noyau, ce travail suggère que le noyau pourrait directement percevoir des forces en provenance des complexes d’adhérence (Maniotis, Chen and Ingber 1997). Ce n’est toutefois que très récemment qu’il a été découvert que le noyau se comporte tel un senseur de force. Le cytosquelette interagit via le LINC pour la transmission des forces à travers la cellule (Figure 23). Différentes méthodes, notamment l’utilisation des pinces magnétiques et l’élaboration d’un senseur de force FRET couplé à une Nesprine, ont permis de mesurer la capacité du noyau à répondre aux forces La première méthode consiste, en travaillant sur noyaux isolés, à appliquer une force directement sur l’enveloppe nucléaire grâce à une bille aimantée recouverte d’anticorps dirigés contre les Nesprines. Ainsi, les pinces magnétiques vont permettre de déplacer la bille et ainsi d’imposer une force sur le noyau via les Nesprines. Les auteurs ont ainsi testé l’effet direct d’une force appliquée sur le noyau. Le premier constat de cette expérience a été que la force appliquée sur les Nesprines va induire une augmentation de la rigidité de l’enveloppe nucléaire, montrant que la force ressentie par le LINC va engendrer un changement des propriétés mécaniques du noyau. Ensuite, ils ont voulu comprendre comment la force ressentie par les Nesprines pouvait avoir un impact sur la rigidité du noyau. Ils ont remarqué que l’absence de lamine et des protéines SUN empêchait le raidissement de l’enveloppe nucléaire, indiquant que la connexion entre le LINC et la lamine est indispensable à la transmission du signal mécanique. Ils ont alors cherché à déterminer si le signal mécanique pouvait déclencher des voies de signalisation par phosphorylation. Pour cela, ils ont testé la réponse nucléaire aux forces après l’inhibition de protéines Kinases. De manière intéressante, l’absence de certaines Kinases telles que Src, Sfk et Emerin affecte effectivement la réponse du noyau aux forces (Guilluy et al. 2014). Ainsi ce travail a montré que le noyau est

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Figure 24. Le mini-Nesprin2G : l’outil pour mesurer la tension transmise au complexe LINC.

(A) Structure du senseur de tension et de son contrôle. (B) Test de la fonctionnalité des sondes FRET mini-Nesprine 2G. Le senseur de tension est sous tension (FRET BAS). La construction sans le domaine de liaison à l’actine n’est pas sous tension (FRET élevé). (C) Graphique des mesures de FRET de la construction et de son contrôle. Tiré de (Arsenovic et al. 2016).

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directement sensible aux forces et qu’il va adapter sa réponse, notamment en augmentant sa rigidité, ce qui est nécessaire au maintien de sa forme par exemple (Figure 23).

La deuxième méthode utilisée pour mettre en évidence la transmission de forces à travers l’enveloppe nucléaire consiste en une Nesprine tenso-senseur composée d’une construction FRET artificielle (voir section 2.2.3). Cet outil est composé d’un domaine liant l’actine, du senseur de force (fluorophores CFP et YFP séparés par un lien élastique) et d’un domaine de liaison à la protéine SUN situé dans la membrane nucléaire (Figure 24). Après avoir vérifié l’efficacité de l’outil, nommé mini-nesprine2G, les auteurs ont testé l’activité de la myosine sur les Nesprines. L’inhibition de la myosine induit une augmentation du signal FRET montrant que le mini-nesprine2G n’est plus sous tension. En revanche une augmentation de l’activité de la myosine diminue fortement le signal FRET signifiant que l’outil est tendu par la force générée par la myosine. Autrement dit l’acto-myosine cytoplasmique transmet une force au noyau via les Nesprines. Ils ont ensuite voulu savoir si l’étalement des cellules sur un support a un effet sur la mécano-transduction nucléaire. De manière cohérente, lorsque les cellules sont adhérentes à un support, les Nesprines sont sous tension (le signal FRET est bas) contrairement aux Nesprines des cellules non adhérentes qui présentent un signal FRET élevé (Arsenovic et al. 2016). Les Nesprines sont donc sensibles aux variations de forces émises par l’acto-myosine.

Ainsi, la force est directement appliquée sur le noyau par l’intermédiaire des Nesprines. Le noyau va ensuite être capable de répondre à ces forces notamment en se raidissant. Les signaux mécaniques peuvent ainsi potentiellement agir sur l’organisation de la chromatine et l’expression des gènes. En effet, il est connu que la lamine peut réguler l’état de chromatine. La chromatine à proximité de la lamine est condensée réprimant ainsi ces zones du génome (Guerreiro and Kind 2019). La force appliquée sur le noyau va modifier l’état de la chromatine permettant ainsi l’expression de gènes initialement inaccessibles à la transcription (Maurer and Lammerding 2019, Tajik et al. 2016). La force émise sur le noyau peut aussi provoquer un écartement des pores nucléaires, augmentant leur diamètre afin de favoriser l’entrée de facteurs de transcription (Maurer and Lammerding 2019) comme par exemple le couple YAP/TAZ régulant la voie de signalisation Hippo (Elosegui-Artola et al. 2017).

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La mécano-transduction nucléaire permet ainsi à la cellule d’adapter son comportement en fonction des forces auxquelles elle est soumise, en modifiant ses propriétés mécaniques et en régulant l’expression des gènes (Figure 23).

L’ensemble de ces données révèle de manière très intéressante les propriétés structurales et mécaniques du noyau ainsi que les forces exercées par le cytosquelette sur le noyau, modulant sa forme et sa position. Le noyau se comporte comme un élément élastique capable d’être déformé et de retrouver sa forme initiale. Dans des cas extrêmes, l’enveloppe nucléaire va se rompre mais se répare ensuite.

Ainsi, de nombreuses études s’intéressent à la relation entre les forces mécaniques et le noyau en se focalisant sur l’impact des forces sur les propriétés et la réaction du noyau. Cependant, elles n’abordent pas l’importance que pourrait avoir le noyau dans la génération des forces lors de la morphogenèse. En effet, si la dynamique de localisation du noyau lors d’évènements morphogénétiques est relativement bien caractérisée (comme par exemple lors de la migration nucléaire intercinétique ou de la relocalisation du noyau dans les photorécepteurs), la contribution propre du noyau dans la morphogenèse restait inconnue.

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