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La régularité de la rotation des meules semble avoir été l’un des soucis principaux des meuniers (Belmont, 2006 :44). Le moulin hydraulique était pour ce faire l’une des méthodes la plus évidente à réaliser. Cependant, bon nombres de régions d’Islande, si elles ne manquent d’eau à proprement parler, manquent de cours d’eau, le terrain

étant trop perméable -pensons à ces champs de lave couvrant des régions entières-, ou sont trop près de glaciers pour que les cours d’eau à disposition soient réellement exploitables, trop imprévisibles. Par contre, l’Islande a du vent, régulier, abondant, et toute l’année. Un seul inconvénient au paradis d’Eole, il n’y a pas de bois… et de bois, il en faut pour ce type de construction ! Il n’existe pas beaucoup d’informations concernant les moulins à vent et leur introduction dans le pays. Certainement n’apparaissent ils pas avant le XIXe siècle. Le premier est sans doute celui de Hollavellir, sur la colline de Reykjavik, construit en 1830. Le dernier meurt avant la Seconde Guerre mondiale. Plus encore que les moulins hydrauliques, ils témoignent

de l’urbanisation naissante.

Ne nous emballons pas : la plupart des moulins à vent d’Islande restent de construction rudimentaire. Pourtant, même simplifiés de la sorte, ils n’en restent pas moins des mécaniques plus complexes à réaliser et à maîtriser que leurs cousins amphibiens (Belmont, 2006 :36). Nous en avons dénombré 41, répartis sur les régions côtières du territoire. Là encore, le Nord du pays est mieux fourni : les Norðurþing semblent l’avoir adopté, tout comme les Vestfirðir ou encore la péninsule « élargie » de Reykjanes, c'est-à-dire non pas ses frontières politiques mais ses frontières géologiques : le champ de lave part de Keflavik pour mourir aux abords du centre ville de Reykjavik. Les premières agglomérations du pays semblent avoir de préférence opté pour cet outil plutôt que pour son ancêtre hydraulique. On les retrouve ainsi dans Reykjavik et Hafnarfjörður, Isafjörður, Akureyri ou encore Eskilfjörður dans les fjords de l’Est, première station baleinière du pays et port d’attache traditionnel.

Voyons rapidement comment ces mécaniques ailées fonctionnent. Oublions les moulins hollandais, ici il s’agit plus de cages à meules, fidèle réplique des cabanons de jardins vus plus haut, montées sur pilotis afin de pouvoir suivre la direction des vents. Le seul exemple dont nous disposons pour étudier la structure est le moulin de Vigur, dans Isafjörður, rénové dans les années 1970 par son propriétaire. Difficile d’accès, parce que perdu sur une des îles composant l’archipel du fjord, le moulin n’est accessible qu’en bateau. Encore faut-il trouver quelqu’un qui vous y emmène. Le schéma ci-contre, ainsi que l’image suivante ont été réalisés par Hördur Agustsson en 1962 (voir la lettre 4804, l’article de Guðjónsson Odd., 1998, et Beenhakker, 1976). C’est par ce biais que nous étudierons les particularités de cette construction. Toute la structure repose sur l’axe principal, central et

illustration 25 : Moulin à vent de Vigur

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vertical nommé le pivot. Ce tronc sert à la rotation du bâtiment en fonction de l’axe des vents du jour. La structure accueillant ce tronc diffère selon la taille générale du bâtiment. Les édifices de taille réduite, comme la quasi-totalité des moulins islandais, à l’exception nous allons le voir, du moulin hollandais de Reykjavik, sont bâtis selon cette structure. La base du moulin accueille et supporte le tronc qui permet de mettre les ailes face au vent. Ce tronc est lié aux ailes par un axe horizontal semblable aux arbres de transmission des moulins hydrauliques à roue verticale. A cette poutre est liée un rouet identique lui aussi munis d’alluchons, ces crans dentés qui actionneront la lanterne et enfin le catillus. Ici, la simplicité de la mécanique implique que la vitesse de rotation des meules ne devait pas être réglable. Cet inconvénient peut avoir eu un impact sur la qualité de la mouture. Le maître sommier ici n’est pas si imposant que ses frères du continent : l’édifice est si léger que la rotation reste aisée, même en n’utilisant qu’une simple poutre servant plus à la stabilisation même du moulin, grâce à un chevalet fixé dans le sol, qu’à la rotation pure. La lithographie suivante représentant le moulin d’Hollavellir à Reykjavik fait état de ce maître sommier. C’est ce modèle de moulin-pivot qui prévaut dans tout le pays : moins cher à construire et plus simple à utiliser, il s’adapte parfaitement aux besoins relativement réduits des populations locales.

