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Les astrocytes : des intermédiaires dans la communication neurone-microglie ?

Hypothèse 2 : Les interactions retardées entre les synapses et la microglie retarde la maturation synaptique

5. Les astrocytes : des intermédiaires dans la communication neurone-microglie ?

Les astrocytes constituent un autre type de cellules gliales et il a été montré que ces cellules interagissent aussi avec les synapses et influencent leurs activités. Nous pouvons donc suggérer que les effets microgliaux que nous avons observé sur la maturation de la synapse thalamocorticale au cours du développement post-natal nécessitent une intervention des astrocytes comme intermédiaires dans la communication neurone-microglie.

Lors de leur première description par C. Weigert en 1985, les astrocytes sont décrits comme des structures d’échafaudage supportant les neurones dans le cerveau et remplissant les espaces entre les

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en captant les nutriments via les pieds astrocytaires apposés aux vaisseaux sanguins et approvisionnant ainsi les neurones en nutriments. Cependant, des études récentes placent les astrocytes comme étant des cellules ayant des rôles encore plus importants que ceux de soutien et de nutrition. En effet, les astrocytes jouent un rôle important dans la régulation de la connectivité synaptique. Dans le SNC, les astrocytes contactent physiquement les synapses et le terme de « synapse tripartite » a été proposé (Figure 25). Une telle association entre les astrocytes et les synapses assure une régulation de l’homéostasie des ions K+

, des concentrations de neurotransmetteurs ainsi que du pH extracellulaire (pour revue (Eroglu and Barres, 2010)). De plus, les astrocytes modulent les propriétés synaptiques en libérant des neuromodulateurs tels que l’ATP, le glutamate, la D-sérine,… Cette libération de molécules neuro-actives dépend de l’activité synaptique et est corrélée à une augmentation de l’activité calcique astrocytaire (pour revue (Perea et al., 2009)).

Figure 25: La synapse tripartite (d’après (Witcher et al., 2007))

Image de microscopie électronique montrant la synapse tripartite dans l’hippocampe. Un prolongement astrocytaire (en bleu) entoure une région synaptique. L’axone d’un neurone (en vert) et l’épine dendritique (en jaune) constitue respectivement les éléments post- et pré-synaptique et on note que la densité post-synaptique est marqué en rouge sur l’image.

Dans le cortex somatosensoriel, la distribution des astrocytes change au cours du développement post-natal suggérant des fonctions particulières et spécifiques à cette période du développement. En effet, l’analyse de la souris Aldh1L1-GFP, dans laquelle les astrocytes expriment

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la GFP, met en évidence cette distribution spécifique. A P2, les astrocytes sont distribués de façon homogène dans la couche 4 du cortex somatosensoriel primaire (Figure 26). Puis, lors de la ségrégation des axones thalamocorticaux vers P3-4, les astrocytes s’accumulent dans les tonneaux de la couche 4. Ainsi, la distribution des astrocytes suit celle des fibres thalamiques lors des premières semaines de développement post-natal. Cependant, chez l’adulte, les astrocytes se répartissent de façon homogène dans la couche 4 du cortex somatosensoriel. Cette localisation transitoire des astrocytes au sein des tonneaux a également été observée par immunohistochimie (Cooper and Steindler, 1986; Mangin et al., 2012).

Figure 26: Distribution des astrocytes dans la couche 4 du cortex somatosensoriel au cours du développement post-natal et chez l'adulte

L’analyse de souris Aldh1L1-eGFP âgées de 2, 5 et 60 jours post-natals permet de suivre par fluorescence la localisation des astrocytes. Un immuno-marquage des fibres thalamocorticales par un anticorps anti-VGluT2 révèlent les tonneaux de la couche 4.

On peut donc supposer que les effets de la microglie que nous avons observés sur la maturation de la synapse thalamocorticale font intervenir aussi les astrocytes. Tout d'abord, il est possible que les astrocytes, modulés par l'activité synaptique, influencent les fonctions microgliales. En effet, il est admis que les astrocytes sont des senseurs de l’activité synaptique et qu’ils libèrent des

facteurs solubles appelés gliotransmetteurs pouvant influencer l'activité synaptique mais aussi microgliale (Perea et al., 2009). Etant donné que les astrocytes sont présents au sein des tonneaux avant les cellules microgliales lors du développement post-natal, on peut émettre l’hypothèse que les

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astrocytes participent au recrutement de la microglie à l’intérieur des tonneaux via une libération d’ATP ou de glutamate.

