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Définition du seuil d’endommagement et procédure de test

CHAPITRE III DEVELOPPEMENT D’UN BANC D’INTERACTION LASER-MATIERE

B. Définition du seuil d’endommagement et procédure de test

L’étude systématique de la tenue au flux laser des composants optiques requiert le suivi de procédures bien définies. Le principe général des mesures consiste à irradier le matériau à différentes fluences et une analyse des zones testées permet de conclure quant à la présence ou non d’endommagements. Deux approches différentes peuvent alors être envisagées : une approche statistique ou une approche globale.

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1. Approche statistique

L’approche statistique consiste à caractériser la tenue au flux des matériaux par leur probabilité d’endommagement en fonction de la fluence (densité surfacique d’énergie) incidente sur l’échantillon. Le caractère statistique des mesures, toujours observé pour les durées d’impulsions nanoseconde, peut être expliqué par la présence de défauts initiateurs de l’endommagement dans le matériau. L’existence d’une distribution aléatoire de centres précurseurs dans le matériau entraîne ainsi une dispersion dans les probabilités d’endommagement obtenues expérimentalement (cf. Figure III-1). La probabilité d’endommagement peut être liée à la probabilité de présence sous le faisceau laser d’un précurseur dont le seuil de claquage est inférieur à la fluence d’irradiation. En régime femtoseconde, le matériau présente un comportement quasi "idéal", la courbe de probabilité d’endommagement se rapproche d’une fonction échelon : il suffit de fournir assez d’énergie pour provoquer un endommagement et ceci quelque soit le site irradié. Malgré cette différence, l’approche statistique est aussi utilisée en régime ultracourt. L’emploi de cette méthode standardisée permet en effet d’établir facilement des comparaisons entre régime nanoseconde et femtoseconde, entre les résultats obtenus par différents laboratoires, mais également dans des cas intermédiaires, notamment le régime picoseconde comme c’est le cas dans nos études.

Figure III-1 : Principe d’une mesure statistique de tenue au flux laser : n sites sont testés pour chaque fluence

(ici n = 10). La probabilité d’endommagement p du matériau est alors donnée par p=k/n avec k le nombre de sites endommagés. Cette approche permet d’obtenir une courbe de probabilité d’endommagement du composant

en fonction de la fluence d’irradiation laser.

1.1. Procédure 1on1

La procédure 1-on-1 est définie par la norme ISO 11254-1.[163] Pour une fluence donnée, n sites indépendants sont irradiés successivement. Chaque site est irradié par un seul tir laser (Figure III-2). Une observation appropriée permet d’identifier chaque site comme endommagé ou non. La probabilité d’endommagement p du matériau à cette fluence est alors calculée par le rapport du nombre de sites endommagés k sur le nombre de sites testés n (Figure III-2). Une courbe de probabilité d’endommagement du matériau peut être obtenue en reproduisant cette procédure pour différentes valeurs de fluence. Ce mode de test est couramment utilisé, car il apparaît comme étant simple à interpréter. En effet, contrairement aux procédures S-on-1 et R-on-1 explicitées ci-dessous, aucun

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"effet mémoire" du matériau n’est sollicité. Ce mode de test est par contre très différent des conditions normales d’utilisation des couches minces optiques.

1.2. Procédure Son1

La procédure S-on-1 est définie par la norme ISO 11254-2 .[164] Comme dans le cas du mode 1-on-1, n sites indépendants sont irradiés pour différentes fluences. En revanche, chaque site est irradié par des tirs répétés à fluence constante jusqu’à endommagement ou jusqu’à ce que le nombre maximal de tirs S soit atteint (Figure III-2). La revue écrite par Chmel met en avant l’effet "mémoire" de certains matériaux vis à vis des tirs laser successifs.[102] L’accumulation de tirs peut fragiliser le composant et induire un claquage à des fluences d’irradiation plus faibles que le seuil obtenu en monocoup. On parle de fatigue du matériau. Le seuil de tenue au flux varie alors avec le nombre de tirs.

