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Moyens d’actions sur la morphologie des couches de nanotubes et filaments de carbone

CHAPITRE 1 NANOTUBES DE CARBONE ET EMISSION FROIDE D’ELECTRONS

1.1. Nanotubes et filaments de carbone

1.1.3. Moyens d’actions sur la morphologie des couches de nanotubes et filaments de carbone

Les paramètres ajustables du procédé global d’élaboration des couches de nanotubes et filaments de carbone se situent à deux niveaux distincts : au niveau de la préparation du catalyseur et au niveau du procédé de croissance. Nous analysons chacun d’eux ci dessous.

1.1.3.1. Paramètres ajustables au niveau de la préparation du catalyseur 1) Choix du catalyseur

Les métaux de transitions Ni, Fe et Co sont principalement utilisés pour la croissance catalytique des nanotubes et filaments de carbone. L’une des raisons de leur efficacité réside sans doute dans l’adéquation entre leur structure électronique et celle du gaz précurseur utilisé, autorisant la chimisorbtion de ce dernier, et notamment [19,25] :

− la position (en énergie) du centre de bande d par rapport aux orbitales liantes du précurseur,

− le remplissage incomplet de la bande d autorisant des transferts électroniques avec le précurseur adsorbé,

− le recouvrement des orbitales d avec les orbitales liantes du précurseur adsorbé.

Cependant, des différences de comportement catalytique existent entre ces trois métaux de transitions, leurs alliages et leur alliage avec d’autres éléments. Bien que la nature du catalyseur ne conditionne pas à elle seule la morphologie des couches de nanotubes et filaments de carbone, les tendances suivantes ont été reportées :

− Linéarité des structures carbonées :

Fe ≈ Co > Ni (d’après [26] avec C2H2 à 700°C) − Degré de graphitisation (ou cristallinité) :

Fe ≈ Co > Ni (d’après [26] avec C2H2 à 700°C) Fe > Ni > Co (d’après [27] avec C2H2 à 950°C) − Vitesse de croissance : Ni > Co > Fe (d’après [27] avec C2H2 à 950°C) Ni ≈ Co > Fe (d’après [28] avec C2H2 à 735°C) − Durée de vie : Fe ≈ Co ≈ Ni (d’après [27] avec C2H2 à 950°C) Fe ≈ Co > Ni (d’après [27] avec C2H2 à 950°C)

[25] A Ruban et al., J. Mol. Catal. A : Chem. 115 (1997) 421 [26] L Dong et al., Appl. Phys. A 78 (2004) 9

[27] CJ Lee et al., Chem. Phys. Lett. 360 (2002) 250 [28] Walker et al., Carbon 8 (1970) 103

Dans tous les cas, il semble que la phase active du catalyseur soit le métal réduit. Si le catalyseur se présente sous une forme oxydée, son interaction avec le gaz précurseur provoque sa réduction préalable à la croissance [31] : même si la dissociation du précurseur est possible par la phase oxydée du catalyseur, la ségrégation du carbone solide est en revanche impossible tant qu’il se trouve en présence d’oxygène. Cette première étape de réduction peut induire un temps de latence précédant la croissance. On s’en affranchit souvent en réduisant volontairement le catalyseur avant de débuter la croissance.

2) Choix du substrat

La stabilité thermique et chimique du substrat vis-à-vis du procédé global de croissance est une condition nécessaire au découplage et au contrôle des paramètres qui gouvernent ce procédé. Ainsi, les supports fréquemment utilisés sont des oxydes non réductibles par le carbone ou des nitrures : Al2O3[24], SiO2[24,], TiO2[24], TiN[29]…

Au delà de cette caractéristique générale, le choix d’un substrat particulier dépend directement de celui du catalyseur et de l’application visée.

3) Choix de la technique de préparation

De nombreuses techniques de préparation du catalyseur sont utilisées pour la croissance catalytique de nanotubes et filaments de carbone. On peut classer ces différentes techniques en deux catégories :

− Les techniques de préparation par voie chimique.

Ces techniques ont en commun la transformation chimique d’un précurseur contenant l’élément catalyseur. Elles nécessitent en général une étape d’activation thermique. La structuration du catalyseur sous forme de particules solides est souvent obtenue par précipitation à partir d’une phase liquide.

− Les techniques de préparation par voie physique.

Il s’agit ici de déposer directement le matériau catalyseur sur un substrat par évaporation ou pulvérisation d’une cible. La structuration du dépôt sous forme de particules peut être obtenue par l’interaction du catalyseur avec le substrat ou par dépôt à travers un masque lithographié.

Une revue complète des méthodes de préparation du catalyseur peut être trouvée en [30]. D’une façon générale, les techniques de préparation par voie chimique permettent d’obtenir des populations de particules moins dispersées que par voie physique, mais plus difficile à intégrer dans un dispositif complexe.