Mais, les astrocytes peuvent aussi contrôler le phénotype des cellules microgliales et certaines de leurs fonctions. En culture, il a été montré que des cytokines (M-CSF, GM-CSF et TGFbeta) libérées par les astrocytes promeuvent la ramification des cellules microgliales ainsi que l’expression de canaux potassiques voltage-dépendants (Liu et al., 1994; Schilling et al., 2001). Nos résultats montrent une expression de canaux potassiques voltage-dépendants et une ramification de la microglie lorsqu’elle envahit les tonneaux où se concentrent les fibres thalamiques et les astrocytes (Arnoux et

al., 2013). Ces deux phénomènes pourraient être liés à une libération de facteurs astrocytaires. De plus, il a été montré in vitro que les astrocytes modulent négativement la phagocytose des plaques séniles médiée par la microglie via une libération de facteurs solubles (DeWitt et al., 1998). On peut émettre l’hypothèse que les astrocytes régulent également cette activité de phagocytose in vivo et participent éventuellement à l’élimination des synapses au cours du développement. Par ailleurs, les astrocytes

régulent l’état d’activation des cellules microgliales lors de conditions inflammatoires en diminuant la production des dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) (Min et al., 2006). Par conséquent, on peut supposer que l’état d’activation et les fonctions associées à l’activation microgliale sont régulés par

des facteurs astrocytaires. Ainsi, plusieurs fonctions microgliales seraient régulées par des facteurs astrocytaires et l’implication de ces échanges au cours du développement reste à déterminer.

D'autre part, des facteurs microgliaux peuvent réguler l'activité des astrocytes. Il a notamment été observé que les cellules microgliales modulent la gliotransmission assurée par les astrocytes. En effet, Pascual et collaborateurs ont montré que les cellules microgliales influencent l’activité

synaptique via une interaction avec les astrocytes (Pascual et al., 2012) (Figure 27). Dans cette étude, la microglie, activée par LPS, libère de l’ATP activant les récepteurs purinergiques astrocytaires P2Y1 et déclenchant une libération de glutamate par les astrocytes qui module la fréquence des courants synaptiques via l’activation des mGluR5 pré-synaptiques.

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Figure 27: Schéma de la modulation des fréquences des EPSCs lors d'application de LPS (adapté de (Pascual et al., 2012))

Par ailleurs, une étude menée sur des cellules en culture indique que les facteurs TNFalpha et IL1beta microgliaux inhibent l’expression de la connexine-43, une protéine des jonctions communicantes (Même et al., 2006). La diminution de l’expression de connexine-43 par les astrocytes entraine un découplage du réseau astrocytaire soit une rupture de la communication intercellulaire entre les astrocytes ce qui induit une perturbation de leurs fonctions. Un défaut d’expression de cette connexine entraine des défaut des fonctions sensorielles et de plasticité synaptique dans le cortex somatosensoriel (Han et al., 2014). De plus, TNFalpha contrôle l’activation des récepteurs P2Y1 et par conséquent module l’exocytose de glutamate par les astrocytes responsable de la gliotransmission

(Domercq et al., 2006). Ce TNFalpha pourrait provenir des cellules microgliales. Par conséquent, les cellules microgliales contrôlent certaines fonctions astrocytaires dont les interactions neurone- astrocyte.

L’existence de communications entre les différents types cellulaires présents dans le SNC soit

les neurones, les astrocytes et les cellules microgliales a permis de proposer le terme de « synapse quadripartite » (Schafer et al., 2013) où ces cellules sont des partenaires non-exclusifs. De plus, les

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cellules microgliales et les astrocytes produisent des facteurs trophiques et des cytokines identiques ce qui suggère des actions synergiques et/ou compensatoires afin de ré-établir une certaine balance entre les facteurs. Ces actions visent à assurer l’homéostasie cérébrale nécessaire aux activités neuronales.