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Parallèlement et intrinsèquement liés à la progression des mouvements syndicaux se développèrent en France divers groupes ayant pour objectif commun « la dénonciation de l’oppression et de l’exploitation des femmes97 ». Commune à tous ces groupes de pression, lesquels, faut-il le préciser, ne partageaient pas toujours les mêmes orientations, la volonté d’abolir les inégalités entre les hommes et les femmes se trouvait au cœur des revendications.

Au nom de l’égalité des sexes, les féministes condamnent tout ce qui contribue à isoler les femmes dans la nation, à les exclure de la Cité. […] Le féminisme affirme […] la légitimité de l’ambition, de la création, de la passion dans la vie d’une femme98.

Certaines femmes souhaitaient ainsi investir l’espace public, contribuer à la société, acquérir l’indépendance financière. D’autres allaient plus loin en mettant de l’avant la nécessité d’informer les femmes sur les questions du corps et de la sexualité. Autour de figures comme Nelly Roussel et Madeleine Pelletier, tout un mouvement se profilait, favorable à la contraception comme moyen d’émancipation féminine.

Les héroïnes de papier imaginées par les auteures du corpus incarnent de diverses manières ces enjeux. Les questions du féminisme et des rapports en changement entre les hommes et les femmes constituent également un point d’ancrage important des interrogations modernistes99.

97 FRAISSE, G., Les femmes et leur histoire, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1998, p. 424.

98 BARD, C., Les filles de Marianne : histoire des féminismes 1914-1940, Paris, Fayard, 1995, p. 12.

99 Marianne DeKoven soulève les différences entre les appréhensions des hommes et des femmes auteurs

modernistes face aux bouleversements sociaux et à l’égard des rapports entre les sexes : « The irresolvable ambivalence (fear and desire in equal portion) of modernist writers concerning their own proposals for the wholesale revision of culture, proposals paralleled in the political sphere by the programs for wholesale social revision promulgated by socialism and feminism, generated the irreducible self-contradiction […] of modernist form. I will argue that male modernists generally feared the loss of their own hegemony implicit in such wholesale revision of culture, while female modernists generally feared punishment for their dangerous desire

En ce qui a trait à l’évolution des mouvements féministes de 1900 à 1940, si la plupart des écrivaines à l’étude100 ont refusé de s’affilier aux groupes et aux revendications féministes en général101, il n’en demeure pas moins qu’en s’imposant sur la scène littéraire et en élaborant de nouveaux types de personnages féminins confrontés à divers défis, les auteures portent un regard sur la place des femmes dans la société, conscientes des enjeux que présentent les rapports genrés entre les individus. Comme l’explique Diana Holmes à propos des points de divergence et de convergence de ces femmes auteurs, « [t]he generation of French women

writers born in the early years of the Third Republic display different attitudes to feminism, but they all write in awareness of the challenge it poses to entrenched beliefs about gender102. » Nous verrons plus loin pour quelles raisons elles ont voulu refuser le militantisme

féministe.

Valerie Sanders, dans The Routledge Critical Dictionary of Feminism and Postfeminism103, fait remonter le féminisme moderne au pamphlet de Mary Wollstonecraft sur la défense des droits de la femme en 1792104, mais les francophones rappellent qu’Olympe de Gouges a semé le germe au lendemain de la Révolution française en publiant, en 1791, la Déclaration des

for that revision. » (DEKOVEN, M., Rich and Stange: Gender, History, Modernism, Princeton, Princeton University Press, 1991, p. 20.)

100 Marcelle Tinayre fait figure d’exception à cet égard.

101 Rachilde explique sa non-adhésion au mouvement dans son essai Pourquoi je ne suis pas féministe ? Quant à

Colette, à la question de Maurice Dekobra « Êtes-vous féministe ? », elle répond, en 1910, « Moi, féministe ? […] Ah ! Non ! Les suffragettes me dégoûtent. Et si quelques femmes en France s’avisent de les imiter, j’espère qu’on leur fera comprendre que ces mœurs-là n’ont pas cours en France. Savez-vous ce qu’elles méritent les suffragettes ? Le fouet et le harem… » (Propos cités par Claude Pichois, « Préface », COLETTE, Œuvres, t. II, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p x.)

