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Le repositionnement nucléaire dépendant du LINC

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III. Et le noyau dans tout ça ?

3.3. Le noyau prend sa place : le positionnement nucléaire

3.3.1. Le repositionnement nucléaire dépendant du LINC

Le noyau est, dans la majorité des cas, positionné au sein des cellules par un mécanisme actif qui va le contraindre à se déplacer. Les processus responsables de la position du noyau font fréquemment intervenir le complexe LINC. L’un des processus de repositionnement nucléaire le plus remarquable est mis en jeu lors du développement du système nerveux des vertébrés. La position du noyau dans les neuroblastes varie selon les phases du cycle cellulaire (Figure 19A). Ce phénomène, décrit en 1935, est nommé migration intercinétique (Sauer 1935). Le noyau, situé en basal des neuroblastes en interphase, va migrer vers le pôle apical lorsque la cellule entre en mitose. Une fois le neuroblaste divisé, le noyau va être de nouveau relocalisé au pôle basal des cellules (Zwaan, Bryan and Pearce 1969). Dans certains contextes, ce sont les microtubules qui vont garantir le déplacement du noyau en faisant intervenir la Kinésine pour la migration basale et la Dynéine pour la migration apicale (Tsai et al. 2010). Dans d’autres types cellulaires c’est l’actine qui coordonne la dynamique nucléaire (Spear and Erickson 2012). Aussi, des mutants des protéines SUN et KASH, qui affectent le développement du cerveau montrent que le LINC est important pour la position correcte du noyau dans le neuroépithélium (Zhang et al. 2009a). Finalement, un mauvais positionnement nucléaire peut être à l’origine de pathologies neuronales mais aussi musculaires.

Les muscles sont des syncytiums renfermant jusqu’à une centaine de noyaux, répartis à égale distance tout le long de la fibre musculaire (Figure 19B). Cette répartition stéréotypée des noyaux suggère donc un positionnement nucléaire finement régulé. Par exemple, une expérience réalisée chez la drosophile montre qu’une perte de fonction de l’un des membres du complexe LINC conduit à une mauvaise position des noyaux dans les muscles. Ils se retrouvent regroupés au centre du muscle alors que normalement ils sont répartis de façon équidistante le long de la fibre musculaire. Les larves mutantes pour le complexe LINC se déplacent plus lentement que des larves contrôles, mettant en évidence l’importance du contrôle de la localisation nucléaire (Elhanany-Tamir et al. 2012). De plus, une autre étude chez la drosophile suggère que la position des noyaux dépendante du LINC dans les muscles est nécessaire à l’assemblage des sarcomères, l’unité fonctionnelle permettant la génération des forces pour la contraction des muscles (Auld and Folker 2016). L’importance du

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positionnement nucléaire est conservée à travers les espèces (Stroud et al. 2017, Elhanany- Tamir et al. 2012). En effet, des mutations dans certains gènes codant pour des membres du LINC sont responsables de myopathies chez l’homme. Ainsi, le LINC joue un rôle important dans le fonctionnement des fibres musculaires.

La position des noyaux est également importante pour la migration des fibroblastes. Afin d’avancer sur sa trajectoire, ces cellules vont relocaliser leur noyau loin du front de migration grâce à la formation de câbles d’actine connectés à la face dorsale du noyau (Figure 19C). La suppression de la fonction des protéines KASH (par expression d’un dominant négatif) ou des molécules SUN2 et la Nesprine-2 (par interférence à l’ARN) empêchent la relocalisation du noyau loin du front de migration. Les fibroblastes ne sont alors plus capables de migrer, montrant l’implication du complexe LINC dans ce processus (Luxton et al. 2010). Il a été proposé que la position du noyau à l’arrière du front de migration puisse servir de guide au fibroblaste. Le noyau exercerait une rotation grâce au cytosquelette, ce qui permettrait au fibroblaste de prendre une direction (Maninová et al. 2013, Maninová, Iwanicki and Vomastek 2014).

Ainsi, ces différents exemples montrent que le complexe LINC joue un rôle essentiel dans le repositionnement nucléaire dans de nombreuses cellules, un prérequis au bon fonctionnement des cellules dans de nombreux processus.

Au cours de ma thèse, je me suis particulièrement intéressée à la protéine Klarsicht. Klarsicht est la protéine KASH de la drosophile coopérant avec les microtubules (Mosley- Bishop et al. 1999, Fischer et al. 2004). Le gène codant pour Karsicht est composé de 18 exons donnant naissances à plusieurs isoformes par épissage alternatif (Fischer et al. 2004, Guo, Jangi and Welte 2005). Dans un premier temps, il a été découvert que cette protéine était essentielle au transport bidirectionnel des vésicules lipidiques dans l’embryon (Welte et al. 1998). En temps normal, les vésicules situées au centre de l’embryon migrent le long des microtubules vers la périphérie de celui-ci. Or, lorsque Klarsicht est absent, les vésicules restent dans le centre de l’embryon, empêchant un développement correct de celui-ci (Welte et al. 1998). Certaines isoformes de Klarsicht possèdent donc un domaine de liaison aux vésicules lipidiques, le domaine LD. Klarsicht peut alors faire le lien entre les microtubules et les gouttelettes lipidiques et ainsi permettre leur relocalisation (Guo et al, 2005). D’autres isoformes de Klarsicht possèdent un domaine KASH en C-terminale à la place du domaine LD,

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Figure 20. Différents processus de relocalisation nucléaire indépendant du LINC dans la chambre ovarienne de la drosophile.

(A) Les cellules nourricières ancrent leur noyau loin des canaux afin de verser leur contenu dans l’oocyte. (B) Les microtubules grandissent depuis le pôle postérieur et poussent le noyau vers le pôle antérieur de l’oocyte.

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localisant Klarsicht dans l’enveloppe nucléaire (Mosley-Bishop et al. 1999, Patterson et al. 2004, Fischer et al. 2004). Klaroid, la protéine SUN somatique, est également requise pour la localisation de Klarsicht à l’enveloppe nucléaire (Kracklauer et al. 2007). Nous avons précédemment vu que le LINC joue un rôle dans la localisation des noyaux des muscles chez la drosophile (Elhanany-Tamir et al. 2012, Wilson and Holzbaur 2012, Volk 2013). Klarsicht est indispensable à cette fonction. Il est également requis lors de la morphogenèse de l’œil. Bien que le mutant nul du gène klarsicht soit viable, la mouche adulte présente des yeux malformés. Dans ce contexte, les photorécepteurs ne se différencient pas correctement. Des études ont mis en évidence la raison de ce phénotype. Au stade larvaire, en contexte sauvage, un centre signalisateur appelé « sillon morphogénétique » se déplace à travers l’épithélium précurseur de l’œil adulte. A mesure que le sillon morphogénétique progresse, le noyau des photorécepteurs va migrer du pôle basal vers le pôle apical, ce qui est nécessaire pour induire la différenciation en photorécepteurs matures (Figure 19D). Un tel mouvement baso-apical est aboli dans les mutant klarsicht (Patterson et al. 2004, Fischer et al. 2004), bloquant ainsi la différenciation, ce qui perturbera la morphogenèse de l’organe adulte.

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