Ce mode de test est donc très intéressant pour étudier le comportement de fatigue des matériaux. Il permet en particulier de déterminer le seuil d’endommagement fonctionnel des composants sous tirs cumulés, primordial pour leur utilisation.

Figure III-2 : Représentation schématique de l’énergie vue par un site pour les différentes procédures de test :

1on1, Son1 et Ron1.

1.3. Procédure Ron1

La procédure R-on-1 consiste à irradier sous tirs répétés n sites indépendants avec une rampe d’énergie jusqu’à endommagement (Figure III-2). Chaque site testé donne une valeur du seuil d’endommagement. Ce test permet donc de limiter la taille de la zone testée. Cette méthode est intéressante pour l’étude de composants de petites dimensions. Notons qu’une courbe de probabilité R-on-1 peut également être obtenue par ces mesures en traçant la probabilité d’endommagement cumulée en fonction de la fluence. En revanche, l’interprétation des résultats n’est pas aisée à cause des paramètres supplémentaires mis en jeu (fluence initiale, pente de la rampe de fluence,...). De plus, aucune norme ne définit à ce jour ces paramètres, rendant très difficiles les comparaisons des résultats issus de mesures différentes. Ces paramètres peuvent modifier la tenue au flux laser des composants par des "effets mémoire" du matériau. Sur certains composants, le seuil d’endommagement obtenu peut être supérieur à celui en mode 1-on-1. Cette augmentation du seuil de tenue au flux par

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irradiation laser à des fluences plus faibles que la valeur de seuil est appelé conditionnement laser. Le mode R-on-1 est donc notamment utilisé pour caractériser l’aptitude au conditionnement des matériaux.

Peu de matériaux sont identifiés comme possédant cette propriété. Nous pouvons notamment citer les travaux de Wolfe et al. qui ont conduit au dépôt d’un brevet en 1995 sur le conditionnement d’empilements diélectriques à 1064 nm.[165]

2. Approche globale : Procédure Raster Scan

L’approche globale de la caractérisation de l’endommagement laser consiste à irradier l’ensemble du composant afin de révéler tous les défauts présents. Cependant, dans le cas d’optiques de grandes dimensions, le faisceau laser de test ne peut pas toujours être de taille similaire au composant à tester. Une procédure dite "Raster-scan", schématisée sur la Figure III-3, a été développée pour simuler un faisceau de grande dimension au moyen d’un faisceau plus petit. Elle consiste à irradier de façon quasi uniforme la surface optique par recouvrement de faisceaux laser. Les dommages initiés sont ensuite comptés et associés à la fluence d’irradiation, permettant de représenter la densité de dommages en fonction de la fluence (cf. Figure III-3). Par ailleurs, L. Lamaignère et al. proposent également une mesure statistique permettant d’obtenir des densités de dommages indépendantes de la forme, de la dimension et des fluctuations du faisceau laser de test.[85]

Figure III-3 : Schéma de principe d’une irradiation laser d’un composant optique en mode Raster scan au

moyen d’un faisceau gaussien. Représentation de la densité de dommages en fonction de la fluence.

Cette approche globale a l’avantage de tenir compte de l’ensemble des défauts des composants et en particulier de révéler des défauts présents en très faible densité. Elle permet donc d’obtenir le seuil fonctionnel de tenue au flux laser des optiques. Notons que la mise en place d’une telle procédure n’est pas adaptée ici à l’étude multi-paramètres de différents composants qui sont de petites dimensions. Par la suite, seule l’approche statistique sera utilisée.

Nous avons choisi d’utiliser la procédure 1 on 1 pour tester nos échantillons. L’avantage de cette méthode est qu’elle permet de trouver le seuil d’endommagement d’un échantillon avec une grande précision, tout en évitant les effets d’incubation ou de fatigue qui sont connus pour survenir dans les

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matériaux diélectriques à l’ensemble des différents régimes temporels. Les mécanismes physiques d’incubation peuvent être très différents, dépendants de la durée d’impulsion et du taux de répétition, ce qui rend difficile l’interprétation des données de tenue au flux. L’inconvénient de la technique 1 on 1 est qu’une large quantité de points est nécessaire pour obtenir une bonne précision.