102 HOLMES, D., op. cit., 1996, p. 22.

103 SANDERS, V., « First Wave Feminism », S. GAMBLE (dir.), The Routledge Critical Dictionary of Feminism

and Postfeminism, New York, Routledge, 2000, p. 16.

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droits de la femme et de la citoyenneté105. Portée par les promesses d’universalité des droits et

les grands principes d’égalité, de fraternité et de liberté entre les hommes véhiculés à l’époque106, de Gouges proposait une sorte de réponse à la Déclaration des droits de l’homme

et du citoyen. D’ailleurs, les débats engendrés par la Révolution de 1789 auxquels participait

Wollstonecraft l’auraient inspirée dans la rédaction de son pamphlet107. C’est ainsi que Jennifer Waelti-Walters et Steven C. Hause concluent que les racines du féminisme moderne se trouvent, de fait, en France108. Il faut dire qu’à l’époque, certains droits sociaux furent consentis en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, tels la majorité à 21 ans pour les deux sexes, la loi sur le divorce promulguée en 1792 – rappelons cependant que cette loi fut abrogée 1816, puis rétablie en 1884 –, l’établissement de clubs féminins109. L’histoire démontre toutefois que la société française n’était pas prête à recevoir les idées d’Olympe de Gouges ni à accorder aux femmes l’égalité pourtant réclamée comme valeur universelle : la pionnière du féminisme fut guillotinée en 1793110.

À partir de la Terreur, l’effervescence féministe s’éteignit graduellement111 avant de renaître au fil du XIXe siècle. Albistur et Armogathe expliquent : « Les femmes de la Révolution

105 Voir GOUGES, O. de, « Femme, réveille-toi ! » : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne et

autres récits, M. REID (dir.), Gallimard, coll. « Folio », 2014.

106 Selon Albistur et Armogathe, « [l]es femmes de 1789 vont réclamer en quelques années plus d’améliorations

de leur condition qu’elles n’en avaient sollicité depuis deux siècles ». (ALBISTUR, M. et D. ARMOGATHE, Histoire du féminisme français du moyen âge à nos jours, Paris, Éditions des femmes, 1977, p. 213.)

107 WAELTI-WALTERS, J. et S. C. HAUSE, Feminisms of the Belle Epoque: A Historical and Literary

Anthology, Lincoln et London, University of Nebraska Press, 1994, p. 2.

108 Ibid.

109 HOLMES, D., French Women’s Writing, op. cit., p. 5.

110 Martine Reid précise que de Gouges « périt sur l’échafaud pour la publication d’écrits jugés

antirévolutionnaires et pour des positions antijacobines qu’elle n’a jamais cherché à dissimuler ». (REID, M., « Présentation », GOUGES, O. de, op. cit., empl. 77 [version Kindle].

111 La disparition de la presse féminine et des clubs féminins serait en partie responsable de ce déclin.

avaient le tort de ne plus correspondre à l’imaginaire collectif. Les rigueurs du Code civil vont consacrer cette grande défaite féminine112. » C’est ainsi que les avancées en matière de droits des individus exclurent les femmes à plusieurs égards et que ces dernières perdirent même certains acquis. S’ensuivirent un creux féministe113, puis un renouveau, au XIXe siècle. C’est d’ailleurs à partir de cette période que se fixe le terme « féminisme » dans son sens actuel, lequel trouve sa source sous la monarchie de Juillet114. À l’époque, les inégalités entre les

sexes inscrites dans le Code civil (femme mineure au sens de la loi, ne pouvant disposer de son propre salaire, soumise à des sanctions plus sévères que l’homme en cas d’adultère115 après l’abolition de la loi sur le divorce en 1816) constituèrent un élément catalyseur dans la formation de groupes féministes organisés. De fil en aiguille, les réflexions avancèrent et les revendications pour une société plus juste s’amplifièrent, tant et si bien que sous la Troisième République, l’écart entre les idéaux d’humanisme libéral et les contraintes réelles exercées sur les femmes entraîna une résurgence du féminisme116.

