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La monoparentalité : une réalité essentiellement féminine

Diversité des situations mais féminisation importante

Selon la définition de l’INSEE, une famille monoparentale est composée d’un seul parent vivant sans conjoint avec son ou ses enfants mineur(s) ou majeur(s) de moins de 25 ans.

Pour les caisses d’allocations familiales, sont considérées comme monoparentales les personnes veuves, divorcées, séparées ou célibataires, qui n’ont pas de vie maritale et assument seules la charge effective et permanente d’un ou plusieurs enfants de moins de 20 ans (moins de 21 ans pour le complément familial ou les allocations logement, moins de 25 ans pour le RSA). Les CAF cherchent principalement à appréhender la situation budgétaire des familles alors que les enquêtes de l’INSEE privilégient la co-résidence54.

La notion de famille monoparentale fait débat. En effet, la parentalité survit aux séparations conjugales, le parent qui ne réside pas principalement avec l’enfant (majoritairement le père) continuant, dans de nombreux cas, à assumer sa fonction parentale, que ce soient en termes affectifs, éducatifs ou financiers.

De fait, la notion de « famille monoparentale » ne recouvre pas exactement celle de

« parent qui élève seul un ou plusieurs enfants ». Seuls les veufs ou veuves, certains parents célibataires ou dont les pensions alimentaires restent impayées, répondent véritablement au vocable d’« isolés ».

Au-delà des débats sur la définition des familles monoparentales et sur la légitimité de cette appellation, il reste que cette notion a permis d’appréhender et de rendre visible l’évolution d’un phénomène qui s’est accru et diversifié dans ses formes avec cependant une constante : celle de la féminisation.

Ces familles sont en augmentation constante depuis les années 1970 et la croissance s’est accélérée depuis 1990 comme le montre le tableau ci-après.

54 Pour l’INSEE, une famille monoparentale est un ménage comprenant au moins deux personnes et constitué d’un adulte - sans conjoint cohabitant - avec son ou ses enfant(s) célibataire(s) de moins de 25 ans. Un ménage recouvre l’ensemble des personnes qui partagent la même résidence principale.

Tableau 17 : Les familles avec enfant(s) de moins de 18 ans en 1990, 1999 et 2008

Champ : France, population des ménages, familles avec au moins un enfant de 0 à 17 ans (en âge révolu).

Sources : Insee, recensements de la population 1990 (sondage au 1er avril) 1999 et 2008 (exploitations complémentaires). Regards sur la parité - Édition 2012.

Il apparaît que sur les quelque 7,9 millions de familles avec enfants de moins de 18 ans, 1,6 million sont des familles monoparentales. Leur part dans l’ensemble des familles avec enfants mineurs s’accroît régulièrement, passant de près de 13 % en 1990 à presque 21 % en 2008. En prenant en compte les enfants de moins de 25 ans, on dénombrait la même année 2 millions de familles monoparentales soit 21,8 % ; la population des enfants, adolescents et jeunes de moins de 25 ans concernés atteignait quant à elle 2,8 millions55.

Dans les pôles urbains, les foyers monoparentaux représentent 25 % des familles contre 16 % en zone rurale et ils en constituent 30 % dans les zones urbaines sensibles.

À Paris, 28 % des familles sont monoparentales, soit 70 000 foyers. Elles sont surreprésentées dans les 14 quartiers ciblés par la politique de la ville où une famille sur trois est formée d’un parent seul vivant avec son ou ses enfants.

Leur proportion est également deux fois plus importante dans les Dom qu’en métropole (39 % contre 21 %). Aux Antilles et en Guyane, plus de 40 % des enfants vivent dans une famille monoparentale, 29 % à la Réunion56. Le taux de foyers monoparentaux avec plus d’un enfant est également plus élevé qu’en métropole : 44 % en métropole, 52 % dans les Dom dont 62 % en Guyane.

Cette évolution sociologique est constatée, bien qu’à des degrés divers, partout en Europe et, dans tous les pays, la monoparentalité correspond majoritairement à une mère et son ou ses enfant(s)57.

En 2010, dans les pays de l’Europe du Sud (Espagne, Italie, Portugal) la proportion de familles monoparentales demeure globalement faible (moins de 13 %) et résulte, plus fréquemment que dans les autres pays, du veuvage. Dans les pays d’Europe de l’Est et en Irlande, le taux de monoparentalité est de l’ordre de 20 %. Il est plus élevé au Royaume-Uni où il atteint 24 %. Le Royaume-Uni, l’Irlande et la Pologne ont par ailleurs pour point commun l’importance des maternités célibataires, et notamment précoces 55 Les familles monoparentales : des difficultés à travailler et à se loger. Insee Première n° 1195 - Juin 2008.

56 Les départements d’Outre-mer face aux défis du vieillissement démographique et des migrations. Populations et sociétés n° 460. INED - Octobre 2009.

57 Étude de la Commission européenne sur la pauvreté et l’exclusion sociale des familles monoparentales. Rossana Trifiletti. Fondation Brodolini - 2007.

Étude faite à la demande du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale sur les politiques envers les familles monoparentales en Allemagne, France, Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni. Rapport d’information n° 4098. Rapporteurs : Michel Heinrich et Régis Juanico – Décembre 2011.

