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4. ROLE DU MEDECIN GENERALISTE 1 Mission du médecin généraliste

4.3. Les moyens d’aide au sevrage du tabac

Tout fumeur peut affronter les difficultés du sevrage tabagique sans aide ni appoint médical mais le médecin peut augmenter les chances de succès de son patient dans l’arrêt du tabac. Il dispose pour l’aider d’un ensemble de moyens qu’il peut lui prescrire ou lui conseiller selon qu’il s’agit ou non de médicaments.

4.3.1. Thérapies médicamenteuses

4.3.1.1. Traitements nicotiniques substitutifs (TNS)

Ce sont les traitements les plus répandus et de première intention dans l’aide au sevrage. Ils existent sous différentes formes : transcutanée (timbre, patch), gomme à mâcher, pastille à sucer, spray buccal ou inhalateur. La forme la plus communément utilisée reste le patch transcutané qui s’applique pour une période de 16 à 24h.

La revue systématique de Stead et al. en 2012 (38) a examiné l’effet des TNS sur l’abstinence à 6 mois minimum. Une méta-analyse de 117 études et comprenant 50 000 participants a démontré que les TNS augmentaient de 50 à 70% la probabilité d’arrêt par rapport au groupe témoin. RR=1,60 (intervalle de confiance à 95% [IC] 1,53 à 1,68).

La combinaison d’un timbre de nicotine avec une forme de livraison rapide de TNS a été plus efficace qu’un seul type de TNS (RR=1,34, IC95 %= [1,18-1,51], 9essais). La revue systématique de Cahill et al. en 2013 (39) retrouvait les mêmes résultats.

Les TNS ont l’avantage de ne pas avoir d’effet indésirable majeur.

Toutefois, l’utilisation des TNS peut causer des effets indésirables. Les plus fréquents sont : céphalées, dysgueusies, hoquets, nausées, dyspepsie, sécheresse, douleurs ou paresthésies de la cavité buccale. Les effets varient selon la forme de TNS utilisés

Depuis novembre 2016, dans le cadre du PNRT, l’assurance maladie prenait les TNS en charge, sur ordonnance d’un médecin ou autre professionnel de santé, jusqu’à 150 euros par an et par personne. L’avance des frais pouvant être un frein à l’achat des patchs, depuis Mai 2018, certains traitements sont remboursables à 65%

4.3.1.2. Varénicline

La varénicline est un agoniste partiel des récepteurs nicotiniques cérébraux à l’acétylcholine indiqué dans le sevrage tabagique. Elle est commercialisée en France depuis février 2007, et ne peut être délivrée que sur ordonnance.

La revue systématique des revues Cochrane de Cahill et al. en 2013 (39) a étudié l’efficacité des différents traitements dans le sevrage tabagique chez des fumeurs adultes. Elle a intégré 267 études et 101 804 participants. Cette méta-analyse a montré une supériorité de la varénicline sur le placebo. La varénicline a augmenté les chances de cesser de fumer par rapport au placebo (OR=2,88, IC95 %= [2,40- 3,47]).

De même, elle s’est révélée supérieure aux TNS (OR=1,57, IC95 %= [1,29- 2,91]) et au bupropion (OR=1,59, IC95 %= [1,29-1,96]).

Toutefois, la varénicline ne s’est pas montrée plus efficace qu’une combinaison de TNS (OR=1,06, IC95 %= [0,75-1,48]).

L’utilisation de la varénicline peut avoir des effets indésirables, notamment des symptômes neuropsychiatriques : dépression, comportements suicidaires, auto- agressifs, hostilité, agitation.

D’autres effets indésirables attribués à l’utilisation de la varénicline dans la littérature sont moins graves mais plus fréquents : troubles du sommeil (insomnie, rêves anormaux), troubles gastro-intestinaux (nausée, constipation, flatulences) et maux de tête.

Cependant les effets neuropsychiatriques indésirables ont été réévalués à la suite de la publication de l’étude EAGLES (40). Cette étude a évalué la tolérance et l’efficacité de la varénicline et du bupropion versus TNS et placebo dans le sevrage tabagique chez les fumeurs avec et sans antécédents de troubles psychiatriques. Le taux d’abstinence continue des semaines 9 à 12 a été significativement plus élevé dans le groupe varénicline (33,5%), que dans les groupes placebo (12,5%), et TNS (23,4%).