Il n’y a que très peu d’informations concernant ces moulins. Pour tout dire, si certains articles citent leur présence, seul Beenhakker leur consacre un véritable article. Cependant, fondant pourtant comme nous son étude sur les lettres et interview de 1976, il ne s’attarde que sur seize moulins. Selon lui, il n’en existe pas d’autre. Cependant, il est fort possible qu’il n’ait pas à l’époque reçu toutes les informations nécessaires, l’inventaire n’étant alors peut-être pas complet. Rappelons-nous en effet qu’il ne décompte pas plus d’une centaine de moulins à eau. Ce qui ressort néanmoins de l’état des connaissances actuelles, c’est l’existence certaine de quarante et un moulins situés sur la carte reproduite en conclusion de cette partie. Les chiffres indiqués correspondent à la légende donnée ci-dessus :

1. Eskilfjörður, Suður-Múlasýsla 2. Reynihlíð, Suður-Þingeyarsýsla 3. Láxamýri, Suður-Þingeyarsýsla 4. Bitrufjörður, Strandasýsla 5. Kollafjörður, Strandasýsla 6. Vígur, Norður-Ísafjarðarsýsla 7. Ísafjörður, Norður-Ísafjarðarsýsla 8. Flatey, Austur-Barðarstrandarsýsla 9. Svefneyar, Austur-Barðarstrandarsýsla 10. Kinnarestaðir, Austur-Barðarstrandarsýsla 11. Raudseyar, Dalassýsla 12. Staðarfell, Dalassýsla 13. Stykkishólmur, Hnappadalsýsla 14. Hóllavellir, Reykjavík 15. Hafnarfjörður, Reykjanes 16. Bakarabrekka, Reykjavík 17. Skeggjastaðir, Árneysýsla 18. Reykjahlíð, Suður-Þingeyjarsýsla 19. Grjótnes, Norður-Þingeyjarsýsla 20. Blikalón, Norður-Þingeyjarsýsla 21. Skinnalón, Norður-Þingeyjarsýsla 22. Ásmundarstaðir, Norður-Þingeyjarsýsla 23. Raufarhöfn, Norður-Þingeyjarsýsla 24. Leirhöfn, Norður-Þingeyjarsýsla 25. Árnanes, Norður-Þingeyjarsýsla 26. Núpur, Norður-Þingeyjarsýsla 27. Núpur, Norður-Þingeyjarsýsla 28. Núpur, Norður-Þingeyjarsýsla 29. Fnjóskadalur, Eyjafjarðarsýsla 30. Hólar, Eyjafjarðarsýsla 31. Hátún, Eyjafjarðarsýsla 32. Bakki, Eyjafjarðarsýsla 33. Grímsey, Eyjafjarðarsýsla 34. Helluland, Skagafjarðarsýsla 35. Þórkelshóll, Vestur-Húnavatnssýsla 36. Eyjar, Strandasýsla 37. Finnborgastaðir, Strandasýsla 38. Hvilft, Vestur-Ísafjarðarsýsla

39. Króksfjarðarnes, Austur Barðarstrandarsýsla 40. Auðnasel, Reykjanes

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illustration 28 : Vue générale de Reykjavik en 1860

Les seize premiers numéros correspondent à la numérotation de Beenhakker. Ils sont également les seuls sur lesquels nous ayons quelques informations à donner. Tous naissent dans la première moitié du XIXe et meurent dans la seconde, à part pour les plus urbains d’entre eux, que nous avons cités plus haut, et qui survivent jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Seuls deux semblent avoir été pourvus de fondations en pierres : celui de Höfði et celui de Bakarabrekka. Ils correspondent de plus tous deux aux agglomérations les plus importantes, aujourd’hui encore, du pays. Ils côtoient parfois dans une agglomération des moulins hydrauliques, mais ne les détrônent pas. A Reykjavik pourtant, ils deviennent symbole d’urbanisme.