[29] AC Wright et al., Mat. Sc. Eng. C 23 (2003) 279

1.1.3.2. Paramètres ajustables au niveau du procédé de croissance 1) Choix du gaz précurseur

Le carbone nécessaire à la croissance catalytique de nanotubes et filaments de carbone est fourni par l’intermédiaire d’un gaz carboné qui peut être un hydrocarbure ou le monoxyde de carbone. Le précurseur utilisé doit pouvoir se dissocier sélectivement sur la surface du catalyseur : à la température de croissance il doit conserver sa stabilité en phase gazeuse et sur la surface des autres matériaux en présence.

La stabilité des hydrocarbures est directement liée à leur degré de saturation : la liaison CC est d’autant plus faible qu’elle est constituée d’un grand nombre d’orbitales π. Parmi les hydrocarbures saturés, la stabilité de la molécule diminue lorsque le nombre d’atomes de carbone augmente. Ainsi, le méthane CH4 est le plus stable des hydrocarbures et sa

décomposition thermique à lieu à partir de 900°C environ [31] tandis que celle de l’acétylène se produit dès 800°C [16].

Les gaz précurseurs les plus stables, CH4 et CO, donnent lieu à des cinétiques de croissance

plus faibles [32,33] et permettent d’obtenir des nanotubes et filaments de carbone plus rectilignes et mieux cristallisés que ceux obtenus à partir de molécules plus instables (Figure 1-1-4).

Figure 1-1-4 Influence de la stabilité du précurseur sur la structure des dépôts carbonés

En contrepartie, les températures de croissance les plus basses sont à priori accessibles avec les précurseurs les moins stables comme les hydrocarbures insaturés tels que C2H2 pour lequel

une décomposition catalytique est possible en principe dès 127°C [16].

2) Choix des conditions de croissance

La caractéristique principale qui définit un procédé de croissance CVD est le mode d’apport énergétique nécessaire à la dissociation du gaz précurseur. On trouve dans la littérature de nombreuses variantes de CVD catalytique pour la croissance de nanotubes et filaments de carbone mettant en œuvre des modes d’apport énergétiques différents.

[31] A Moisala et al., J. Phys.: Condens. Matter 15 (2003) S3011 [32] Baird et al., Nature 232 (1971) 329

[33] Baird et al., Carbon 12 (1974) 591 Filaments

Défauts cristallins

Stabilité du précurseur

− CVD thermique

L’apport énergétique est fourni par augmentation globale de la température du réacteur de croissance.

− CVD assistée par filament chaud (HFCVD pour Hot Filament CVD)

Le flux de gaz précurseur rencontre un filament porté à haute température avant d’atteindre le substrat.

− CVD assistée par plasma (PECVD pour Plasma Enhanced CVD)

Le gaz précurseur est placé dans un champ électrique suffisamment intense pour induire son ionisation. Le champ électrique peut être continu (DC-PECVD pour Direct Current PECVD) ou alternatif, dans le domaine des fréquences radio (RF-PECVD pour Radio Frequence PECVD) ou micro-onde (MW-PECVD pour Micro Wave PECVD). Le couplage entre la source d’énergie et le milieu réactionnel peut être de type capacitif, inductif (plasma ICP) ou avoir lieu par résonance électronique cyclotron (plasma ECR pour Electron Cyclotron Resonance).

− CVD assistée par laser

Le substrat est irradié par un faisceau laser qui augmente sa température en surface. Des combinaisons de ces modes d’apport énergétique sont aussi possibles.

Le choix de l’une ou l’autre de ces techniques ne détermine pas à lui seul la morphologie des couches carbonées élaborées. Cependant, on peut distinguer deux classes de techniques qui diffèrent par les morphologies de couches accessibles :

− Les techniques de CVD sans plasma.

Ces techniques de croissance permettent l’élaboration de nanotubes et filaments de carbone en général non alignés. Cependant, un alignement perpendiculaire au substrat est parfois obtenu lorsque la densité de nanotubes ou filaments est élevée : il s’agit d’un effet d’encombrement qui interdit la coexistence de plusieurs directions de croissance [34, 35]. Les longueurs des structures carbonées élaborées par ces techniques sont généralement très distribuées.

− Les techniques de CVD avec plasma.

Les couches carbonées synthétisées par ces techniques sont en général constituées de nanotubes et filaments de carbone verticalement alignés, et ce indépendamment de leur densité. On interprète en général cet effet d’alignement par la présence d’un champ électrique au voisinage du substrat induit par la dissociation des charges positives et négatives du milieu réactionnel ionisé. Cependant, le découplage des influences respectives du champ électrique et de la présence d’espèces chargées électriquement n’est pas clairement élucidé. D’autre part, les longueurs des structures carbonées élaborées par ces techniques sont souvent peu distribuées.

Au-delà du choix de la variante de CVD, le détail du procédé de croissance influence la morphologie du dépôt carboné. En règle générale, les tendances suivantes sont observées :

[34] Lee et al., Chem. Phys. Lett. 312 (1999) 461 [35] Sohn et al., App. Surf. Sc. 197 (2002) 568

− Influence de la température de croissance.

