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Morphologies d’endommagement

CHAPITRE I INTERACTION LASER-MATIERE EN REGIME ULTRA-COURT

F. Endommagement des couches minces optiques, état de l’art

4. Morphologies d’endommagement

échantillons peuvent causer une surintensification locale du champ ainsi que l’introduction de sous niveaux dans la bande interdite influant sur la valeur du seuil.[131, 132]

La formation de couches organiques additionnelles à la surface causée par un mauvais nettoyage peut constituer une autre source de dispersion. Cependant, son influence semble absente du régime femtoseconde.[19] Outre le problème de l’échantillon, les différentes méthodes de détection employées conduisent à différents critères de l’endommagement, compliquant ainsi la comparaison entre laboratoires. L’étalonnage des moyens de caractérisation de l’impulsion laser (énergie, surface) peut causer un décalage important entre les valeurs issues de différents bancs d’endommagement.

Il est d’autant plus difficile de comparer les seuils obtenus avec les couches minces pour lesquelles interviennent un très grand nombre de paramètres supplémentaires (monocouche ou multicouche, design, épaisseur, techniques de dépôt). Le Tableau I-1 répertorie les résultats des différentes études menées sur monocouche. Outre leur nombre restreint, ces études différent par leurs paramètres de test. Seule l’étude menée par Mero et al permet une comparaison exacte de différents matériaux. Par ailleurs on constate que la technique de dépôt employée majoritairement est la pulvérisation par faisceau d’ion IBS (Ion Beam Sputtering).

4. Morphologies d’endommagement

Les morphologies d’endommagement constituent des indices précieux, permettant d’apporter des indications quand aux processus mis en jeu lors de l’interaction laser-matériau.

Les études portant sur la morphologie d’endommagement et d’ablation en régime femtoseconde sont peu nombreuses.[53] À l'aide de faisceaux fortement focalisés (NA = 1,6), des impacts avec un diamètre pouvant atteindre 20 nm ont été produits avec des impulsions laser uniques à une longueur d'onde de 527 nm près du seuil d'ablation de la silice.[94] La morphologie de l'ablation, observée par le biais d’un microscope électronique après dépôt d’or, s'est avérée être hautement reproductible, et est caractérisée par un faible bourrelet et un minimum de débris entourant le cratère.[94] Par ailleurs, l’ablation de la silice amorphe a été étudiée en focalisant le faisceau laser en face avant et arrière. [94, 133] La morphologie de l'ablation s'est avérée être significativement meilleure lorsque le laser est focalisé en face arrière de l’échantillon, avec une moindre quantité de débris déposés autour des cratères, des bords plus nets, et une plus petite taille de dommage atteignable.[133] En plus de cratères d'ablation, des « micro-vides » ont été créés lorsque le point focal est situé 2 à 4 μm sous la surface de l'échantillon, produisant ainsi des bulles à la surface.[133] Un exemple de dommage réalisé sur silice est présenté en Figure I-23.

L'analyse AFM de cratères à haute-fluence (5 fois le seuil), obtenus avec une impulsion unique sur verre borosilicaté en face avant, révèle un cratère à fond lisse, entouré d'un anneau, à l'extérieur duquel de fines lanières de matière fondue sont présentes et s'étendent en dehors de la zone d'ablation.[134] La hauteur du bourrelet augmente avec l’augmentation de la fluence laser et a été attribuée à la formation d’une fine couche liquide de matière qui, durant l’interaction, s’étire depuis le centre vers le bord du cratère d'ablation, suivie par une re-solidification de la matière au niveau de l’anneau.[134]

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La morphologie pour une impulsion unique a également été étudiée pour les couches minces diélectriques,[135, 136] semi-conductrices [137, 138] et métalliques [139] déposées sur différents substrats. Comme avec les matériaux massifs, une gamme variée de morphologies d'ablation ont été observées en fonction de la fluence laser incidente. Pour des fluences près du seuil d'ablation, un gonflement ou déformation du film a été observé pour tous les matériaux,[135, 137, 140] le film se déformant en raison d'un changement de phase [137] ou disparaissant du substrat en raison d’un délaminage local.[135, 140] Un exemple de dommage réalisé sur un diélectrique est donné en Figure I-23.

