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Plan de thèse

CHAPITRE 2 Etat de l’art Etat de l’art

2 Le contexte tropical humide

2.2 Une forte mutation des territoires

2.2.1 Une forte urbanisation

C’est dans les pays du sud, et dans la région intertropicale, que l’extension des zones urbaines est la plus marquée, avec près de 90 % du taux d’urbanisation mondial (Dodman et al., 2013). En 2030, de nombreux experts projettent que 80 % de la population urbaine se trouvera dans les villes d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine (Janicot et al., 2015). Les dernières projections de population de l’UNDESA7 (2019) estiment, par exemple, que la population d’Afrique sub-saharienne doublera d’ici 2050, l’Afrique comptera alors près de 2.5 milliards d’habitants en 2050 dont 55 % vivront en zone urbaine. Beaucoup de mégapoles des pays intertropicaux sont devenus des mégapoles au niveau régional, comptant une proportion importante de la population de certains pays (ex : Lagos qui concentre près de 75 % de la population nigériane ou Lima qui compte 30 % de celle du Pérou). Ces villes sont soumises à une explosion démographique expliquée par un taux de natalité important et un exode rural massif. La Figure 2.2 présente la proportion de la population vivant en zone urbaine par continent en 1950 et 2000 ainsi qu’une estimation pour 2050.

Figure 2.2. Proportion de la population vivant en zone urbaine pour les différents continents en 1950, 2000 et

projection pour 2050 (UNDESA, 20128).

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https://www.un.org/development/desa/publications/world-population-prospects-2019-highlights.html

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L’urbanisation dans les grandes métropoles du sud est souvent accompagnée de développement d’habitats précaires. Selon l'ONU-Habitat, une quinzaine de villes compterait au moins un million d'habitants dans les bidonvilles (e.g. 4 millions à Mexico, 2,2 à Caracas). L’exode rural est étroitement lié à la recherche d’emplois plus stables et plus rémunérateurs en ville. Les populations à très bas revenus s’installent alors dans des habitations précaires en dehors de cadres juridiques. Ces habitations dites informelles sont bien souvent, par leur construction et les matériaux qui les constituent, plus vulnérables aux intempéries et parfois dépourvues d’infrastructures d’assainissement. Ces zones informelles se développent par exemple dans les zones de bas-fonds ou sur les collines, présentant les seuls espaces vacants des quartiers les plus densément peuplés. Tous ces éléments exposent davantage les populations aux risques liés à l’eau comme les maladies hydriques mais aussi les inondations et glissements de terrain. La ville de Yaoundé, zone d’étude de ces travaux, est fortement touchée par cette problématique d’habitats précaires, avec l’installation en dehors de cadre juridique d’habitats dans les zones marécageuse et les collines. Les habitants de ces habitats précaires sont alors exposés à une diversité de risques liés à l’eau comme les inondations et les maladies hydriques. 2.2.2 Imperméabilisation des sols et recul des zones naturelles

La croissance démographique extrême des grandes métropoles intertropicales est synonyme de fortes imperméabilisations des sols et d’importants reculs des zones naturelles présentant originellement une végétation dense et jouant un rôle majeur dans le cycle hydrologique (avec notamment une importance majeure de la composante évaporatoire) (Bruijnzeel, 2004). Un recul des zones forestières denses s’accompagne d’une perte évaporatoire importante et d’une augmentation des écoulements globaux (dont le ruissellement de surface) (Figure 2.3). Les zones humides aux nombreux rôles écosystémiques, comme le rôle d’écrêtement des crues et l’amélioration de la qualité des eaux, subissent de nets reculs causés par l’urbanisation et les activités agricoles. Si à l’échelle mondiale les zones humides ont subi un recul de 30 % entre 1970 et 2015, les tourbières tropicales ont perdues 28 % de leurs étendues entre 2007 et 2015, ainsi qu’une baisse significative de la qualité de leurs eaux (Davidson et Finlayson, 2018). La canalisation des cours d’eau et le drainage généralisé des bas-fonds pour la mise en culture où l’installation d’infrastructures quand les espaces viennent à manquer menacent grandement ces écosystèmes et leurs services écosystémiques. Les coûts indirects de l’érosion de ces zones naturelles sont donc nombreux mais leurs protections ou restaurations sont encore trop peu encouragées par les décideurs.

