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Morphologie et identification immunohistochimique des microglies adultes

Chapitre 1 : Introduction

III. Description des cellules microgliales en conditions physiologiques et pathologiques chez l’adulte

1. Morphologie et identification immunohistochimique des microglies adultes

a. Identification des profils immunohistochimiques des cellules microgliales

L’identification des cellules microgliales a été facilitée par le développement de procédures de marquage révélant l’expression de certaines molécules dans des types cellulaires spécifiques. Ces

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techniques permettent de distinguer la microglie des autres types cellulaires présents dans le cerveau comme les neurones, les astrocytes, les oligodendrocytes et les cellules endothéliales. La microglie peut être visualisée dans des tranches de cerveaux humaines et animales ainsi qu’en culture par une

variété de molécules membranaires et cytoplasmiques. Les cellules microgliales peuvent être identifiées par immunohistochimie grâce à des lectines telles que Griffonia simplicifolia isolectine B4 (IB4) ou la Lycopersicon esculentum (tomato) lectine. Ces lectines sont des carbohydrates présentes à la surface des cellules microgliales dont la fonction précise n’est pas encore connue. L’inconvénient majeur de l’utilisation des lectines est qu’elles marquent aussi les vaisseaux sanguins, néanmoins la

reconnaissance des cellules microgliales et des vaisseaux sanguins est possible par un critère morphologique. Ces marqueurs (IB4 et tomato lectin) permettent d’identifier les cellules microgliales et leur niveau d’expression ne varie pas en fonction de l’état d’activation microgliale. L’anticorps

dirigé contre Iba1 (ionized calcium-binding adaptator molecule 1), une protéine jouant un rôle dans l’homéostasie calcique, a révolutionné l’étude immunohistochimique des cellules microgliales (Imai et

al., 1996). En effet, le marquage Iba1 est spécifique des cellules microgliales dans le SNC et permet de visualiser en détails les cellules.

Récemment, la génération d’animaux génétiquement modifiés exprimant des protéines

fluorescentes sous le contrôle du promoteur de facteurs exprimés spécifiquement par la microglie ou les macrophages a permis de créer des souris transgéniques ayant des microglies fluorescentes. Une lignée de souris transgéniques exprimant l’eGFP sous le promoteur du récepteur à la fractalkine

(CX3CR1) permet d’identifier par fluorescence les cellules microgliales (Jung et al., 2000). De plus, il existe également une autre lignée de souris transgéniques qui exprime l’eGFP sous le contrôle du promoteur d’Iba1 (Hirasawa et al., 2005). Ces animaux transgéniques permettent d’identifier

facilement et spécifiquement les cellules microgliales quelque soit leur état d’activation et procurent des outils pour étudier in vivo les fonctions des cellules microgliales. Toutefois, en conditions pathologiques, des monocytes et des cellules dendritiques exprimant également CX3CR1 et Iba1, et donc l’eGFP, peuvent pénétrer dans le parenchyme cérébral. Ainsi, il faut rester vigilant aux

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observations faites sur ces souris et contrôler via d’autres outils l’identité des cellules observées lors de ces conditions pathologiques.

Les changements phénotypiques microgliaux s’opérant lors de processus d’activation s’accompagnent généralement de changements d’expression de marqueurs immunohistochimiques qui

dépendent de l’état d’activation des cellules microgliales. En effet, les différents états fonctionnels de la microglie sont caractérisés par différents profils immunohistochimiques. De plus, les changements d’expression de marqueurs révèlent des modifications fonctionnelles dépendantes du contexte.

Par exemple, il a été montré que l’expression d’Iba1 était amplifiée lors de conditions pathologiques (Ito et al., 2001) et cette protéine pourrait jouer un rôle dans la migration cellulaire et l’activité phagocytique des cellules microgliales. De plus, CD11b (aussi nommé Mac-1), une intégrine

pouvant lier le complément C3b et des protéines de la matrice extracellulaire et interagissant avec des protéines intracellulaires d’adhésion a aussi une expression augmentée lors de l’activation microgliale

(Roy et al., 2008). En effet, l’expression microgliale de CD11b augmente lors de maladies neurodégénératives du SNC et il y aurait une augmentation des interactions CD11b/protéines du cytosquelette facilitant la transformation morphologique vers une forme amiboïde. De même, l’expression de CD68 (aussi nommé macrosialin ou ED1), une protéine lysosomale spécifique des

macrophages appartenant à la famille des LAMP (lysosomal-associated membrane protein) et associée à l’activité phagocytaire des cellules a également une expression amplifiée lors de l’activation

microgliale. Cette expression accrue de CD68 révèle une capacité phagocytaire augmentée. En addition, l’antigène F4/80 (aussi nommé EMR1 ou Ly71) est un membre de la famille des facteurs de croissance épidermaux à 7 domaines transmembranaires spécifique des macrophages dont l’expression est également accrue en cas d’activation (Lund et al., 2006). Ainsi, les marqueurs

immunohistochimiques Iba1, CD11b, CD68 et F4/80 ont une expression de base dans la microglie non-activée et le niveau d’expression de ceux-ci augmente lorsque la microglie entre dans un processus d’activation, mais bien évidemment cette liste des marqueurs dont l’expression suit la même