Cette étude a montré qu’il y avait moins d’évènements neuropsychiatriques indésirables dans la cohorte sans antécédents psychiatriques dans le groupe

varénicline (1,3%) que dans les groupes TNS (2,5%) et placebo (2,4%). Mais dans la cohorte avec antécédents neuropsychiatriques, les effets indésirables ont été plus fréquents dans le groupe varénicline (6,5%), que dans le groupe TNS (5,2%) ou placebo (4,9%).

Suite à cette étude, le Service Médical Rendu (SMR) de la varénicline a été classé « important ». Ce médicament est pris en charge à 65% par l’assurance maladie depuis avril 2017. Il reste indiqué en seconde intention chez les personnes ayant une dépendance forte (score de Fagerström > 7).

4.3.1.3. Bupropion

Le bupropion est un antidépresseur qui inhibe la recapture de la noradrénaline et de la dopamine. Il est commercialisé en France depuis septembre 2001. Il ne peut être délivré que sur ordonnance.

La revue systématique de Cahill et al. en 2013, a montré une efficacité supérieure du bupropion face au placebo (OR=1,84, IC95 %= [1,71-1,99]]). Mais la varénicline s’est montrée plus efficace pour arrêter de fumer que le bupropion (OR=1,59, IC95 %= [1,29-1,96]).

L’utilisation du bupropion présente un risque de dépression et de comportements suicidaires ou auto-agressifs. Elle a de nombreux effets indésirables : réactions cutanées ou allergiques, des troubles neuropsychiatriques (insomnie chez 30 à 40 % des patients, angoisse), des troubles neurologiques (vertiges, céphalées ou convulsions), troubles cardiovasculaires (hypertension artérielle, angor, infarctus du myocarde), bouche sèche, nausées...

Du fait de ses effets indésirables et de son efficacité modérée, le bupropion n’est indiqué qu’en seconde intention et n’est pas pris en charge par l’assurance maladie.

4.3.2. Moyens non médicamenteux 4.3.2.1. Entretien motivationnel

L’entretien motivationnel, développé par des psychologues américains dans les années 1980, se définit comme une approche relationnelle guidée et centrée sur le patient, dont le but est de susciter ou renforcer la motivation au changement. Le principe en est qu’une personne n’arrive à des changements que si sa motivation vient d’elle-même.

L’attitude du professionnel consiste à explorer avec empathie l’ambivalence du patient face au changement, en évitant toute confrontation ou persuasion. L’entretien motivationnel repose sur un partenariat favorisant l’évocation et valorisant l’autonomie du patient.

La revue systématique de Lindson-Hawley et al. en 2015 (41) a évalué l’efficacité de l’entretien motivationnel pour promouvoir l'arrêt du tabac. 28 études y ont été analysées. Dans celles-ci, l'entretien motivationnel (ou ses variantes) a été comparé à un conseil court ou un traitement classique. Les entretiens ont été menés soit par des médecins, soit par des cliniciens hospitaliers, infirmières ou conseillers.

L'entretien motivationnel, comparé au conseil bref, a montré une augmentation modeste mais significative de l'arrêt du tabac (RR=1,26, IC 95 %=[1,16-1,36]).

Des analyses en sous-groupe ont été réalisées : par type de thérapeutes, durée de séances, nombre de séances, nombre de sessions suivies. Ces analyses ont montré que l'entretien motivationnel était plus efficace quand il était dispensé par des médecins (RR=3,49, IC95 %= [1,53-7,94] ou des conseillers (RR=1,25, IC95 %= [1,15- 1,63]). La comparaison des interventions courtes (moins de 20 minutes par séance) par rapport aux témoins a donné un RR=1,69, IC95%= [1,34-2,12]) ; elles semblaient donc plus efficaces que les interventions plus longues.