Figure 2.3. Schématisation des changements de réponse hydrologique face à la déforestation en milieu tropical

(Wohl et al., 2012) (ET : Evapotranspiration ; P : Précipitations ; R : écoulement souterrain ; D : débit en rivière).

2.2.3 Impact sur la qualité des eaux

La pression de la croissance démographique sur la qualité de la ressource en eau a été largement démontrée (Paul et Meyer, 2001) avec notamment une augmentation du charriage en nutriments, métaux et pesticides. Les rejets incontrôlés des eaux usées et des ordures conjugués à l’inefficacité des réseaux d’assainissement polluent les nappes phréatiques et participent à la recrudescence de maladies hydriques. Les coûts sanitaires et économiques sont une nouvelle fois très importants pour certains des pays intertropicaux, la Banque Mondiale estime que pour une vingtaine de pays sub-sahariens, le coût des lacunes dans ces secteurs s’élèverait entre 1 % et 2.5 % du PIB annuel. En 2016, seulement 30 % des habitants d’Afrique sub-saharienne avaient accès à un service d’assainissement. Un manque de volonté politique évident explique en partie les grandes lacunes des infrastructures existantes cependant des améliorations commencent à émerger avec la mise de schémas directeurs dans plusieurs pays sub-sahariens comme la Côte d’Ivoire, Le Niger, ou le Bénin. L’assainissement des eaux est souvent passé au second plan dans les investissements après l’approvisionnement en eau potable. L’intérêt pour le secteur de réutilisation des eaux usées pourrait accentuer l’attrait des décideurs pour le traitement des eaux usées non plus présentées comme un déchet sans valeur mais comme une ressource.

2.2.4 Impact sur les réserves en eaux

Les modifications d’ODS liées à l’urbanisation perturbent sensiblement la recharge des nappes phréatiques du fait de l’augmentation des surfaces imperméables et de la demande en eau importante des populations urbaines (Harbor, 1994; Khazaei et al., 2004; Naik et al., 2008). Ces pressions posent le problème de pérennité de la ressource (souterraine ou de surface) dans des zones très peuplées. Parmi les métropoles localisées en milieu tropical, un certain nombre

font face à des problèmes récurrents de pénuries d’eau, comme les villes de Sao Paulo, Bangalore, Jakarta ou Mexico. Ces grandes villes se sont développées très rapidement, les infrastructures liées à l’eau ne se sont pas adaptées et sont en partie obsolètes avec des pertes d’eau parfois considérables liées aux fuites dans les réseaux (e.g. plus de 50% à Bangalore) et des proportions importantes de la population n’ayant pas accès à l’eau potable (e.g. seulement 50 % des 10 millions d’habitants de Jakarta ont accès à l’eau courante). Bien souvent, les politiques de gestion de l’eau ne sont pas durables et participent à l’épuisement des ressources souterraines ou de surfaces (lacs, rivières).

2.2.5 Impact sur le fonctionnement hydrologique global des bassins versants

Les mutations des territoires et particulièrement les phénomènes d’urbanisation entraînent une modification complète du cycle de l’eau, ces impacts ont été largement étudiés en milieu tempéré (Jacobson, 2011; McGrane, 2016) et dans une moindre mesure en milieu tropical (Guzha et al., 2018). Une revue plus approfondie des impacts des changements d’ODS est présentée en Section 7. L’augmentation des dommages causés notamment par les crues à l’échelle de l’Afrique sub-saharienne, a été étroitement mise en lien avec l’urbanisation intensive et non-planifiée par Baldassarre et al. (2010).