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Langue de formation en I.U.T

1.4 Approche de la recherche

1.4.3 Motivation et attitudes

En premier lieu, il convient de souligner l’importance extrême de la motivation dans le processus d’apprentissage de L2. Zoltán Dörnyei l’affirme dès le début de son chapitre concernant la motivation par ces mots :

It is easy to see why motivation is of great importance in SLA7: it provides the primary impetus to initiate L2 learning and later the driving force to sustain the long and often

tedious learning process; indeed, all the other factors involved in SLA presuppose motivation to some extent. (2005 : 65)

Pour lui, la motivation va initier le processus d’apprentissage de L2, puis le conditionner dans une certaine mesure, tous les autres facteurs d’apprentissage lui étant, pour ainsi dire, subordonnés.

Il étudie dans ce même ouvrage l’évolution de la recherche concernant la motivation en L2 et distingue trois périodes principales à partir des années 1960. La première période, dite psychologico-sociale, se définit surtout par les travaux de Gardner et Lambert (1959) au Canada. Ces chercheurs distinguent deux orientations: une motivation d’intégration et une motivation instrumentale. Ainsi, selon eux, la motivation intégrative caractérise une motivation visant une intégration au sein d’une communauté ou une intégration sociale au sein d’un groupe. La motivation instrumentale apparaît comme une motivation visant l’acquisition d’un nouvel emploi ou le gain d’un meilleur salaire.

Certes, il s’agissait de l’étude d’une langue seconde et du cas particulier du Canada mais les conclusions furent les mêmes pour les contextes d’apprentissage d’une langue étrangère dans une classe européenne, comme le montre Marion Williams (1994). Elle souligne également l’impact de l’apprentissage d’une langue étrangère en ce qui concerne la dimension sociale de l’apprenant. Dans la motivation sociale, il s’agit de la micro-perspective, qui concerne la perception de l’apprenant. La macro-perspective, quant à elle, concerne la société et l’environnement où la langue est apprise. Ceci est très significatif et directement lié à l’usage de la langue étrangère au sein d’un pays ou d’une région. Ainsi, par exemple, nous verrons le rôle du contexte toulousain et du pôle de compétitivité Aerospace Valley dans la motivation des apprenants et des techniciens.

La seconde période mentionnée par Dörneyi (2005) se place pendant les années 1990. Elle est liée aux théories cognitives et à la psychologie de l’éducation. Les chercheurs s’intéressent à la motivation en lien avec les différents pôles de la situation d’apprentissage de la classe, à savoir l’enseignant, le programme et le groupe des apprenants.

Dans ces années 1990, la théorie d’auto-détermination (Self-determination theory, STD) proposée par Deci & Ryan (1985) s’intéresse à la motivation intrinsèque et à la motivation extrinsèque. Avec la motivation intrinsèque, le comportement est adopté pour lui-même dans le but d’en ressentir du plaisir et de la satisfaction, comme la joie de réaliser une activité particulière ou de satisfaire sa curiosité. Avec la motivation extrinsèque, le comportement est adopté comme un moyen vers une fin, dans le but de recevoir une récompense extrinsèque (des notes, par exemple)

Dans leur théorie d’auto-détermination, Deci et Ryan dessinent une ligne continue entre motivation auto-déterminée (intrinsèque) et motivation contrôlée (extrinsèque). L’emphase est mise sur l’autonomie de l’apprenant. Ushioda (1996) exprime clairement ceci en écrivant que tous les apprenants autonomes d’une langue sont par définition des apprenants motivés. Une autre catégorie de motivation entrant dans la théorie de l’auto-détermination est l’a-motivation, l’absence de motivation auto-déterminée chez l’individu. Il s’agit d’un manque de motivation causé par la réalisation par l’apprenant qu’« il n’y a pas besoin de … », voire l’impression de perte de temps avec l’apprentissage d’une L2.

Enfin, la troisième période mentionnée concerne les années 2000. Elle se caractérise par l’intérêt porté au processus de la motivation lui-même et aux changements qui peuvent se produire. Pour Dörneyi et Otto (1998), la motivation peut être définie dans un sens général comme :

the dynamically changing cumulative arousal in a person that initiates, directs, coordinates, amplifies, terminates, and evaluates the cognitive and motor processes whereby initial wishes and desires are selected, prioritised, operationalised, and (successfully or unsuccessfully) acted out. (65)

Dörnyei insiste sur la dimension temporelle de la motivation. Elle est considérée comme une entité dynamique, (a dynamic entity) (Dörnyei, 2001 : 41) qui varie avec le temps, pendant le cours même d’une activité ou au cours de la vie.

