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Lieu de travail

3.2 Méthodes de collecte des données

3.2.2 Analyse qualitative

Nous avons également effectué une analyse qualitative. Elle s’est composée d’entretiens semi-directifs et d’observation non participante.

Les analyses quantitatives et qualitatives ont eu lieu de façon parallèle dans les deux lieux, IUT et entreprise. Nos enquêtes par entretien ont eu lieu pour trois usages différents : une enquête exploratoire, une enquête par entretien à usage principal et une enquête par entretien à usage complémentaire (Blanchet & Gotman, 1992/2007).

Le monde de l’université nous étant familier, nous avons concentré nos efforts, au début de la recherche, sur la découverte d’un monde qui l’était moins, celui de l’entreprise. Les premiers entretiens ont été des entretiens exploratoires, notamment auprès de chefs de départements ou de responsables d’entreprise. L’entretien débutait souvent par une assez longue introduction informative de leur part, visant à présenter leur entreprise et son évolution dans le monde actuel, ou bien brossant un plus large tableau de l’utilisation de l’anglais dans

les entreprises aéronautiques françaises. Ces introductions, fort utiles, nous ont permis une familiarisation avec la terminologie de l’entreprise, comme les nombreux acronymes du domaine, ainsi qu’une meilleure compréhension du milieu. Ainsi, nos interviewés, comme par une entente tacite, débutaient l’entretien en balisant le terrain. Cette initiation au « parler métier » (Daphy, 1994) fut primordiale. Elaine Daphy, dans ses recherches en ethnologie, concernant le milieu des musiciens professionnels en France, a souligné l’importance du « parler métier », qui rend la compréhension et la communication entre informateur et chercheur effective :

Parler métier, procéder par allusions hermétiques aux étrangers, fait partie du savoir initiatique qui intègre au groupe ; il permet de montrer que l’on fait partie de la grande famille de ceux qui font le métier.(Daphy & Raveyre, 1988)

Davantage qu’un simple jargon, plus qu’un simple outil de communication, le parler métier renvoie également à la culture du groupe, aux communautés de discours mentionnées au premier chapitre.

En second lieu, à partir de ces premiers entretiens et de nos lectures, nous avons pu élaborer le modèle de TUPL2 afin de dégager une trame, pour les entretiens suivants. Comme l’indiquent Alain Blanchet et Anne Gotman (1992/2007), « l’entretien est rencontre […] Il s’agit d’un processus interlocutoire et non pas simplement d’un prélèvement d’information ». Ils ajoutent : « l’entretien est parcours », avec la nécessité d’intégrer la situation d’interaction, puis :

la présence de cette interaction et sa portée heuristique, ou productive, est ce qui constitue l’originalité même de l’entretien dans les sciences sociales. De ce point de vue, l’entretien s’est toujours défini par opposition avec le questionnaire. (1992/2007 : 43)

En troisième lieu, dans le cas d’anciens étudiants, l’enquête par entretien fut postérieure à l’enquête par questionnaire et fut donc à usage complémentaire à l’enquête. Alain Blanchet et Anne Gotman précisent :

Le recours à l’entretien sert dans ce cas à contextuer les résultats obtenus préalablement par questionnaire, observation ou recherche complémentaire. Les entretiens complémentaires permettent alors l’interprétation de données déjà produites. (ibid.) Dans tous les cas d’entretiens, nous avons pris en compte les trois paramètres mentionnés par Alain Blanchet et Anne Gotman, à savoir :

l’environnement matériel et social, le cadre contractuel de la communication, et les interventions de l’interviewer.

Le rôle de ces trois paramètres tient au fait que l’entretien est toujours un rapport social, une situation d’interlocution et un protocole de recherche. (id. : 67)

Pour ce qui est du premier paramètre, la grande majorité de nos entretiens s’est déroulée sur le terrain, dans les différentes entreprises. L’autre cas est une rencontre de

deux forums organisés au département GMP de notre IUT, permettant aux étudiants de rechercher des stages ou de prendre des contacts avec les entreprises. Dans tous les cas, nous avons tenu à des entretiens face-à-face et n’avons pas eu recours aux enquêtes par téléphone ou par visio-conférence ; ceci avec une volonté d’aller physiquement au cœur du problème, sur le terrain. Toutes proportions gardées, notre enquête s’est apparentée à une enquête ethnologique de terrain.

