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La plasticité synaptique à la synapse thalamocorticale

Chapitre 1 : Introduction

VII. Le cortex somatosensoriel primaire comme modèle d’étude

6. La plasticité synaptique à la synapse thalamocorticale

En addition des changements des propriétés synaptiques se déroulant au cours du développement, les capacités de plasticité synaptique à court et long termes évoluent également lors de cette période critique de la vie.

a. Plasticité synaptique à long-terme Potentialisation à long terme (LTP)

La LTP est une augmentation de la force synaptique dépendante de l’activité observable à long terme. Cette potentialisation de la neurotransmission à long terme est par ailleurs un mécanisme synaptique impliqué dans certaine forme de mémoire et d’apprentissage. Bien que les mécanismes

permettant cette augmentation de la transmission synaptique varient suivant la synapse étudiée, la majorité de ces derniers nécessite une activation des NMDA-R. Il est admis que l’influx de calcium à travers les NMDA-R est nécessaire à l’induction de la LTP à la plupart des synapses et entraine l’incorporation des AMPA-R à la synapse. De plus, une diminution du nombre d’échecs de

transmission synaptique est communément observée. Ainsi, la LTP dépendante des NMDA-R peut être induite à la synapse thalamocorticale en appariant une stimulation des fibres pré-synaptiques à une dépolarisation post-synaptique du neurone vers -10 mV (Crair and Malenka, 1995).

La LTP à ces synapses peut seulement être induite entre P3 et P7, une période qui coïncide à la période critique de la plasticité structurale dépendante de l’activité du cortex en champ de tonneaux

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Figure 21 : L'induction de la LTP est limitée à la période critique (Crair and Malenka, 1995)

a : Graphes résumant les effets sur la transmission synaptique lors d’un protocole d’induction de la LTP à P3-7 (cercles noirs) et P8-14 (cercles blancs).

b : Histogramme montrant la diminution progressive de la capacité d’induction de la LTP au cours du développement post-natal.

De plus, cette perte de la capacité à induire la LTP via une activation des NMDA-R avec l’âge apparaît en même temps que le changement de sous-unité du NMDA-R. Est-ce que le changement de sous-unité des NMDA-R module l’induction de la plasticité synaptique à long terme ? D’après l’étude de Lu et collaborateurs, l’apparition de NMDA-R contenant la sous-unité NR2A n’est pas nécessaire à la fermeture de cette période critique de plasticité synaptique (Lu et al., 2001). En effet, l’étude de la souris mutante GluN2A-/- indique que la LTP ne peut plus être induite après P7 à la synapse thalamocorticale reflétant un développement normal de la synapse.

De façon alternative, cette réduction de la capacité à induire la LTP pourrait être due à une diminution du signal calcique nécessaire à l’induction de la plasticité par une augmentation de l’expression des tampons calciques post-synaptiques ou par une réduction de l’efficacité des effecteurs en aval de l’entrée de calcium.

Par ailleurs, l’induction de la LTP permet la conversion de synapses silencieuses ne contenant que des NMDA-R en synapses pouvant également exprimer des AMPA-R à la surface membranaire, phénomène appelé « unsilencing ». L’existence des synapses silencieuses a longtemps fait débat mais des preuves expérimentales ont permis de démontrer directement la présence de ces synapses au cours du développement (Isaac et al., 1997). En stimulant à basse intensité les fibres thalamiques afin d’activer une ou un très petit nombre de synapses, Isaac et collaborateurs ont montré que les réponses

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d’induction de LTP permet de faire apparaître des EPSCs médiés par les AMPA-R à ces synapses. De plus, il a été rapporté que l’occurrence des synapses silencieuses diminuées au cours du développement et qu’on n’en détecte plus après P8. Cette décroissance développementale des synapses

silencieuses coïncide avec la perte de la capacité à induire la LTP à ces synapses (Crair and Malenka, 1995) suggérant que la conversion des synapses est un mécanisme important pour la LTP. On peut également supposer que cette conversion des synapses participe à l’augmentation du ratio

AMPA/NMDA décrite dans une partie précédente.

De plus, la LTP permettrait de renforcer et de stabiliser les axones portant ces synapses fonctionnelles au sein du réseau neuronal via un mécanisme dépendant de l’activité synaptique.