On assista à une intensification des progrès des mouvements des femmes et à ce que l’on appela, rétrospectivement, le féminisme de la première vague117. Hétérogènes, les groupes

112 ALBISTUR, M. et D. ARMOGATHE, op. cit., p. 236. 113 HOLMES, D., French Women’s Writing, op. cit., p. 6.

114 Le Trésor de la langue française établit l’origine du terme, dans le sens d’une « doctrine visant à l’extension

du rôle des femmes », à 1837.

115 Les frères Paul et Victor Margueritte soulèvent cette question dans Femmes nouvelles publié en 1899 à Paris

chez Plon Nourrit.

116 HOLMES, D., French Women’s Writing, op. cit., p. 21.

117 Le féminisme de la première vague couvre une période d’environ un siècle, grosso modo du milieu du XIXe

siècle à l’éclatement de la Première Guerre mondiale. Sous l’entrée « First Wave Feminism », The Routledge Critical Dictionary of Feminism and Postfeminism (GAMBLE, S. [dir.], op. cit., p. 233) donne la définition suivante : « This term refers to the first concerted movement working for the reform of women’s social and legal inequalities in the nineteenth century. » Sous l’entrée « Mouvements féministes », le Dictionnaire critique du féminisme (HIRATA, H. et al. [dir.], Paris, PUF, 2004, p. 139 et 140) propose la définition suivante : « En Amérique du Nord et en Europe, historiens et féministes ont longtemps distingué deux vagues historiques des

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féministes de l’époque étaient parfois mus par des idéologies différentes à certains égards, bien que l’objectif commun de rendre les hommes et les femmes égaux devant la loi et les institutions les réunissait. S’ils partageaient aussi des demandes comme le droit de suffrage, l’accès à l’éducation et au travail rémunéré, les groupes divergeaient, notamment en ce qui a trait au divorce, à la contraception et au droit à l’avortement. On ne s’en étonnera guère, les féministes catholiques s’opposèrent en général à la dissolution des mariages ainsi qu’aux moyens de planification des naissances. À propos des féministes socialistes de la Belle Époque, Felicia Gordon et Maire Cross décrivent la nouvelle organisation sociale qu’elles imaginent dans laquelle les femmes seraient à la fois productrices et bénéficiaires des transformations apportées :

[they] imagined a new social organisation in which the “new woman”, emancipated

from the social and sexual constraints of the past, would be both an agent of change and would benefit from social transformation. Social and personal emancipation for women, they believed, were inseparable118.

On ne saurait nier que l’investissement de l’espace social par certaines femmes dans des rôles généralement réservés aux hommes fit en sorte qu’elles gagnèrent en autonomie et que, dans une dynamique de cause à effet, la société les accueillit davantage comme des citoyennes à part entière. Les magazines féminins, réapparus au milieu du XIXe siècle, jouèrent également un grand rôle dans la diffusion des idées féministes de l’époque. « De 1871 à 1914, trente-cinq publications féministes voient le jour. En 1900, il y a presque autant de journaux féministes

mouvements féministes : la première émerge dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle […]. »

118 GORDON, F. et M. CROSS, Early French Feminisms, 1830-1940. A Passion for Liberty, Cheltenham,

(18) que de magazines119. » L’un des plus reconnus, La Fronde, fondé par Marguerite Durand,

était entièrement produit par des femmes (de l’administration à l’impression en passant par la rédaction). La plupart des auteures du corpus y publièrent des textes.

Christine Bard résume le féminisme des premières décennies du XXe siècle en ces termes : Au tournant du siècle, le féminisme est à la mode. On parle de « femmes nouvelles », on discute du costume des femmes cyclistes, on plaint le sort des travailleuses à domicile. […] Les féministes, elles, réclament le droit de vote, le droit à l’instruction, le droit au travail et à l’égalité des salaires, l’abolition de la prostitution, l’émancipation de la femme mariée, la protection de la maternité, parfois même la reconnaissance de l’union libre, le droit à la contraception, plus rarement le droit à l’avortement120.