1990 1999 2008

Nombre de familles (en milliers)

Couples avec enfant(s) 6 703,5 6 342,6 6 270,6

Familles monoparentales 954,2 1 290,8 1 624,0

Ensemble 7 657,7 7 633,4 7 894,6

Structure des familles (en %)

Familles monoparentales dans l’ensemble des familles 12,5 16,9 20,6

Familles mère-enfant(s) dans l’ensemble des familles monoparentales 88,5 87,7 85,8

(avant la majorité), tandis que dans les autres pays d’Europe de l’Est, la monoparentalité est davantage la conséquence des séparations et des divorces.

Les taux de monoparentalité sont voisins aux Pays-Bas (15 %) et en Allemagne (16 %).

Il est sensiblement plus élevé en France (21 %) mais dans ces trois pays, on constate une part élevée de divorces et de séparations qui représentent largement plus de la moitié des causes de monoparentalité. La proportion des mères seules, sans vie de couple préalable, est également importante (de 15 % à 30 %) tandis que celle des veuves est relativement faible.

Il apparaît en outre que les femmes sont fortement surreprésentées parmi les parents isolés au Royaume-Uni et en Allemagne où elles sont à la tête de neuf familles monoparentales sur dix. La Suède se caractérise a contrario par une proportion significative d’hommes (32 % au regard de 68 % de femmes).

En France, en quarante ans, les raisons qui conduisent à la monoparentalité ont significativement évolué. Jusque dans les années 1970, le veuvage en constituait la cause principale : en 1962, 55 % des parents à la tête d’une famille monoparentale étaient veufs, ils sont désormais moins de 10 %. Les ruptures d’union sont, en revanche, aujourd’hui à l’origine des trois-quarts des situations de monoparentalité (divorces ou séparations de parents en union libre), et dans 15 % des cas, la mère était seule dès la naissance de l’enfant.

On estime à 235 000 par an les faits générateurs de l’isolement : 145 000 divorces ou séparations, 48 000 maternités célibataires, 42 000 décès.

Une enquête Ipsos/Logica Business Consulting pour Femme Actuelle sur les « mamans solos », publiée le 15 octobre 201258, sur laquelle on reviendra plus loin, révèle que pour la majorité des Français (57 %) comme pour celle des mères isolées (58 %), l’essor du phénomène des « mamans solos » est essentiellement dû au fait que « les femmes acceptent moins de choses qu’auparavant de la part des hommes ». Cependant, pour 20 % des Français et 35 % des mères isolées la raison avancée est que « les hommes assument moins leurs responsabilités qu’avant ».

Quelle qu’en soit la cause, la féminisation de la monoparentalité est importante : plus des trois-quarts des personnes veuves, âgées de moins de

55 ans, recensées en 2009 par l’INSEE sont des femmes dont la plupart ont encore au moins un enfant à charge à la disparition du conjoint.

Lors d’un divorce, la garde de l’enfant est confiée à la mère dans 77 % des cas et dans 84 % des cas après une séparation sans mariage préalable59. Ainsi, dans 86 % des situations de monoparentalité, le parent avec lequel réside (ou réside principalement) le ou les enfants est la mère. Pour autant, le père n’est pas systématiquement absent : si 40 % des enfants n’ont avec lui que de rares relations, voire aucune, 25 % le voient au moins une fois par semaine et 17 % sont hébergés chez lui régulièrement ou occasionnellement60.

Par ailleurs, à l’âge d’un an, l’INED (Institut national d’études démographiques) estime que le nombre d’enfants non reconnus par leur père est compris entre 25 000 et 30 000 par 58 Ipsos Public Affairs/Logica Business Consulting. Enquête sur les “mamans solos” pour Femme Actuelle portant

sur un échantillon représentatif de 850 personnes dont 219 mères célibataires Septembre 2012.

59 Ruptures et discontinuités de la vie familiale. Les séparations et divorces des parents. La lettre du Haut conseil de la famille n° 05 - Juillet 2010.

60 Enquête Études des relations familiales intergénérationnelles. Insee 2005.

génération, soit entre 3 % et 4 % de l’ensemble des enfants. A l’âge de 20 ans, leur nombre serait compris entre 15 000 et 20 000 soit entre 2 % et 2,5 % d’une génération61. Plus de 96 % des enfants seraient donc reconnus par leur père, y compris lorsque celui-ci ne vivait pas avec la mère au moment de la naissance.

Les familles monoparentales ont enfin, en moyenne, moins d’enfants que les couples : près de six sur dix sont composées d’un parent et d’un seul enfant. En outre, pour beaucoup de foyers monoparentaux, il s’agit d’une situation transitoire : nombre de parents (re)prennent une vie de couple et/ou l’état de monoparentalité cesse au départ des enfants.

Selon le Haut Conseil de la famille, la durée moyenne de monoparentalité des familles ayant des enfants de moins de 20 ans est de près de 7 ans. Toutefois, beaucoup de parents restent isolés pendant plusieurs années (en particulier lorsque la mère est seule à la naissance de l’enfant).

Conséquence de cette évolution sociologique, dès les années 1970 ainsi que l’a rappelé Patricia Augustin lors de son audition, les familles monoparentales ont acquis une représentation au sein de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) via la Confédération syndicale des familles (CSF) puis peu à peu une visibilité comme thème de recherche et comme catégorie de l’action publique.