Pour des fluences laser appropriées les films minces sont éliminés de la surface du substrat et ce pour tout type de matériau. Lorsque le seuil d'ablation du film est inférieur à celui du substrat, l’impulsion laser permet d’éliminer le film sans endommager le substrat (pour un tir unique [139] et multi tirs [11, 141] ). Lorsque le seuil l'ablation du film est supérieur ou similaire à celui du substrat, le laser induit généralement un décollement du film s’accompagnant d’un endommagement du substrat (pour un tir unique [135] et multi tirs [142]) bien que dans certains cas, les dégâts du substrat soient limités pour des conditions laser appropriées [135]. Ce constat est aussi valable pour les composants multicouches. L’observation du cratère permet ainsi de dénombrer le nombre de couches présentes, celles-ci pouvant être éliminées du substrat sans l’endommager (cf. Figure I-24).[11] Il est à noter que différentes structures d’empilement impliquent des morphologies différentes.[91]

Figure I-23 : (1) Image SEM d’un dommage monotir réalisé sur silice.[143] (2) Image MEB d’un dommage

réalisé sur une couche de PMMA déposée sur un substrat de Tungstène [135]

Une caractéristique commune des morphologies d'ablation produites avec des impulsions laser uniques ou multiples, polarisées linéairement ou circulairement, est la présence de structures de surface périodiques induites par laser (LIPSS) ou des ondulations de surfaces (ripples) dans les cratères d'ablation ou le long des canaux usinés. Ce phénomène est universel.[144, 145] En effet ces ripples caractéristiques ont été observées dans les diélectriques,[146, 147] semi-conducteurs (y compris le silicium) [148, 149], et les métaux.[150] L'amplitude des ripples est typiquement de l'ordre de la dizaine de nanomètres et leur formation se produit perpendiculairement à la polarisation du laser. Des ripples avec une périodicité semblable à la longueur d'onde de l'irradiation laser ont été observées

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(basse fréquence spatiale LIPPS ou LSFL, 80 à 90 % de la longueur d'onde du laser), ainsi que des ripples avec une période inférieure à la longueur d'onde du laser (haute fréquence spatiale LIPPS ou HSFL~ 20 % de la longueur d'onde laser).[147, 148] Une variété de modèles a été proposé pour expliquer la formation de telles structures périodiques de surfaces, incluant ; l’absorption d'énergie inhomogène en raison de l'interférence entre lumière laser incidente et une onde diffusée issue de la rugosité de surface [151], la capture de défaut par solidification rapide de la fonte [152] et l'auto-organisation de la surface à l'état fondu [153]. À la lumière de ces modèles concurrents, le mécanisme de formation des ripples est encore une question ouverte.[148, 154]

En conclusion les impulsions femtoseconde conduisent à la présence simultanée de cratères d'ablation et de morphologies dites de « super surface », incluant des anneaux et protubérances. Les hautes fluences augmentent la variabilité dans la morphologie de l'ablation de tous les matériaux. Les morphologies d'ablation produites sur des échantillons avec des films minces incluent la déformation et un gonflement du film ainsi que l'enlèvement complet de celui-ci pour des fluences laser appropriées. Enfin, des structures de surface périodiques induites par laser (LIPSS) ou ripples peuvent être observées, et sont une caractéristique commune de l'ablation laser pulsée avec un rayonnement polarisé.

Figure I-24 : (1) Image MEB d’un dommage réalisé dans un miroir Ta2O5/SiO2.[11] (2) Image SEM de ripples obtenus sur une couche de TiN, la flèche permet de visualiser l’orientation de la polarisation.[146].

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