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Morphologie verbale des constructions en si- en français L1

Dans le document Parlons de l’irréel (Page 109-114)

Chapitre 4. Méthodologie de la recherche

5.3 Morphologie verbale des constructions en si-

5.3.1 Morphologie verbale des constructions en si- en français L1

En français, nous avons obtenu un total de deux cent trente-six constructions en si-, dont cent dix-huit simples (50%) et cent dix-huit complexes (50%)15. L'indicatif a été attesté dans la protase dans deux cent trente-deux constructions (98% du total), tandis que le subjonctif a été attesté une fois (0,4%) et le conditionnel trois fois (1,2%). Voici les combinaisons verbales les plus fréquentes pour ce qui est des constructions en -si complexes :

(16) Si elle avait signalé qu'elle était allergique au vin, il aurait commandé autre chose pour elle

(17) Si elle refuse sa promotion, elle ne va pas dans le sens de son patron donc ça peut brouiller leurs relations

(18) S'il [n']y avait pas du vin, si elle le savait, elle [ne] l'aurait pas mangé

(19) Si elle a été promue dans son travail, c'est peut être qu’enfin lui était satisfait de son travail et donc a priori, il y a pas vraiment de raisons […] qu'il veuille s'en débarrasser

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Nous attribuons cette distribution à des choix méthodologiques concernant notre entretien guidé et plus particulièrement aux consignes 7 et 8, lesquelles visent des réponses comportant l'expression calquée de l'anglais If only... (si seulement/si solamente/se soltanto).

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Les exemples ci-dessus sont représentatifs de 87% des constructions en si- complexes de notre corpus français L1. Les quatre exemples comportent des formes verbales de l'indicatif dans la protase, dont deux contiennent des temps verbaux composés – le plus-que-parfait (16) et le passé composé (19) – et deux des temps verbaux simples – le présent (17) et l'imparfait (18). En ce qui concerne les formes verbales de l'apodose, le conditionnel passé a été attesté suite à des protases au plus-que-parfait (16) et a l'imparfait (18), tandis que le présent de l'indicatif a été relevé suite à des protases au présent de l'indicatif (17) et au passé composé (19). La corrélation verbale composée par le plus-que-parfait dans la subordonnée et le conditionnel passé dans la principale (16) est la plus fréquente avec soixante-dix-huit constructions (66% du total des constructions en si- complexes), suivi du présent symetrique dans la subordonnée et la principale (17) avec seize constructions (13%). D'autres combinaisons, moins fréquentes, sont l'imparfait dans la subordonnée suivi du conditionnel passé dans la principale (18) pour laquelle nous avons repéré six constructions (5% des constructions en si- complexes) et le passé composé dans la subordonnée suivi du présent de l'indicatif dans la principale (19) pour laquelle nous avons répéré quatre constructions (3%).

Tableau 5.19 Distribution de la morphologie verbale en français L116 Prés. IND Imp. IND PQP IND. Passé

composé COND. prés. COND. passé - 11 (4,5%) 107 (45%) Prés. IND 16 (6,5%) 2 (0,8%) 4 (1,5%) Imp. IND 1 (0,4%) 1 (0,4%) 1 (0,4%) Passé composé 2 (0,8%) PQP IND. 2 (0,8%) CON. prés 1 (0,4%) 1 (0,4%) CON. passé 1 (0,4%) 6 (2,5%) 78 (33%) 2 (0,8%)

En ce qui concerne des emplois considérés substandards par la tradition grammairienne, nous avons repéré trois constructions dans lesquelles le conditionnel émerge dans la protase introduite par si- (20). Par exemple :

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L'axe horizontal correspond à la morphologie verbale des propositions subordonnées ou protases et l'axe vertical correspond à la morphologie verbale des propositions principales ou apodoses.

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(20) Si son patron aurait choisi les coquilles Saint-Jacques au lieu des moules marinières ça [n']aurait pas changé grand-chose

Le Tableau 4.19 laisse percevoir trois patrons différents en ce qui concerne la combinaison des modes verbaux dans les constructions en si- complexes. Voyons maintenant quelles sont les distributions pour chacun de ces patrons (Tableau 4.20) et s'il existe des différences significatives entre eux (Tableau 4.21)17.

Tableau 5.20 Modes verbaux dans les constructions en si- complexes : Français L1

Total INDp+INDa Ex. : (18), (20) INDp+CONDa Ex. : (17), (19) CONDp+CONDa Ex. : (21) 118 (100%) 29 (24,5%) 86 (72,8%) 3 (2,5%)

Tableau 5.21 Analyse statistique des modes verbaux : Français L1 Valeurs de P calculées à l'aide du test X²

INDp+INDa INDp+CONDa CONDp+CONDa

INDp + INDa - 3.033e-13** 2e-06*

INDp + CONDa 3.033e-13** - <2.2e-16**

CONDp + CONDa 2e-06* <2.2e-16** -

Le tableau ci-dessus révèle des différences importantes entre les trois patrons analysés. La combinaison de l'indicatif dans la protase et du conditionnel dans l'apodose (INDp + CONDa) présente une fréquence supérieure aux autres combinaisons analysées : l'indicatif dans la protase et dans l'apodose (INDp + INDa) et le conditionnel dans la protase et l'apodose (CONDp + CONDa). Même entre ces derniers patrons il existe une différence notoire dans leurs fréquences, ce qui confirme que le conditionnel symétrique est moins commun que l’indicatif symétrique, lequel, toutefois, n’est pas fréquent au même titre que la combinaison canonique (INDp + CONDa). Par rapport à la description que les grammaires traditionnelles dressent de la morphologie verbale des constructions conditionnelles (voir Chapitre 2) on peut dire que le groupe enquêté en français L1 présente une morphologie standard.