Quel que soit le mécanisme de croissance envisagé, la diffusion du carbone en surface et/ou en volume du catalyseur y joue un rôle central. La diffusion étant thermiquement activé, on s’attend à ce que la température soit un paramètre déterminant pour les structures carbonées synthétisées. En pratique, lorsque la température augmente, la vitesse de croissance et le degré de graphitisation augmentent aussi. Les filaments de carbone sont principalement observés aux basses températures tandis que les nanotubes sont synthétisés aux plus hautes températures ; à températures intermédiaire, les deux types de structure peuvent coexister.

Figure 1-1-5 Influence de la température sur la structure des dépôts carbonés On peut remarquer que cette tendance est inverse à celle concernant l’effet de la réactivité du gaz précurseur suggérant une quantité de défauts cristallins augmentant avec la vitesse de croissance. On peut voir dans cette contradiction apparente les effets respectifs de la cinétique de l’étape d’apport de carbone par dissociation du précurseur et de celle de l’étape de transport du carbone par diffusion (Cf. paragraphe 1.1.2.1). Les conditions cinétiques favorables à un degré élevé de graphitisation incluent donc un apport lent en carbone depuis la phase gazeuse et une diffusion rapide de celui ci sur/dans le catalyseur. En toute rigueur, l’effet décrit ci dessus ne s’applique qu’aux cas où l’étape de diffusion est cinétiquement limitante.

− Influence du temps de croissance

Les durées de croissance reportées dans la littérature varient de quelques secondes à plusieurs heures. La croissance étant un processus stationnaire, la longueur moyenne des nanotubes et filaments de carbone augmente lorsque le temps de croissance augmente [14,36]. Cette tendance est cependant limitée par la durée de vie du catalyseur qui peut toutefois être allongée en associant au gaz précurseur un gaz ayant une action gravante vis à vis du carbone (Cf. ci-dessous). L’augmentation du temps de croissance au-delà de cette durée de vie n’a d’effet éventuel que sur la quantité de carbone non catalytique déposé [37].

− Influence de la pression

Les domaines de pression totale utilisés pour la croissance catalytique de nanotubes et filaments de carbone varient beaucoup : de quelques dixième de mbar jusqu’à la pression atmosphérique. D’un point de vue thermodynamique, la pression totale peut déplacer l’équilibre de la réaction catalytique de décomposition du gaz carboné lorsque le nombre

[36] Lee et al., Chem. Phys. Lett. 341 (2001) 245 [37] Emmeneger et al., Carbon 41 (2003) 539

Filaments

Défauts cristallins

Température

de moles de réactifs en phase gazeuse est différent du nombre de moles de produits en phase gazeuse.

Les études réalisées aux plus hautes pressions mettent généralement en œuvre une dilution du gaz précurseur, lorsqu’il est très réactif comme l’acétylène, dans un gaz porteur inerte de telle sorte que la pression partielle du gaz carboné se situe souvent dans la gamme allant de 0,01 à 100mbar. Pour les plus faibles pressions partielles de gaz précurseur, l’étape d’approvisionnement du catalyseur en carbone peut devenir cinétiquement limitante [38] dans le processus global de croissance et favoriser ainsi la cristallinité des structures formées au détriment des vitesses de croissance. D’après [14], dans des conditions courantes de croissance par CVD thermique, ce seuil est atteint pour une pression partielle de précurseur de 0,02mbar.

− Influence des gaz diluants

Outre la diminution de pression partielle du gaz précurseur évoquée ci dessus, la présence d’un gaz diluant dans le milieu réactionnel peut, selon sa nature, impacter la morphologie du dépôt carboné. L’hydrogène, l’azote, l’ammoniac ou la vapeur d’eau sont principalement utilisés comme gaz diluant. Plusieurs effets possibles de ces gaz sur le dépôt carboné ont été proposés :

 gravure du carbone permettant d’une part de modérer l’apport de carbone au catalyseur et d’allonger ainsi sa durée de vie et, d’autre part, de compenser la formation éventuelle d’un dépôt carboné non catalytique [2,39,40].

 lorsque le gaz diluant est un produit de la décomposition du précurseur carboné (H2

pour les hydrocarbures), sa présence en tant que gaz diluant peut déplacer l’équilibre de la réaction de décomposition.

− Influence d’un pré procédé

Un pré procédé peut permettre de placer le catalyseur dans un état particulier favorable à la croissance de nanotubes et filaments de carbone, juste avant que celle-ci ne débute. De multiples pré-procédés ont été proposés mais ils ont en général pour objet de :

 permettre ou favoriser l’organisation du catalyseur sous forme de nanoparticules,  réduire le catalyseur afin de le rendre actif dès les premiers instants de la croissance.

[38] JM Bonard et al., APL 81 (2002) 2836 [39] Kim et al., Nanoletters 2 (2002) 703 [40] K Hata et al., Science 306 (2004) 306

1.1.4. Choix technologiques pour l’intégration des nanotubes et filaments de