La durée de chaque entretien a varié en général de vingt minutes à environ une heure, selon la disponibilité des informateurs. Ils se sont tous déroulés dans un bureau privé ou une salle de réunion de l’entreprise, dans une salle de classe ou un bureau pour l’IUT, afin d’assurer la plus grande liberté de parole et la plus grande discrétion par rapport aux collègues de travail. Alain Blanchet et Anne Gotman indiquent : « dans son bureau, l’interviewé s’inscrit davantage dans un rôle professionnel qui facilite la production d’un discours soutenu et maîtrisé sur des modes opératoires » (id. : 68).

Pour le second paramètre concernant le cadre contractuel de la communication, « l’interviewer doit annoncer à l’interviewé les motifs et l’objet de sa demande, et garantir la confidentialité de l’entretien » (id. : 73). Nous avons pris contact avec les informateurs, soit par téléphone soit par courrier électronique, notamment par l’intermédiaire de l’Association des anciens de GMP (AEGM) et de l’annuaire des anciens étudiants publié chaque année. Nous avons également pris des contacts lors de deux tables rondes, ayant lieu chaque année avec des anciens élèves venant témoigner de leur expérience, ainsi que lors des deux forums mentionnés précédemment (où là, nous avons effectué de courts entretiens). Chaque fois, nous avons précisé les motifs de notre demande d’entretien. Ensuite, au début de chaque entretien, nous avons garanti l’anonymat.

De plus, nous avons demandé l’autorisation d’enregistrer au début de chaque entretien, le dictaphone étant visible sur la table, concrétisant ainsi « dans la relation duelle une présence tierce, et qui donne à l’interlocution une dimension d’exception » (Blanchet & Gotman, op.cit : 74). Jean Bazin & Alban Bensa, cités par Jean Copans (1999/2008 : 59), mentionnent que « toute ethnologie est d’abord une ethnographie. On commence par un travail de notation des paroles entendues, par une véritable mise en textes de la culture considérée » (1979 : 14). Ainsi, nous avons retranscrit tous nos entretiens, puis les avons classés et répertoriés. Ces transcriptions se trouvent dans les annexes.

Le troisième paramètre mentionné par Alain Blanchet et Anne Gotman concerne les modes d’intervention de l’interviewer, avec tout d’abord la stratégie d’écoute :

L’activité d’écoute de l’interviewer n’est pas assimilable à un acte d’enregistrement de données, elle est productrice de significations : elle met en œuvre des opérations de sélection, d’inférence, de comparaison par rapport aux objectifs de l’entretien. Elle est donc une activité de diagnostic. (id. : 76)

Ainsi, dans l’écoute d’une réponse, se prépare la question suivante. L’interviewer a recours à différentes stratégies d’interventions, résumées par les auteurs, en techniques de contradiction, de consignes et de relances.

Ensuite, nous avons effectué des analyses d’entretien sous l’une des deux formes suivantes, selon l’informateur et le contenu de l’entretien :

- l’analyse individuelle ;

- l’analyse thématique, pour laquelle nous avons élaboré une grille d’analyse et regroupé les renseignements par thème afin de pouvoir procéder à une triangulation. Pour ces entretiens, nous n’avons pas eu recours à une analyse textuelle par logiciel, de façon systématique car dans notre cas, la fréquence des mots n’est pas un facteur discriminant ; la fréquence des thèmes peut être modifiée par les relances lors des entretiens, par exemple. En revanche, les occurrences ont été étudiées.

Nous faisons nôtres les principes donnés par les auteurs, concernant l’analyse de contenu :

De manière générale, une analyse de contenu doit pouvoir rendre compte de la quasi-totalité du corpus (principe d’extension), être fidèle (ce qui est vérifiable par le multi-codage) et auto-suffisante (sans retour nécessaire au corpus). (93)

En plus des entretiens, nous avons pu visiter les entreprises concernées et mieux comprendre le travail effectué ; cette étape avait également son utilité car elle montrait notre implication, notre besoin de comprendre les situations de travail. L’acceptation de notre présence y a été ainsi facilitée. Il fallait briser notre image d’enseignante ; cette fois, nous étions nous-mêmes, parfois, en position d’apprenante. Une fois notre présence comprise et acceptée, nous avons pu assister à des téléconférences et un audit qualité. Dans ces cas-là, les autres participants étaient toujours informés de notre présence et tout enregistrement était exclu, pour cause de confidentialité. Les notes revêtaient alors toute leur importance. Anne-Marie Arborio et Pierre Fournier préconisent de « laisser se mêler différents types de notes » (1999/2008 : 59), des notes descriptives, des notes prospectives ainsi que des notes d’analyse. Malgré tout, dans notre cas, ces notes sont demeurées éparses et trop rares. Nous préférons donc considérer cette observation non-participante comme une initiation, nos premiers pas dans le monde de l’entreprise.