Selon les observations de nombreux historiens, à l’aube de la Grande Guerre, les idées féministes ont la cote. Un sondage effectué à l’époque démontrait même un fort appui de la population envers le droit de vote des femmes121. L’éclatement de la Première Guerre mondiale allait toutefois mettre un frein à ces aspirations libératrices.

« Un monde venait de s’écrouler. Personne ne le savait encore. Le fracas de la gigantesque démolition n’était représenté, sur la terre entière, que par les premières minutes d’une consternation universelle et silencieuse122 ». Tel est le constat que posa a posteriori Lucie Delarue-Mardrus au sujet du premier conflit mondial. Une fois la France mobilisée, en 1914, la plupart des groupes féministes emboîtèrent le pas et soutinrent le pays, interrompant par le fait même leurs revendications : « For most, national identity at a time of crisis took

precedence over solidarity as a sex123 », constate Diana Holmes. En même temps, la guerre

119 ALBISTUR, M. et D. ARMOGATHE, op. cit., p. 368. 120 BARD, C., Les filles de Marianne, op. cit., p. 9. 121 HOLMES, D., French Women’s Writing, op. cit., p. 25.

122 DELARUE-MARDRUS, L., Mes Mémoires, Paris, Gallimard, 1938, p. 189. 123 HOLMES, D., French Women’s Writing, op., cit., p. 109.

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accéléra l’accession des femmes à la sphère publique. Sollicitées par divers secteurs d’emplois, les femmes firent l’expérience du travail rémunéré à l’extérieur du foyer. Elles partagèrent l’espace public avec les hommes, travaillant comme infirmières, conductrices d’ambulance, dans les usines de fabrication de munitions, etc. Toutefois, ces nouvelles possibilités étaient toujours orientées vers l’effort de guerre et non vers l’avancée des droits des femmes. Des hommes au front, tués ou blessés au service de la patrie, voilà une situation peu propice aux revendications des civils restés sur place.

Une fois la guerre terminée, les Françaises, contrairement aux femmes des autres pays des forces alliées, n’obtinrent ni le droit de vote ni aucune amélioration considérable de leurs droits124. Deux tendances féministes s’accentuèrent alors. D’un côté, un féminisme « intégral125 », défendu notamment par Nelly Roussel, vise à abolir les inégalités entre les

sexes, dénonçant l’infériorité des femmes dans le mariage, luttant aussi pour l’accès à la contraception et à l’avortement, c’est-à-dire « [l]a possibilité, pour chaque femme, de n’être mère qu’à son gré126 ». De l’autre côté, un féminisme social (beaucoup plus répandu que le premier) revendique certains droits civils, mais ne souhaite pas de modifications quant à la conception de la cellule familiale. Ainsi observe-t-on une période de recul en ce qui concerne l’amélioration de la condition sociale des femmes. Les idées conservatrices prirent de l’envergure, comme si la population était nostalgique d’un ordre ancien exempt de rapports égalitaires entre les sexes. Les femmes, durant la période de l’entre-deux-guerres, se retrouvèrent devant un « néant féministe127 ». La politique de repeuplement de la France

124 Ibid.

125 ALBISTUR, M. et D. ARMOGATHE, op. cit., vol. 2, p. 569. 126 ROUSSEL, N., « Féminisme », Le Libertaire, 13 février 1904.

insuffla dans la conscience collective le sentiment qu’il n’est pas bon d’accorder trop de droits aux femmes. Nombreuses furent celles qui se considéraient comme confinées au rôle d’« éternelles sacrifiées128 ».

