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Les moyens permettant d'étendre le contrôle juridictionnel .1 L'état actuel des instruments en droit suisse

2.3.1.1 Le recours

Comme nous l'avons mentionné en introduction, le contrôle des actes de l'administration est orienté en droit suisse autour du système du recours. Par le recours administratif combiné avec le recours de droit administratif, les administrés disposent en droit fédéral d'une procédure permettant de statuer sur une décision par jugement formateur (procédure formatrice), ainsi que d'une procédure en constatation - par le détour de l'émission d'une décision en constatation - et d'une procédure en prestation destinée en particulier à provoquer l'émission d'une décision - par le biais du recours contre une décision de [38] l'administration refusant de reconnaître une telle prétention82. Le droit suisse n'admet cependant pas de manière générale une procédure en prestation permettant de requérir

80 Conseil fédéral, Message relatif à une nouvelle constitution fédérale du 20 novembre 1996, ch. 232 ad article 25a, p. 532 et ad article 177, p. 539.

81 Cf- Conseil fédéral, Message relatif à une nouvelle constitution fédérale du 20 novembre 1996, ch. 232 ad article 177, p.

5395.

82 Cf infra ch. 3.3.4 pour une comparaison avec le droit allemand. Pour une comparaison entre la Suisse, l’Allemagne, l’Angleterre et les Etats-Unis, cf Hänni, Die Klage auf Vornahme einer Verwaltungshandlung, 1988, p. 248ss.

L’extension du contrôle juridictionnel des activités de l’administration

l'exécution ou l'abstention d'un acte matériel83 ; la procédure en constatation d'une relation de droit administratif ne portant pas sur une décision n'est pas encore fermement établie84 et l'exécution de jugements en prestation visant l'Etat et ne portant pas sur des prestations pécuniaires n'est pas assurée85.

Quant au recours de droit public, limité aux actes cantonaux, il est en principe de nature cassatoire ; lorsque l'annulation de l'acte attaqué ne suffit pas pour rétablir une situation constitutionnellement conforme, le jugement peut prévoir dans son dispositif des prestations ou constater un rapport juridique86.

2.3.1.2 L'action

Le droit suisse fédéral connaît il est vrai une action de droit administratif devant le Tribunal fédéral (art. 116 et 1300I), mais celle-ci a perdu son importance depuis la révision de la loi d'organisation Judiciaire en 199187. Auparavant toutefois, elle eût été sans portée pour notre sujet, car elle était en principe limitée aux prestations pécuniaires88 ; l'exécution d'autres prestations ne pouvant être demandée par cette voie de droit89. Il faut cependant préciser que certaines commissions d'arbitrage peuvent être saisies par voie d'action contre des actes matériels, à l'exemple de la Commission fédérale de la protection des données qui peut trancher directement des contestations relatives aux [39]

recommandations du Préposé fédéral à la protection des données (art. 33 al. 1er let. a en relation avec l'art. 29 al. 4 LPD).

En droit cantonal, la situation n'est pas uniforme. Urs Peter Cavelti estime que dans le canton de Saint-Gall l'action de droit administratif pourrait porter sur des actes matériels, spécialement sur des recommandations étatiques90. Dans les autres cantons qui connaissent cette voie de droit, il ne serait théoriquement pas exclu qu'une telle compétence soit donnée pour autant qu'une loi le prévoie (système de l'énumération) :

i. L'action de droit administratif prévue en droit jurassien est ouverte pour juger des contestations relatives à des prétentions de droit public qui ne peuvent faire l'objet d'une décision (art. 146 du Code de procédure administrative jurassien91). L'action est ouverte à d'autres actes dans les cas prévus par la loi (art. 147 let. e du Code de procédure administrative).

ii. L'action de droit administratif du droit neuchâtelois est aussi ouverte dans des affaires autres que les cas énumérés dans la loi sur la procédure et la juridiction administrative, dans la mesure où d'autres lois prévoient une telle action (art. 58 let. g de la loi sur la procédure et la juridiction administrative du canton de Neuchâtel92).

iii. L'action de droit administratif dans le canton du Valais est également ouverte dans d'autres matières si une loi cantonale le prévoit (art. 83 let. g de la loi sur la procédure et la juridiction administratives du canton du Valais93).