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Légende : IND = indicatif, COND = conditionnel, p = protase, a = apodose. 86

Figure III. Morphologie verbale des constructions en si- : Français L1

Jusqu'ici, nous avons analysé la production des constructions en si- complexes. Afin de compléter notre étude, nous présentons – sous forme de graphique – la production individuelle de chacun des 30 enquêtés en français L1 pour l'ensemble des deux cent trente-six constructions en si- attestées (simples et complexes). Le graphique ci-dessus est utile pour rendre visible d’éventuelles différences individuelles, notamment relatives au niveau de compétence en FLE dans les groupes d’apprenants (sections 6.2.1 et 6.2.2). De même, ce type de graphique peut être utile pour rendre visible la corrélation entre les origines géographiques des informateurs et leur préférence pour une corrélation verbale plutôt qu’une autre, chez les groupes de contrôle (voir section 5.4.2). Dans la figure III, l'axe horizontal correspond aux locuteurs et l'axe vertical, au nombre de constructions en si- produites au cours de l'entretien guidé18.

18 Nous avons classé la morphologie verbale des constructions en si- en trois groupes : standard (Standard), indicatif symétrique (Ind. Sym.) et conditionnel (Cond.). À l'intérieur de la morphologie Standard, nous avons compté les constructions en si- simples dont le syntagme verbal est issu d'un temps de l'indicatif et les constructions en si- complexes, dont la protase, comporte un temps de l'indicatif et l'apodose, un temps du conditionnel (i.e., « si seulement j'avais su qu'elle était malade » ; « si elle avait signalé qu'elle était allergique [...], il aurait commandé autre chose », respectivement). À l'intérieur de la rubrique Ind. Sym., nous avons compté les constructions en si- complexes dont l'apodose comporte un temps de l'indicatif (i.e., « si elle refuse sa promotion [...], ça peut brouiller leurs relations »). À l'intérieur du groupe Cond., nous avons regroupé les constructions en si- simples et complexes dont le syntagme verbal de la protase est issu d'un temps du conditionnel (i.e., « si son patron aurait choisi les coquilles [...], ça (n')aurait pas changé grand-chose »).

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La figure ci-dessus révèle l'emploi prééminent de la morphologie verbale standard ou canonique (INDp ou INDp+CONDa), l'emploi secondaire de l'indicatif symétrique (INDp+INDa) et l'emploi, plus rare, du conditionnel dans la protase (CONDp ou CONDp+CONDa). Dans les tableaux suivants, nous rapportons les chiffres absolus de ces trois patrons – Standard, Indicatif symétrique, Conditionnel dans la protase – au sein du groupe français L1.

Tableau 5.22 Morphologie verbale des constructions en si- : Français L1

Total Standard Ex. : (16) Ind. Sym. (17) Cond. (20) 236 (100%) 204 (86,4%) 29 (12,2%) 3 (1,2%)

Tableau 5.23 Analyse statistique des constructions en si- : Français L1 Valeurs de P calculées à l'aide du test X²

Standard Ind. Sym. Cond. Standard - <2.2e-16** <2.2e-16** Ind. Sym. <2.2e-16** - 4.71e-06** Cond. <2.2e-16** 4.71e-06** -

L'analyse statistique de la fréquence de ces trois patrons montre que le groupe de contrôle français emploie différemment chacun d'eux. La morphologie verbale standard est employée avec une fréquence supérieure à l'indicatif symétrique (valeur de P = <2.2e-16) et au conditionnel en protase (valeur de P = 2.2e-16). À son tour, la fréquence du conditionnel en protase est inférieure, significativement, à l'indicatif symétrique (valeur de P = 4.71e-06).19 Quelle est la raison de l'emploi modeste de l'indicatif symétrique par rapport à la morphologie canonique ? Une hypothèse avancée est que l'emploi de l'indicatif symétrique est réservé aux conditionnelles d'acte de parole (Sweetser 1996). Nous reviendrons sur cette idée dans notre analyse qualitative (Chapitre 7).

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La fréquence restreinte du conditionnel en protase contraste avec l’affirmation de Champaud (1983) relative à la propagation de son emploi. Dans nos résultats, l'emploi supérieur de l'indicatif symétrique par rapport au conditionnel en protase peut s'expliquer par les caractéristiques socio-biographique des francophones enquêtés (ayant suivi des études universitaires pour la plupart) et le fait que la passation de notre expérience a eu lieu dans un cadre académique (les locaux du Laboratoire Parole et Langage ou bien les facultés de Lettres et de Droit de l’AMU).

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