Le scandale provoqué en 1922 par la publication de La Garçonne de Victor Margueritte129 témoigne éloquemment de ce recul : vingt ans plus tôt, dans le contexte de la Belle Époque, les personnages mis en récit par Rachilde, Renée Vivien, Colette, pour ne nommer que ces trois auteures, avaient déjà fait état de la consommation de drogues, de relations hors mariage, de lesbianisme et d’autres comportements hétérodoxes dans des œuvres dont la trame narrative déjoue l’issue convenue du mariage. Or Monique Lerbier, l’héroïne dégourdie de Margueritte, se range, à la fin du récit, dans le droit chemin, c’est-à-dire du côté de la tradition, en choisissant l’institution du mariage, entrevoyant même la possibilité de devenir mère. Est-il besoin de rappeler que douze ans plus tôt, Renée Néré, femme nouvelle imaginée par Colette, refuse cette voie toute tracée au profit d’une carrière artistique et d’une autonomie amoureuse, tout comme les protagonistes saphiques qui peuplent les nouvelles de La Dame à la louve130, de Renée Vivien, recueil publié en 1904 ? Quant à l’usage des drogues, Rachilde le met en récit dans Monsieur Vénus131 en 1889 ! Ainsi, tant sur le plan de la trame narrative – qui

maintient le destin féminin traditionnel – qu’en ce qui concerne les thèmes abordés – homosexualité féminine, célibat et indépendance financière de la protagoniste, utilisation des drogues, avortement, etc. – le roman La Garçonne produit un choc à rebours.

128 ROUSSEL, N., L’éternelle sacrifiée, Paris, Syros, 1979 [1906]. 129 MARGUERITTE, V., La Garçonne, Paris, J’ai Lu, 1972 [1922].

130 VIVIEN, R., La Dame à la louve, Paris, Gallimard, 2007 [1904]. Dorénavant, toutes les références à cet

ouvrage seront indiquées entre parenthèses par les lettres DL suivies du numéro de page.

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La Grande Dépression vint, on le sait, renforcer les doutes concernant la place des femmes sur le marché du travail. Le chômage grandissant se traduisit pour elles non seulement par des pertes d’emplois, mais également par la réduction des salaires, car on percevait dans ces possibles modifications des rôles sexués une menace à la famille traditionnelle au sein de laquelle l’homme affirmait sa supériorité en tant que pourvoyeur. S’ensuivit un problème de dénatalité qui, combiné aux effets de la crise économique, entraîna l’émergence, dans la population, d’un sentiment négatif à l’égard du travail au féminin ainsi que du contrôle des naissances, ce qui mit un frein aux velléités émancipatrices des féministes. Tout n’était cependant pas perdu pour elles, car l’éducation des femmes poursuivit sa montée. À ce propos, Jean-François Condette rappelle qu’alors que, pour la période de 1899 à 1900, les femmes ne représentaient que 3,2 % des inscriptions universitaires en France, ce pourcentage atteignit 10 % au début de l’année 1914. Ce chiffre n’aurait cessé d’augmenter durant la période de l’entre-deux-guerres puis après, jusqu’à nos jours132.

S’il est indéniable que des gains furent obtenus pendant la période qui nous occupe (1900- 1940) quant à la place des femmes dans la société, et que des groupes féministes s’organisèrent et s’institutionnalisèrent, force est de constater que toutes les questions qui concernaient les rôles genrés et le corps de la femme (relations hors mariage, contraception, maternité, etc.) divisèrent la France à l’aube du deuxième conflit mondial.

Ce sont ces questions, entre autres, que discutent, à divers égards, les personnages de femmes nouvelles qui peuplent les récits à l’étude. Leurs auteures font la part belle aux vagabondes, aux girls, aux amazones et autres rebelles en problématisant les bouleversements sociaux qui

132 CONDETTE, J.-F., « “Les Cervelines” ou les femmes indésirables : l’étudiante dans la France des années

ont cours à l’époque, lesquels modifient les rapports entre les individus. Or, les principaux événements survenus durant la période de 1900 à 1940 influencèrent le cours de l’Histoire de même qu’ils infléchirent les pratiques artistiques. C’est ainsi que se développa de façon concomitante à tous ces bouleversements une nouvelle esthétique, en littérature et dans les arts, que l’on associera au courant moderniste.