83 Hänni, Die Klage aufVomahme einer Verwaltungshandlung, 1988, p. 243ss.

84 Cf. infra ch. 7.1.2. 1.

85 Hänni, Die Klage auf Vornahme einer Verwa1tungshandlung, 1988, p. 247s.

86 Gerber, La nature cassatoire du recours de droit public, 1997; Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 1994, p. 397ss ; Hänni, Die Klage auf Vornahme einer Verwaltungshandlung, 1988, p. 243s.

87 Cf Moor, Juridiction de droit public, 1992, p. 94ss; Wisard, RDAF 1995, p. 6ss ; Uebersax, PJA 1994, p. 1228.

88 Wisard, RDAF 1995, p. 6 : Hänni, Die Klage auf Vornahme einer Verwaltungshand1ung, 1988, p. 246s ; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 1983, p. 101.

89 Hänni, Die Klage auf Vornahme einer Verwaltungshandlung, 1988, p. 247.

90 Cavelti, Die Verfahren vor dem Verwaltungsgericht des Kantons St. Gallen, 1994, p. 125.

91 RS 175.1

92 RS 152.130.

93 RS 351.

2.3.2 Les variantes

Le système helvétique orienté autour du recours paraît à première vue rigide et semble exclure tout contrôle des actes matériels. Or, l'étude de la jurisprudence nous force à nuancer cette opinion: les tribunaux sont entrés en matière en présence d'actes matériels lorsqu'un besoin de protection juridique se faisait sentir, soit en étendant l'objet du recours aux actes matériels, soit interprétant de manière extensive la notion de décision, que ce soit dans le cadre général du recours (de droit) administratif, du recours de droit public ou dans le contexte de [40] procédures spéciales. Ces différents moyens sont autant de variantes possibles pour élargir le contrôle juridictionnel des actes matériels. Nous les étudierons en détail.

L'autre voie de droit, celle de l'action de droit administratif, jusqu'à maintenant été négligée tant par la législation, la jurisprudence et la doctrine helvétiques : étendue aux prestations non pécuniaires, celle-ci permettrait pourtant de requérir l'exécution d'actes matériels ou leur abstention; elle pourrait servir de manière plus générale de voie de droit pour statuer sur les prétentions découlant des contrats de droit administratif.

Si le droit allemand a développé dans un premier temps le mécanisme du recours, il a progressivement étendu l'action de droit administratif jusqu'à en faire l'instrument de contrôle par excellence des actes matériels. Bachof a montré la direction dès 1951, une décennie avant l'entrée en vigueur de la clause générale de compétence en faveur des tribunaux administratifs :

« [Es] sol! nicht gesagt werden, daj3 jür die Geltendmachung des Anspruchs au!

Vomahme solcher Handlungen, deren Ablehnung keinen Verwaltungsakt darstellt, der Verwaltungsrechtsweg verschlossen sei. Nur Jas besondere Veifahren der Anfechtungsklage ist nicht gegeben. Dagegen eröffnet sich hier der Weg der Parteistreitigkeit, soweit es sich um Handlungen auf dem Gebiet des öffentlîchen Rechts handelt und nicht andere Gerichte kraft positiven Rechts zuständig sind. »94 Nous examinerons la voie de l'action en premier (chapitre 3). Nous traiterons ensuite seulement des variantes s'inscrivant dans le cadre du recours (chapitres 4 et 5).

94 Bachof, Die Verwaltungsgerichtliche K1age auf Vornahme einer Amtshand1ung, 1968 [1951], p. 32.

[41] 3. L'extension de l'objet de l'action de droit administratif

L'extension de l'objet de l'action de droit administratif est le procédé qu'a utilisé le droit allemand pour garantir le contrôle juridictionnel des actes matériels. Nous l'étudierons en premier, puis nous procéderons à son évaluation. Nous déterminerons enfin si le système suisse est en mesure de s'accommoder d'une telle solution.

3.1 L'action générale en prestation du droit administratif allemand