• Aucun résultat trouvé

Fréquence de répétition et effets d’incubation

CHAPITRE I INTERACTION LASER-MATIERE EN REGIME ULTRA-COURT

F. Endommagement des couches minces optiques, état de l’art

2. Dépendance du seuil d’endommagement pour différents paramètres

2.2. Fréquence de répétition et effets d’incubation

Figure I-18 : Seuil d’endommagement en fonction du nombre de tirs pour une monocouche de Ta2O5 sur silice, étude réalisée à 1kHz, 800nm, 30fs. L’ajustement des données expérimentales a été réalisé en utilisant l’équation

de taux électronique (trait continu) et une approximation (trait pointillé). [97]

La dépendance du seuil d’endommagement avec la fréquence de répétition ou le nombre de tirs a fait l’objet de nombreuses études et ce pour différents types de matériau. Il a été démontré que le seuil d’endommagement en régime subpicoseconde pour une exposition à de multiples tirs est plus faible comparé au seuil monotir [11, 64, 93, 97-101], un phénomène nommé parfois effet de fatigue. [102] Le seuil d’endommagement décroit à partir du seuil monotir Fth(1) avec le nombre de tirs M jusqu’à atteindre une valeur de saturation notée Fth(∞), comme l’illustre la Figure I-18.

Deux principaux mécanismes existent pour expliquer cet effet. Une irradiation supplémentaire d’un même site peut provoquer l’apparition de défauts [97] ou une accumulation de chaleur.[103] Considérons ce dernier mécanisme. Lorsque le matériau est irradié par le train d'impulsions laser une source de chaleur est créée au sein du volume focal. La population électronique est accélérée dans un premier temps, puis l'énergie est transférée au réseau. La température du réseau augmente lorsque le taux de répétition des impulsions est suffisamment élevé et lorsque l'intervalle de temps entre les impulsions est inférieur à celui requis pour la diffusion thermique de l'énergie laser absorbée. [104-106]. Plus le matériau est exposé au train d'impulsions, plus la température au foyer est grande et la région thermiquement affectée large. Ce constat est illustré en Figure I-19. L'énergie est accumulée dans le volume focal jusqu'à ce que le point de fusion soit atteint ou que des changements structuraux se produisent localement. L’ébullition, l'évaporation ou l'ablation a lieu si la température continue d’augmenter. La zone modifiée s’étend autour du volume irradié de manière identique à une interaction en régime d’impulsions longues, où les mécanismes d’irradiation et de diffusion thermique sont couplés.[106] Ce mécanisme s’applique aux systèmes femtoseconde non amplifiés, caractérisés par un taux de répétition de plusieurs dizaines de MHz.

41

Figure I-19 : Modélisation de l’élévation de température en fonction du nombre de tirs pour différents taux de

répétition.[106]

Pour les lasers avec un taux de répétition de quelques centaines de kHz, (valeur typique pour un système commercial femtoseconde amplifié), toute l'énergie absorbée par une impulsion est dissipée avant l'arrivée de la suivante.[105] Dans ce cas le mécanisme conduisant à l’endommagement repose sur la génération de défauts photoinduits [98], décrits au Chapitre I D.2.1. Le processus de formation des défauts commence à partir de la création d'excitons, suivie de l'autopiégeage [107] ou bien par la formation de centres colorés.[108] En fait, la génération des défauts de réseau provoque une augmentation de l’absorption pour chaque impulsion. Les STE ajoutent des niveaux d'énergie supplémentaires à l'intérieur de la bande interdite, de manière analogue à l'effet des impuretés, et introduisent d’autres voies d'excitation pour les prochains tirs laser.[93] En outre, les défauts augmentent la contrainte mécanique à l'intérieur du matériau qui influe sur la résistance optique.[109] À la suite de l'irradiation, des agglomérats peuvent se former et produire l’apparition de dommages structuraux macroscopiques de la matière. De plus, le volume associé à l'autopiégeage des excitons augmente. Cela crée une onde de choc qui peut éventuellement endommager le réseau. La formation de défauts peut être classée comme intrinsèque ou extrinsèque selon comment le défaut est dérivé du précurseur. Les progrès récents [110] dans l'étude de la structure des STE et les expériences pompe-sonde résolues en temps [10, 111] ont servi de base à un nouveau niveau de compréhension des mécanismes de formation des défauts intrinsèques. Les excitons possèdent une longue durée de vie et peuvent s’accumuler durant l’illumination par une séquence de tirs lasers.[112]

Pendant longtemps le manque de connaissances des effets d’incubation a conduit au développement d’équations permettant de simuler les résultats mais ne s’appuyant sur aucun modèle physique. Ashkenasi et al ont ainsi étudié la dépendance du seuil pour la silice amorphe en fonction du nombre de tirs (100 fs, 800nm).[98]

42

Ashkenasi utilise un modèle phénoménologique supposant une décroissance exponentielle pour l’endommagement monocoup Fth(1) vers une valeur constante du seuil d’endommagement :

       

1 1 k N th th th th F NF  FF  e Eq. 51

 

1

 

th th

FF  et le délai k dépendent du matériau, de la température et de l’environnement.

De récents travaux ont permis de faire progresser notre compréhension. En effet les recherches menées par Mero et al démontrent que le seuil multi tirs peut être décrit par des équations de taux tout comme l’endommagement monotir, en prenant en compte les états intermédiaires présents dans la bande interdite (défauts photoinduits ou initialement présents dans la bande interdite, cf. Chapitre I D.2.1), comme reportés sur le diagramme en Figure I-20. Chaque état intermédiaire contribue à l’excitation de cet état vers la bande de conduction et à la désexcitation de la bande de conduction vers cet état. Un ensemble d'équations de taux couplées est donc nécessaire, une équation pour chaque état contribuant. Avec ce modèle, Mero et al. sont parvenus à expliquer la dépendance de la fluence seuil avec le nombre de tirs.[97] Afin de modéliser le comportement multitir d’une monocouche de Ta2O5, ils ont introduit deux états supplémentaires, un nécessitant une absorption à 1 photon et un autre exigeant trois photons pour la ré-excitation dans la bande de conduction. La nature des niveaux pièges dépendant du matériau, d’autres études ont été menées, notamment pour HfO2.[12]

Figure I-20 : (1) Diagramme schématique des niveaux d’énergie et des transitions mis en jeu lors de

l’interaction d’un matériau diélectrique avec un train d’impulsions laser. Les niveaux ׀D> et ׀S> correspondent à des niveaux pièges.[12] (2) Seuil d’ablation en fonction de la fréquence de répétition,100tirs, 30fs, 800nm [97]

Mero et al. ont également montré une absence de dépendance du seuil d’endommagement avec le taux de répétition pour une monocouche de Ta2O5 sur un substrat de silice (entre 1 et 1000Hz, 100 impulsions). [97] Cependant certains résultats tendent à remettre en cause cette conclusion.[11]

43

Les défauts présents dans les couches minces peuvent être très dépendants des propriétés du matériau et également des paramètres de dépôt, notamment en régime nanoseconde, conduisant ainsi à une différence de seuil d’endommagement.[26, 114] Le cas des couches minces est donc très complexe et nécessite des investigations supplémentaires.