Dans cette thèse, nous serons amenées à effectuer une étude de la motivation des apprenants dans notre département d’IUT. Nous tenterons de définir, si la motivation existe, de quelle motivation il s’agit et d’étudier son évolution lors des études à l’IUT. Françoise Causse (1973) a étudié l’évolution de la motivation dans les secteurs secondaires d’IUT. Elle nous transmet des témoignages d’enseignants concernant la motivation des étudiants, peu après la création des IUT. Les enseignants se plaignent que les étudiants « considèrent qu’ils n’ont pas de temps pour les langues », que « l’anglais n’est pour eux qu’une matière très secondaire » ou « quasi-facultative ». Elle cite un enseignant d’anglais de l’IUT de Grenoble :

Le problème essentiel semble être celui de la motivation : les étudiants n'ont pas tous conscience du besoin de connaître l'anglais pour être technicien. Ils ont besoin d'une certaine moyenne, à la fin de l'année, moyenne à laquelle l'anglais ne participe que très faiblement. On remarque donc à partir de février un désintérêt quasi-général. (1973 : 2) La motivation des apprenants apparaît à travers ce témoignage comme majoritairement extrinsèque : seule la note les intéresserait, et encore. Les coefficients accordés à la formation générale et à l’anglais n’atteignaient qu’un total de six, par rapport à onze pour les matières scientifiques (id. : 8). Dans le PPN 2013, l’Unité d’Enseignement 3 (UE 3) regroupe les « Compétences transverses », dont les mathématiques et l’anglais à même

coefficient au premier semestre. Cette UE 3 est équilibrée, au niveau des coefficients, avec les deux autres UE : « Concevoir » (UE 1) et « Industrialiser et Gérer » (UE2). Ceci indique une prise en compte de l’importance de l’anglais, au sein du domaine de génie mécanique et devrait contribuer à accroître la motivation extrinsèque des apprenants.

1.4.4 Communication

Nous reprenons ici les principales étapes modernes des théories dites « techniques » de la communication, utiles pour notre recherche. Philippe Breton et Serge Proulx indiquent que celles-ci « servent à décrire, et éventuellement à améliorer les processus de communication » (1989/2006 : 10).

D’un point de vue historique, nous ne pouvons manquer de citer l’influence d’Aristote. Roland Barthes, dans un article sur l’ancienne rhétorique, écrit : « Aristote conçoit le discours (l’oratio) comme un message et le soumet à une division de type informatique »

(1970 : 179), soit avec un émetteur, un récepteur et un message. Il poursuit en notant que le livre I de la Rhétorique est lelivre de l’émetteur, le livre II celui du récepteur du message et le livre III celui du message lui-même. Aristote apportait donc ainsi une des premières théories de la communication.

Dans la première partie de son livre, Anthropologie de la communication, Yves Winkin (1996/2001) présente deux conceptions de la communication : la conception « télégraphique », et la conception « orchestrale ». Claude Shannon et Warren Weaver développèrent aux Etats-Unis dans les années cinquante ce qu’Yves Winkin appelle le « modèle télégraphique », qui fut bâti à partir des « recherches menées sur le fonctionnement du télégraphe avant et pendant la Seconde Guerre mondiale » (id.: 25). Winkin indique qu’ils décrivent la « transmission d’un message d’un sujet A vers un sujet B » (id. : 28). En fait, quatre parties distinctes sont considérées : l’émetteur et le récepteur reliés par un canal de diffusion, et le message.

Le schéma est le suivant :

Figure 5 Conception « télégraphique » de la communication d’après le modèle de Shannon et Weaver(1949)

Emetteur Récepteur

Message

La rétroaction (feedback) est empruntée à la cybernétique développée par Norbert Wiener (1948). Puis, le modèle « orchestral » apparaît, avec la métaphore de diverses personnes, divers instrumentistes jouant une partition commune. Au début des années 1950 et durant une vingtaine d’années, des chercheurs de l’école de Palo Alto travaillèrent autour d’une théorie de la communication et des relations interpersonnelles. Les travaux de Gregory Bateson, repris par Paul Watzlawick et ses collègues, offrirent un cadre à leurs recherches. Une des affirmations de base est qu’il est impossible de ne pas communiquer, lorsque l’individu n’est pas seul, même dans le silence ou le manque d’activité. Le rapport entre contenu et relation du message est également étudié, avec la prépondérance de la relation sur le message (id., 58-61).

Roman Jakobson décrivit les six fonctions du langage : référentielle (contexte), expressive (destinateur), poétique (message), conative (destinataire), phatique (contact) et métalinguistique (code) (1963 : 209-248). Mais l’école de Palo Alto le critiqua à cause de la linéarité de son schéma de communication, « allant de l’émetteur au récepteur, sur le modèle du télégraphe ». (Philippe, 2008 : 77)

Edgar Morin, quant à lui, a précisé « l’enjeu humain de la communication » (1998/2008). Nous communiquons avec un objet précis, écrit-il, « pour informer, s’informer, connaître, se connaître éventuellement, expliquer, s’expliquer, comprendre, se comprendre » (21).

Dans le domaine qui nous concerne, à savoir l’apprentissage et l’utilisation de la L2, le CECRL précise le but de l’acte de communication pour l’utilisateur de la langue L2 :

Un utilisateur de la langue s’engage dans un acte de communication avec un ou plusieurs interlocuteurs afin de répondre à un ou des besoins dans une situation donnée. (2001 : 46) Nous pouvons représenter ce but, ce contexte, par la figure suivante :

Figure 6—Contexte de l’acte de communication pour l’utilisateur de la langue L2,

Situation

Besoins

Une recherche portant sur les quatre paramètres encadrés va guider nos recherches en entreprise et nous permettre de filer la trame de nos entretiens.

Chapitre 2

Anglais, langue de travail dans les