Dépression à long terme (LTD)

Un autre processus impliqué dans le développement et la plasticité des circuits thalamocorticaux basé sur l’expérience sensorielle est la dépression à long terme (LTD). En appliquant un protocole

appariant dépolarisation du neurone à -50 mV et une stimulation à basse fréquence des fibres thalamiques, Feldman et collaborateurs ont observé une diminution de l’amplitude des EPSCs évoqués à la synapse thalamocorticale caractéristique de la LTD (Feldman et al., 1998). Les auteurs de cette étude ont également noté une corrélation entre la capacité d’induire une LTD et l’âge de l’animal. En

effet, une forte LTD peut être induite chez des animaux aux stades précoces de développement (P4-5) alors qu’après P10-12 la probabilité d’induire une LTD est quasiment nulle. Parce que la LTD dépend de l’activation des NMDA-R et qu’au cours du développement les propriétés fonctionnelles de ces

récepteurs évoluent, il est possible que les courants générés par l’activation des NMDA-R aux stages tardifs du développement soient plus petits que ceux évoqués aux stages précoces conduisant à une incapacité d’induction de la LTD.

De façon similaire à la perte de capacité d’induction de la LTP, on peut supposer qu’une réduction du signal calcique pourrait être à l’origine de cette diminution de la probabilité d’induire une LTD aux

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synaptiques ou une réduction de l’expression des effecteurs activés par les ions calciques pourraient être responsable de cette perte d’induction de la LTD.

Quel est le rôle de la LTD à la synapse thalamocorticale au cours du développement ? Il a été proposé que la LTD permette de reconvertir les synapses fonctionnelles en synapses silencieuses. Cependant, il a été montré que lors de l’induction de la LTD, les EPSCs médiés par les AMPA-R sont toujours détectables indiquant qu’il ne s’agit pas de synapses uniquement composées de NMDA-R, i.e.

silencieuses. Cette première hypothèse suggérant un effet opposé à celui de la LTP n’est donc pas observable dans ce modèle. Par ailleurs, il est possible que la LTD module l’efficacité des synapses

thalamocorticales qui ont précédemment été soumises à la LTP. Ainsi, la LTD servirait à stabiliser les synapses thalamocorticales fonctionnelles. Une autre explication est que la LTD permettrait d’affaiblir les synapses non-nécessaires ou incorrectes et conduirait à la rétraction et à l’élimination des prolongements portant ces synapses affaiblies. Ainsi, la LTD affinerait les circuits thalamocorticaux via un mécanisme dépendant de l’activité synaptique. Un rôle des cellules microgliales dans l’élimination des ces processus peut être suggéré.

b. Plasticité synaptique à court-terme

Les propriétés d’induction d’une autre forme de plasticité à la synapse thalamocorticale évolue

également au cours du développement post-natal, celle de la plasticité à court terme. Cette forme de plasticité permet d’étudier les propriétés pré-synaptiques telles que la probabilité de libération des

terminaisons thalamocorticales. Actuellement, deux méthodes sont utilisées afin d’étudier la probabilité de libération pré-synaptique: 1) le calcul du ratio des courants appariés (PPR pour paired- pulse ratio), soit l’amplitude du pic du second courant évoqué divisé par l’amplitude du pic du premier courant évoqué ou 2) l’étude du blocage progressif des EPSCs médiés par les NMDA-R en utilisant MK-801. A la synapse thalamocorticale, il a été montré que les valeurs de PPR des AMPA-R diminuent au cours du développement post-natal alors que celles du PPR des NMDA-R simultanément augmentent (suggérant une diminution de la probabilité de libération) (Yanagisawa et al., 2004). Ce profil développemental de la probabilité de libération activant les NMDA-R a été confirmé avec

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l’étude du blocage de ces courants avec MK-801 (Yanagisawa et al., 2004). Ces différences résultent

de la non-uniformité des synapses thalamocorticales en terme de probabilité de libération pré- synaptique et serait consistant avec l’hypothèse que deux classes de libération de haute et basse probabilités existent. La présence de synapses silencieuses à haute probabilité de libération et de synapses fonctionnelles à basse probabilité de libération pourrait expliquer ces profils. En effet, il est admis que la proportion de synapses silencieuses diminue au cours du développement et que si elles sont associées à des fibres pré-synaptiques à forte probabilité de libération alors la disparition des synapses silencieuses entraine également une diminution générale des fibres à forte probabilité de libération. Cependant, si on considère que la baisse de la proportion des synapses silencieuses est due à l’incorporation des AMPA-R alors les synapses converties fonctionnellement entrainent une

diminution de la probabilité de libération pré-synaptique via des substances rétrogrades. Ainsi, ces différences développementales de la probabilité de libération des synapses contenant des AMPA-R et/ou des NMDA-R résulteraient d’interactions possibles entre les propriétés pré- et post-synaptiques.

Par ailleurs, dans le cas des AMPA-R, des changements de propriétés post-synaptiques de ces récepteurs au cours du développement expliquent les changements de PPR. En effet, au cours du développement les AMPA-R désensibilisent plus fortement ce qui pourrait expliquer les changements observés au niveau de la PPR.

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