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B : Les moyens probatoires

Dans le document Doute scientifique et vérité judiciaire (Page 44-47)

La psychiatrie tient un rôle de premier rang face à une justice qui se veut de plus en plus humaine et cohérente. Mais, alors que l’on admet aisément l’intervention du psychiatre au cours de l’enquête et de l’audience ; certaines découvertes techniques permises par cette branche de la médecine ne sont pas recevables.

1 : Les moyens de preuve rejetés

Les avancées cognitives dans le domaine de la psychiatrie sont appréhendées avec beaucoup de méfiance. Par exemple, le profilage est une technique consistant à partir des constatations matérielles présentes sur la scène de crime pour en déduire un profil psychologique ou criminologique. Cette profession montante en Amérique du nord ne parvient pas à se développer en France, la raison principale étant l’absence d’impact immédiat sur la recherche de la vérité. En effet, cette méthode n’apporte aucune preuve directe. Toutefois, elle ouvre des perspectives non négligeables à l’enquête. Le faible recours aux

profilers connait une justification plus pertinente. En réalité, la véritable cause expliquant ce

refus de recourir à l’expert psychiatre en l’absence de personnes physiquement présentes réside dans la crainte inavouable du manque de fiabilité du profilage. N’ayant pas encore fait ses preuves en France, les professionnels du droit sont sceptiques. Le profilage ne connaîtra, sans doute, ses lettres de noblesse qu’après de longues années prouvant sa qualité et son effectivité.

L’hypnose, quant à elle, n’a résolument pas sa place dans les prétoires. Cette fois ci, ce n’est pas le doute sur l’efficacité qui explique son exclusion mais l’atteinte disproportionnée portée aux droits de la défense. En effet, l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne

des droits de l’homme permet à la personne poursuivie de se taire et lui offre le droit de ne pas s’auto accuser quand bien même elle connaitrait la vérité et quand bien même ce comportement entraverait sa recherche. La Cour européenne des droits de l’Homme l’énonce dans l’affaire Saunders contre Royaume Uni jugée en Grande chambre le 17 décembre 1996 :

« Même si l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne le mentionne pas expressément, le droit de se taire et -l'une de ses composantes- le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable consacrée par ledit article »55. Et c’est sur ce fondement que la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 12 décembre 2000 a considéré que « l'audition d'un témoin sous hypnose

élude les règles de procédure et compromet les droits de la défense, même si elle est pratiquée avec l'accord de l'intéressé »56. Et, en effet, toute personne a le droit d’être entendue librement et consciemment, ce qui n’est pas pleinement le cas d’une personne hypnotisée. De plus, libre à chacun de ne pas s’auto-accuser. La justice ne peut sanctionner une personne n’ayant pas contribué à sa propre incrimination57. Il s’agit d’un droit dont le poursuivi ne disposerait pas au cours d’une telle séance d’hypnose. Ces données constituent des obstacles dirimants à l’utilisation de ce procédé. Tout comme le détecteur de mensonge, le sérum de vérité, ou le polygraphe, l’hypnose bien que probante ne peut constituer un mode de preuve admissible.

2 : Les moyens de preuve admis

La psychiatrie se fonde sur des analyses organiques. L’imagerie par résonnance magnétique a permis de systématiser des réactions cérébrales singulières correspondant à des pathologies déterminées. Pratiquer ce type de radiologie permettrait de détecter l’existence d’une schizophrénie ou d’un trouble dépressif, pathologies toutes deux criminogènes. Mais, le consentement du patient doit être requis avant tout acte médical. Les actes ne consistant pas en un prélèvement interne sont alignés sur le régime des prélèvements externes. Par 







55CEDH, 17 décembre 1996, Saunders contre Royuame-Uni, n°19187/91. 56Cass crim, 12 décembre 2000, pourvoi n°00-83852, Bull369.

57CEDH, 8 février 1996, John Murray contre Royaume-Uni, n°18731/91. Art 116 du code de procédure pénale

conséquent d’après l’article 9 du code civil et la loi du 18 mars 2003 en son article 55-1 un tel examen serait possible que s’il existe « une ou plusieurs raisons de soupçonner que l’individu

a commis ou tenté de commettre une infraction ». Autrement dit l’atteinte au droit de chacun à

disposer de son corps doit être justifiée par la nécessité de protéger la société.

Le témoignage et l’aveu ne souffrent d’aucune entrave majeure. La psychiatrie, nous le verrons, joue un rôle déterminant dans l’appréciation de leur véracité. Le témoignage acquiert de la crédibilité en raison du serment de vérité qui lie son auteur. En Cour d’assises,

« ils prêtent serment de parler sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité » selon

les termes de l’article 331 du code de procédure pénale. Le mensonge non justifié par le droit de ne pas s’auto incriminer ou l’immunité familiale est sanctionné pénalement par cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende58. L’aveu est également convainquant dans la

mesure où il révèle une volonté de l’auteur d’assumer la responsabilité des faits. Ces deux types d’allégations ne doivent pas acquérir une force probante supérieure ou suprême dans l’esprit des juges et jurés car ces allégations peuvent être mensongères. Celui qui avoue peut protéger le véritable coupable ; celui qui témoigne peut tenter de masquer la vérité. L’intervention d’un expert psychiatre pour déceler la véracité des propos sera alors déterminante.

Les mécanismes juridiques du droit de la preuve sont animés par la volonté d’utiliser le doute à des fins de vérité judiciaire. Il est un autre principe fondamental qui met à profit le raisonnement qu’engendre le doute dans l’esprit de chacun. Il s’agit de l’intime conviction.









§ 2 : Par l’intime conviction

L’intime conviction désigne l’intervention légitime du juge, en tant qu’être humain, dans l’élaboration de la vérité judiciaire. Son appréciation raisonnable des preuves gage la qualité de la décision c’est pourquoi elle sera favorisée ( A ). Pour autant la présence humaine provoque une crainte de l’arbitraire, il conviendra alors de prévenir le risque de déraison ( B ).

Dans le document Doute scientifique et vérité judiciaire (Page 44-47)