4.3.2.2. Technique d’autosupport (support média)

Ce sont tous les outils structurés qui peuvent permettre d’aider les fumeurs à faire une tentative d’arrêt ou maintenir son abstinence sans l’aide directe d’un professionnel. Ils existent généralement sous forme papier, mais aussi par internet.

En France, l’INPES édite différentes brochures, dépliants, posters, destinés aux professionnels de santé dans un but de prévention. On trouve souvent ces documents en milieu hospitalier, cabinet de ville, centre de prévention…

En 2016 a été créé le « Mois sans tabac ». Cette initiative publique à grand renfort médiatique consiste, pendant tout le mois de novembre, à inciter la population d’arrêter de fumer. Des kits d’aides au sevrage sont mis à disposition par l’intermédiaire du site « Tabac Info Service ».

La revue de la littérature de Hartmann-Boyce et al. en 2014 (42) a évalué l’efficacité des différents outils. Le principal critère de jugement était l’arrêt du tabac après un suivi d’au moins 6 mois. 34 essais ont évalué l’efficacité de documents standardisés non personnalisés.

11 de ces essais comparaient la remise de documents et l’absence d’intervention. Les résultats ont été légèrement significatifs en leur faveur (n=13241, RR=1,19 IC95 %= [0,80-1,18]).

Il n’a pas été montré de bénéfice supplémentaire lorsqu’ils sont utilisés en plus d’autres interventions tels que les conseils d’un professionnel de santé ou le traitement de substitution nicotinique.

4.3.2.3. Guidance téléphonique (« counselling » téléphonique)

En France, il existe une ligne téléphonique « Tabac Info Service », où au 3989, les patients peuvent avoir l’avis d’un tabacologue. Depuis 2005, elle existe aussi sous la forme d’un site internet.

La revue systématique de Stead et al. en 2013 (43) a évalué l’efficacité du counselling téléphonique pour arrêter la consommation de tabac. Le nombre, la durée, le contenu des appels téléphoniques étaient variables. Cette revue de la littérature basée sur un grand nombre d’études et de sujets met en évidence une efficacité du

counselling téléphonique, que ce soit lorsque l’appel vient de la ligne d’assistance téléphonique (proactif) ou lorsque le fumeur appelle lui-même.

4.3.2.4. Thérapies cognitivo-comportementales individuelles ou en groupe

Elles nécessitent une formation spécialisée du thérapeute.

Ce sont des thérapies issues des théories de l’apprentissage, selon lesquelles le psychisme se construit sur des apprentissages successifs (comportementaux et cognitifs). De ce fait, la pathologie est assimilée à une erreur ou un défaut dans cet apprentissage. Nos schémas comportementaux découlent d’un apprentissage et sont modelés suivant un principe de conditionnement, ce dernier devenant le moyen de corriger un comportement pathologique.

L’efficacité des thérapies cognitivo-comportementales dans les conduites addictives a régulièrement été confirmée par des études comparatives de caractère scientifique. (44)

4.3.2.5. Hypnose, Acupuncture, Activité sportive

Ces procédés ont fait l’objet d’études dans l’aide à l’arrêt du tabac. Leur bénéfice n’a pas été établi. Cependant elles bénéficient d’un certain recul et n’ont pas montré de risque majeur.

Ø Hypnose

L’hypnose est une technique permettant d’induire un état modifié de conscience. Elle vise à modifier l’attention au réel et à augmenter la suggestibilité. Elle a montré son efficacité dans plusieurs troubles psychiques. Elle est parfois utilisée dans la prise en charge des conduites addictives.

La revue systématique de Barnes et al. en 2010 (45) a évalué l’efficacité de l’hypnothérapie pour arrêter la consommation de tabac. 11 études ont été analysées dans cette revue.

La taille des études était relativement faible avec des effectifs variant de 20 à 286 participants. Les méthodes d’hypnothérapie utilisées étaient aussi très différentes quant à la technique d’induction hypnotique, au nombre de sessions (de 1 à 8 sessions), et à la durée du traitement (30 minutes à 8 heures).

