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MUTATIONS EN COURS selon Marc HALEVY

Pour le physicien et philosophe Marc Halévy68, nous sommes en crise. Les valeurs de la « modernité », celles de la libération de l’homme par le

« progrès », le Libéral-Libéral de Sasson, et la rationalité, montées en puissance depuis cinq siècles sont à bout de souffle. Avant d’évoquer le scénario de crise, résumons les cinq grandes ruptures présentées par l’auteur.

Cinq grandes ruptures

Rupture écologique : la croissance sans fin dans un monde fini est illusoire, surtout avec la croissance démographique. Rendements décroissants et pollution rendent le paradigme de la croissance intenable. C’est une évidence.

Seule une logique du « moins mais mieux » est soutenable. Ce qui induit une réorganisation des vies, des entreprises et des sociétés.

Rupture technologique (révolution numérique) : l’avènement du numérique conduit à un saut de complexité69 qui débouche sur de nombreuses mises en réseau, une mosaïque de petites communautés autonomes et fédérées. Par complexité il faut entendre l’hyper multiplication des organismes, de leurs composants, des liens et des interactions entre eux. C’est donc cette multitude qui fait la complexité par opposition aux grands ensembles structurés et verticaux. Notons à ce niveau que l’intelligence artificielle, les nanotechnologies, les biotechnologies auraient mérité une place plus importante dans les propos de l’auteur.

68 https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Hal%C3%A9vy. Voir en particulier

« Prospective 2015-2025 » Editions Dangles 2013 et une intéressante vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=ojesdVXrK3k

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Rupture économique (tyrannie des prix bas, du productivisme vs moins mais mieux) : à une production de biens matériels aux coûts nécessairement croissants (pénurie de matière première) va succéder une production de valeurs immatérielles.

Rupture organique (de la raison à l’intuition) : dans le foisonnement de complexité, les prises de décisions quotidiennes relèveront de plus en plus de l’intuition au détriment de la rationalité (souvent factice d’ailleurs) car devant prendre autant de décisions en un jour qu’il y a un demi-siècle en un mois, nous n’avons matériellement plus le temps de dérouler une démarche cartésienne pour chaque décision. Par conséquent l’intuition fait souvent la décision.

Rupture philosophique (besoin de sens) : le chemin plutôt que le but, une économie au service de l’homme et non l’inverse, réussir sa vie et non dans la vie, passage de la religion du progrès à celle du mieux-être, pourquoi et pour quoi plus que comment, passage de la « barbarie » à la « spiritualité » … Pour intéressantes (!) qu’elles soient ces ruptures n’en restent pas moins angoissantes pour beaucoup et induisent les mécanismes du deuil. La révolution est inexorablement en marche (réseaux issus de la révolution numérique, refus de la complexité, de la hiérarchie, de la bureaucratie-technocratie, développement de l’intelligence avec toujours moins de matière, management plus intuitif que rationnel…). A l’évidence ces ruptures passeront par des scénarios de crise, des mutations, une métamorphose.

Scénarios de crise : mutation de paradigme

L’idée centrale c’est cette confrontation, ce télescopage, entre un monde qui Résiste (chape de plomb des institutions, avantages acquis, situations acquises…) et un monde en émergence polymorphe en train de se développer par contagion. Ce que l’auteur appelle une mutation de paradigme.

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Cet « affrontement » entre un monde qui lutte pour sa survie tout en perdant progressivement sa légitimité et un autre qui veut exister au grand jour, être reconnu, voire s’imposer, ne peut qu’être turbulent. Nous y sommes avec le risque que chaque camp s’épuise en vain dans cet affrontement. Et si ces forces montantes finissent par s’imposer sauront-elles s’organiser ou seront-elles, elles-mêmes, confrontées à de nouvelles logiques ou valeurs, à de nouveaux paradigmes qui pourraient également émerger et vouloir les supplanter ? C’est une question essentielle pour anticiper.

A ce stade à mon avis, accordons de l’importance aux mécanismes de propagation des nouveaux paradigmes, propagation qui percole un nombre croissant d’esprits par un processus de viralité que le développement des réseaux ne fait que renforcer. Il y a donc là une dynamique qui s’accélère jusqu’à rendre le statu quo intenable… avec une probabilité de soubresauts et de rapports de forces.

Les dates indiquées sur le schéma « mutation de paradigme » ci-dessus correspondent à des événements « précis » : première guerre mondiale

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(1914), prolifération des ordinateurs portables (1983), franchissement du « pic pétrolier » (2006), et d’autres événements à venir jusque vers 2050 environ ! Dans la réalité le croisement de ces deux courbes n’est pas aussi net que sur ce tableau ou aussi rapide que l’auteur l’a prévu. Toujours est-il que la chape de plomb mobilise de plus en plus d’énergie pour résister au changement, pour survivre à tout prix. A cet égard, la « relance » économique sera probablement un test intéressant. Va-t-elle sauver le « monde d’avant » ou en « profiter » pour basculer dans le « monde d’après » ? Pour ma part je trouve que nous ne prenons pas assez en considération le « coût de la résistance », celui du

« maintien des droits acquis », en ce sens que nous dépensons beaucoup de ressources pour assurer la survie de logiques en perdition.C’est ce que nous vivons dans la période 2015-2025 et peut-être plus longtemps encore, avec les deux scénarios qu’Halévy envisage.

Scénario du « rattrapage »

Schéma intéressant qui met en évidence la lutte entre les deux paradigmes avec ses turbulences et ses incertitudes jusqu’à l’effondrement de la « chape de plomb » et la n’en reste pas moins incertaine. Car un autre scénario est possible, celui du

« ratage ».

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