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Il est intéressant de noter que plus de 250 copies d’IN sont empaquetées dans une seule particule virale VIH-1 contenant uniquement deux copies d’ARN [209]. L’IN est donc en large excès par rapport à son substrat ADN viral qui ne nécessite que deux sites catalytiques pour être intégré dans le génome de l’hôte.

In vitro, une protéine recombinante IN est capable d’induire les réactions de 3’ processing et de transfert de brin sur un ADN matrice, cela suggère que l’enzyme virale possède des mécanismes spécifiques de distinction de l’ADN viral ou cellulaire. Des expérimentations de mutagénèse montrent que des mutations de l’IN peuvent moduler indépendamment l’une ou l’autre de ses activités catalytiques ou l’affinité avec l’un ou l’autre de ces types d’ADN. Il semblerait donc que l’IN possède au minimum deux sites ou structures distincts impliqués dans ces mécanismes [210].

En solution la proportion de différentes formes d’IN est à l’équilibre. La protéine est retrouvée sous forme de monomère, dimère, tétramères et de structures de plus haut point moléculaire pouvant correspondre à des octamères ou des agrégats [211]. Cet équilibre est variable en fonction de différents facteurs dont la présence d’ADN ou la concentration de l’enzyme [212,213].

L’insolubilité et la flexibilité de séquences liant les trois domaines fonctionnels de la protéine IN du VIH-1 sont un frein pour la résolution de sa structure tridimensionnelle globale par cristallographie. Cependant la conformation des domaines seuls ou couplés deux à deux a pu être révélée [199,214]. Les premières études en cristallographie de la structure de l’IN ont permis de capturer une majorité de domaine CCD sous forme de dimères. Cependant des

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études biochimiques ont rapidement mis en évidence que la multimérisation de l’IN en tétramère est essentielle pour l’intégration de l’ARN viral [215,216].

La cristallisation de l’IN du spumavirus PFV-1 (Prototype Foamy virus), beaucoup plus soluble, sous sa forme libre ainsi que complexé avec l’ADN cible au sein de l’intasome fut une avancée majeure dans la caractérisation de la structure de l’intasome du VIH-1 [154,208] (figure 15). En effet cette structure est corrélée avec les résultats biochimiques précédant faisant l’hypothèse que l’association aux extrémités LTR de l’ADN viral nécessite un tétramère d’IN.

Figure 15 : Structure du complexe IN-ADN du PFV.

(A) Structure et schéma de l’intasome du PFV. Les monomères internes d’IN sont représentés en vert et bleu et une partie de monomères externes en jaune. Les sites actifs en rouge, ainsi que l’ADN viral représenté en double hélice sont également référencés. (B) Structure du complexe TCC (target capture complex) ayant la capacité de fixé l’ADN cellulaire cible représenté ici en double hélice violette. Adaptée à partir de [150,208].

63 Le terme intasome définit l’interaction entre l’IN et l’ADN viral et regroupe plusieurs états structuraux intermédiaires décrits précédemment allant jusqu’au produit d’intégration final de la liaison ADN viral et cellulaire associé au tétramère d’IN [217].

L’intasome PFV contient un tétramère d’IN qui possède une architecture en dimère de dimères. Chaque dimère se compose de deux sous unités d’IN interne et externe structurellement et fonctionnellement distinctes. Les monomères internes permettent l’ensemble des interactions avec l’ADN viral et cellulaire via leur site catalytique et interagissent entre elles par leur domaines NTD et CCD respectifs. Les domaines CTD font le pont entre ces différentes régions et permettent la stabilité du complexe en maintenant les CCD espacés (figure 15A).

La structure des monomères d’IN externes n’est pas entièrement résolue car seuls les domaines CCD ont pu être caractérisés. Toutefois les domaines NTD et CTD des sous unités externes ne semblent pas indispensables à la formation de l’intasome du PFV ainsi qu’à la réalisation de la réaction de transfert de brin [218].

Les extrémités LTR de l’ADN viral vont se ficher à l’interface des dimères d’IN et subire la réaction de 3’ processing. Les trois domaines NTD, CCD et CTD de chaque monomère interne sont impliqués dans cette interaction et confèrent ainsi la spécificité de reconnaissance de l’IN avec l’ADN viral [154]. En théorie un tel complexe protéine-ADN ne peut se former que lorsque les sites de reconnaissance correspondant aux extrémités 3’OH libres de l’ADN viral sont visibles. Une fois la réparation de l’ADN intégré réalisée, ce processus semble être fondamentalement irréversible.

L’intasome ainsi formé est capable d’induire les réactions de 3’ processing et de transfert de brin [219]. Le clivage du dinucléotide GT libère une zone d’interaction au centre du tétramère d’IN, entre les deux monomères internes, qui devient alors accessible pour l’ADN cellulaire. Ainsi l’ADN cellulaire se lie au centre du site d’intégration en adoptant une conformation courbée (figure 15B). La capacité de l’ADN à former cette structure coudée contribue à la sélection des sites d’intégration. Les séquences nucléotidiques rigides riches en purine et pyrimidine ne seront donc pas des régions ciblées par l’IN pour l’intégration dans le génome de l’hôte. L’énergie de déformation de l’ADN est compensée par l’interaction avec les domaines CTD et CCD internes de l’intasome de PFV.

Des études récentes montrent que l’intasome du PFV cible préférentiellement des régions dans la chromatine in vitro [220]. De plus la caractérisation de la structure TCC (target capture complex) du PFV contenant l’intasome et le nucléosome a permis de mettre en évidence que l’ADN nucléosidique engagé dans l’intasome est efficacement extrait des

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octamères d’histones afin d’adopter la conformation courbée nécessaire à cette interaction [221].

La synapse formée par les domaines CTD des sous unités internes d’IN confère la rigidité du complexe et contribue à la zone d’attachement de l’ADN cellulaire cible. La séparation des domaines CCD d’environ 50 Å via la synapse CTD est essentielle au fonctionnement de l’intasome du PFV.

De manière intéressante la longueur de la région faisant le lien entre les domaines CCD et CTD n’est pas conservée entre les différents rétrovirus. Elle varie de 50 à 60 acides aminés pour les spumavirus et les ε- et γ-retrovirus jusqu’à 10 résidus pour les α- et β-retrovirus, alors que les lentivirus possèdent un phénotype intermédiaire.

Le modelage de la structure de l’IN du VIH-1 suggère que les lentivirus possèdent un liaison CCD-CTD suffisamment longue pour permettre la formation d’un tétramère homologue à l’intasome du PFV [222].

Au contraire, l’élucidation récente de la structure des intasomes de l’ α-retrovirus RSV (Rous Sarcoma Virus) et du β-retrovirus MMTV (Mouse Mammary Tumor Virus) a permis de mettre en évidence une structure en octomères d’IN [223,224]. Il semblerait que l’IN de ces virus compense la petite taille de leur liaison CTD-CCD par l’ajout de deux dimères supplémentaires afin de maintenir une structure d’intasome proche de celle du PFV.

5. Les protéines impliquées dans le PIC et dans l’intégration