Cette revue faisait apparaître deux résultats significatifs :

• Dans une étude, l’hypnothérapie sans autre traitement associé, comparée à l’absence de traitement, a montré un effet positif important et significatif (RR=19,00 IC95%= [1,18-305,88], 1 essai, n=40) ;

• La combinaison de l’hypnothérapie et de traitements psychologiques, comparativement aux seuls traitements psychologiques, a aussi montré une augmentation significative du taux d’arrêt à 6 mois (RR=4,80 IC95% [1,71- 13,49], 2 essais, n=65).

Il n’a pas été montré de différence significative entre l’effet de l’hypnothérapie seule et celui des autres moyens testés isolément (conseil bref, traitement psychologique, méthode aversive, médicament, voire placebo).

La plupart de ces études ne comportaient que de faibles effectifs ; ce qui, ajouté à leur hétérogénéité n’a pas permis de faire de méta-analyse incluant l’ensemble des études. Les preuves limitées issues de cette revue n’ont donc pas permis de conclure quant à l’efficacité de l’hypnothérapie.

Ø Acupuncture

La revue systématique de White et al. en 2011 (46) a évalué l’efficacité de l’acupuncture pour arrêter la consommation de tabac. 38 études ont été analysées.

Comparée avec l’acupuncture simulée, l’efficacité à court terme (6 semaines) de l'acupuncture a été discrètement significative (RR=1,22 IC 95%= [1,08-1,38]), et non significative pour le long terme (≥ 6 mois) (RR=1,10 IC 95%= [0,86-1,40]).

L'acupuncture s’est révélée moins efficace que l'utilisation d'un substitut nicotinique à court terme et à long terme. Il n'y a pas de preuve que l'acupuncture soit plus efficace que des interventions psychologiques.

Ø Activité sportive

La revue systématique de Ussher et al. en 2014 (47) a évalué l’efficacité de l’exercice physique dans l’arrêt du tabac. 20 essais ont été analysés dans cette revue de la littérature. La revue n’a pas trouvé suffisamment de preuve que l’activité physique

4.3.3. Cigarette électronique

En 2016, le HCSP (48) a clarifié ses recommandations sur les bénéfices- risques de la cigarette électronique. Aujourd’hui, ses travaux concluent qu’elle :

• Peut être considérée comme un outil d’aide au sevrage tabagique ; • Constitue un outil de réduction des risques du tabagisme ;

• Pourrait constituer un point d’entrée dans le tabagisme ;

• Induit un risque de « normalisation » de la consommation de tabac

En conséquence, le HCSP recommande dans son nouvel avis qu’il faut :

• Poursuivre et intensifier la lutte contre la consommation de tabac ;

• Informer des avantages et des inconvénients de la cigarette électronique ; • En interdire la publicité et l’utilisation dans tous les lieux collectifs ;

• Renforcer les études épidémiologiques sur la cigarette électronique.

La revue systématique de Hartmann-Boyce et al. (49) en 2016 a évalué l’efficacité de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique. Sur les 24 études, 2 essais contrôlés randomisés avaient un effectif suffisamment important pour réaliser une méta-analyse. Les 2 essais comparaient la cigarette électronique contenant de la nicotine versus la cigarette électronique sans nicotine (placebo) sur le sevrage tabagique à 6 mois chez 662 personnes qui souhaitaient ou non arrêter de fumer. La cigarette électronique contenant de la nicotine présentait une efficacité significative (RR=2,29 IC95%= [1,05-4,96], placebo : 4%, cigarette électronique : 9%).

La seule étude comparant la cigarette électronique aux TNS n’a pas trouvé de différence significative dans les taux d’abstinence à 6 mois (RR=1,26 IC95%= [0,68- 2,34], n=584).

Le petit nombre d’essais, les faibles taux d’évènements et les larges intervalles de confiance ont fait que les auteurs ont jugé les résultats pour le moment incertains concernant la cigarette électronique comme moyen d’aide au sevrage.

Aucune des études incluses n’a détecté d’effet indésirable grave de l’utilisation de la cigarette électronique à court et à moyen terme, jusqu’à deux ans. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés étaient une irritation de la bouche et de la gorge. La sécurité à long terme reste encore inconnue.

5. MATERIEL ET METHODE

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