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En revanche, certains marqueurs immunohistochimiques peuvent apparaître lors de l’activation microgliale. Par exemple, l’expression de MHCII (major complex histocompatibility class II) est déclenchée lors de l’activation microgliale afin qu’elles se transforment en cellules présentatrices d’antigènes efficaces et qu’elles interagissent avec les cellules T CD4 (Perry, 1998). De même, l’expression de Mac-2 (aussi nommé galectin-3) apparaît lors d’activation microgliale et l’apparition

de ce marqueur révélerait des microglies en prolifération (Lalancette-Hébert et al., 2012) et/ou entrain de phagocyter (Rotshenker, 2009). De plus, l’expression de l’oxyde nitrique synthase inductible (iNOS) est également provoquée dans la microglie activée et favorise la production neurotoxique de NO (Ding et al., 1997). Ainsi, certains marqueurs immunohistochimiques ont une expression de type « tout ou rien » et ne sont exprimés que lors d’activation microgliale comme, par exemple, MHCII, Mac-2 et iNOS.

En conclusion, le profil immunohistochimique adopté par les cellules microgliales dépend du contexte physiopathologique dans lequel elles se situent et correspond probablement aux différentes fonctions de ces cellules. De plus, certains marqueurs sont exprimés en conditions physiologiques par la microglie et leur expression est régulée lors d’activation alors que d’autres ne sont exprimés que lorsque la microglie est activée.

b. Morphologie

Les cellules microgliales dans le SNC sain et mature sont caractérisées par un corps cellulaire de petite taille à partir duquel de longs et fins prolongements se déploient dans le parenchyme (Figure 5). Ces prolongements microgliaux forment une arborisation distale typique des cellules microgliales ramifiées. Pendant plusieurs années, ces cellules microgliales ramifiées ont été considérées comme des cellules quiescentes en attente de signaux de danger pour s’activer mais le développement de nouvelles techniques a démontré que ces cellules n’étaient pas aussi calmes que cela. En effet, l’étude par microscopie bi-photonique de souris transgéniques adultes dans lesquelles seules les cellules microgliales expriment la GFP a permis d’observer leur comportement de façon non-invasive

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microgliales bougent continuellement alors que leur corps cellulaire reste fixe. Ainsi, les prolongements microgliaux s’étendent et se rétractent rapidement (environ 1.47 µm/min) ce qui permet aux cellules microgliales de balayer et de surveiller sans cesse le parenchyme. Par conséquent, ces mouvements dynamiques permettent le balayage et le contrôle de tout le parenchyme toutes les quelques heures et facilitent le déclenchement de réactions rapides lors de détection de changements dans le parenchyme.

En revanche, lors de conditions pathologiques, les cellules microgliales s’activent et changent de morphologies. La microglie réduit la complexité de leur forme en rétractant leurs prolongements (Figure 5). Ces derniers sont alors réabsorbés dans le corps cellulaire ce qui induit une augmentation de la taille du soma. Les cellules microgliales sont alors moins ramifiées voir amiboïdes. Plusieurs morphologies de cellules microgliales activées existent et elles rendent compte de la réponse adaptée au contexte pathologique. Ces remarquables transformations morphologiques suggèrent des ajustements fonctionnels : la microglie adoptera une morphologie particulière selon l’activité requise (migration, phagocytose,…). Toutefois, la morphologie ne reflète pas toujours une orientation

fonctionnelle car certaines fonctions microgliales ne nécessitent pas de changements morphologiques massifs comme la phagocytose (Sierra et al., 2010) ou la libération de facteurs. Ainsi, la morphologie microgliale seule ne permet pas de définir l’état fonctionnel de la microglie.

Figure 5: Morphologie des cellules microgliales (Menteyne et al., 2009)

Gauche : Exemple de cellules microgliales ramifiées présentes dans la région de CA1 de l’hippocampe en conditions contrôles. On note que les cellules microgliales présentent un petit soma duquel s’étendent de longs prolongements ramifiés.

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Droite : Exemple de cellules microgliales activées dans la région de CA1 de l’hippocampe en conditions pathologiques (ici, 48h après l’induction d’un Status Epilepticus). On remarque que les cellules microgliales se caractérisent par un large soma et de courts prolongements.