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ٰUn risque important d’inactivité professionnelle lorsque l’enfant est jeune

80 % des femmes seules avec enfants sont sur le marché du travail contre 74 % des femmes ayant des enfants et vivant en couple. Elles se maintiennent sur le marché du travail, lorsqu’elles y étaient avant leur isolement, ou elles s’efforcent d’y entrer après un divorce ou une séparation : ainsi avoir connu une rupture l’année précédente multiplie presque par deux la probabilité de se présenter sur le marché du travail.

Pour les femmes qui n’exerçaient pas d’activité professionnelle avant la séparation, 56 % restent dans cette situation l’année qui suit la rupture et 44 % entrent sur le marché du travail, dont 37 % exercent effectivement une activité l’année suivant la séparation79.

Les mères isolées sont toutefois plus souvent au chômage que les mères en couple : 15 % sont dans ce cas (dont 57 % au chômage de longue durée) contre 8 % des mères en couple (dont 38 % au chômage de longue durée). Deux explications peuvent être avancées pour justifier cet écart : d’une part, une plus faible qualification, en moyenne, des mères de famille monoparentale : 23 % ont un diplôme de l’enseignement supérieur contre 30 % pour les mères vivant en couple. D’autre part, les mères isolées à la recherche d’un emploi s’inscrivent plus souvent au chômage (54 %) que les mères en couple dans la même situation (31 %)80.

79 La séparation conjugale affecte-t-elle l’activité professionnelle ? INED. C. Bonnet, A. Solaz, E. Algava. Document de travail n° 164 2009.

80 Les données statistiques figurant dans cette partie proviennent de l’INSEE. Les familles monoparentales. Des difficultés à travailler et à se loger. INSEE - Première n° 1195 - Juin 2008 et du rapport du Haut Conseil de la famille sur les Ruptures et discontinuités de la vie familiale publié en juillet 2010.

Par ailleurs, le taux d’emploi des mères isolées varie avec l’âge de l’enfant, la corrélation étant beaucoup plus prononcée pour elles que pour leurs homologues en couple.

Ainsi, lorsqu’ils ont moins de trois ans, seuls 41 % des enfants de foyers monoparentaux ont une mère occupant un emploi, contre 63 % des enfants vivant avec des parents en couple.

Il convient, en outre, de souligner que l’inactivité et le sur-chômage des mères seules élevant de jeunes enfants reflètent aussi leurs difficultés à assurer une activité professionnelle.

Plusieurs freins se combinent : faible qualification, déficit de modes de garde adaptés et accessibles financièrement, logement excentré. Au regard des emplois proposés, tant en termes de rémunération que de conditions de travail et d’horaires, certaines peuvent donc être, compte tenu de leurs contraintes, incitées à se retirer du marché du travail et à se contenter de minima sociaux correspondant à des montants parfois très proches des salaires qu’elles pourraient obtenir. En revanche, au-delà de 10 ans, la proportion des enfants dont la mère occupe un emploi est du même ordre que celle-ci soit isolée ou en couple (autour de 70 %).

ٰUne surreprésentation dans le travail à temps partiel subi

Les mères de familles monoparentales sont un peu plus présentes que les autres parmi les agents de services, les aides à domicile, les personnels de nettoyage et les adjoints administratifs de la fonction publique.

Quand elles ont un emploi, les mères isolées sont moins souvent à temps partiel (28 %) que les mères en couple (35 %)81 et le taux de temps partiel décroit fortement avec la qualification des emplois : 39 % pour les ouvrières ou employées non qualifiées contre 16 % pour les cadres (cf. tableau ci-après).

81 Source : INSEE, enquêtes emploi du 1er au 4ème trimestre 2010.

Tableau 21 : Le taux de temps partiel décroît fortement avec la qualification des emplois chez les mères de famille monoparentale

Taux de temps partiel (1)

Catégorie sociale Mères

de famille monoparentale Mères

en couple avec enfants

Ouvrières

ou employées non qualifiées 39 % 43 %

Ouvrières

ou employées qualifiées 23 % 35 %

Professions intermédiaires 18 % 32 %

Cadres 16 % 26 %

Agricultrices, artisanes, commerçantes 13 % 15 %

Total 28 % 35 %

(1)Part des emplois à temps partiel dans le total des emplois Champ : France métropolitaine, ménages ordinaires, mères de famille avec enfants de moins de 25 ans

en années révolues, ayant un emploi.

Source : INSEE Première n° 1195 - Juin 2008 et enquêtes emploi 2010.

Parmi celles qui ont un emploi à temps partiel, 47 % souhaiteraient travailler davantage (contre 25 % des mères en couple). Les mères isolées forment donc le gros bataillon des femmes ayant un emploi à temps partiel subi.

Ainsi, au total, une mère de famille monoparentale sur deux est en emploi à temps complet, soit à peine plus que les mères en couple.

Selon l’étude précitée du Centre d’études de l’emploi de juin 2007 sur les familles monoparentales en France, si les femmes sont surreprésentées dans les emplois précaires, les mères seules sont plus exposées à ces types d’emplois que les mères en couple : 16 % contre 10 % sont en CDD, stages, apprentissage et contrats aidés.

Les horaires atypiques ne concernent pas davantage les mères isolées que celles en couple mais ces rythmes de travail leur posent incontestablement plus de problèmes d’organisation, dès lors qu’ils sont contraints et que peu de services d’accueil des enfants fonctionnent en dehors des horaires de travail traditionnels.

D’une manière générale, les contraintes matérielles pèsent plus fortement sur les familles monoparentales les plus vulnérables qui sont souvent concentrées dans les zones d’habitat social éloignées du centre ville.

Le tableau ci-après récapitule les différences conséquentes qui existent en matière de situation dans l’emploi entre les mères isolées et les mères en couple.

Tableau 22 : Comparaison entre femmes en foyer monoparental et femmes en couple avec enfant(s) (les valeurs supérieures sont en gras)

en %

Source : La lettre du Haut Conseil de la famille Ruptures et discontinuités de la vie familiale. L’isolement du père ou de la mère n° 03 - juillet 2010.

ٰUne vulnérabilité accrue au sein du milieu de travail

Il importe de souligner que la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel retient la qualification de circonstances aggravantes82 lorsque les faits sont commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l’auteur.

La circulaire d’application de la loi publiée le 7 août 2012 précise que cette notion de vulnérabilité s’applique tout particulièrement aux personnes fragilisées par un contexte de précarité et qui ne sont pas en mesure de s’opposer aux comportements de leur harceleur, comme par exemple des jeunes femmes élevant seules leurs enfants à la suite d’une rupture conjugale et disposant de très faibles revenus.

Les constats qui précèdent rendent d’autant plus prégnante la conclusion de l’étude précitée, réalisée pour la Commission européenne en 2008 sur la pauvreté des familles monoparentales83, qui soulignait que pour favoriser l’accès au marché du travail des « gagne-pain » des familles monoparentales -hommes ou femmes- il ne faudrait pas avoir recours à la contrainte ou au chantage mais améliorer surtout la qualité du travail auquel elles peuvent avoir accès. Le problème d’être piégées dans des emplois de mauvaise qualité est une réalité pour les mères seules.

82 La peine initiale de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende pourra ainsi être portée par le juge à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.

83 Étude sur la pauvreté et l’exclusion sociale des familles monoparentales. Rapport coordonné par Rossana Trifiletti.

Fondation Brodolini - 2007.

ٰDes difficultés supplémentaires d’articulation entre vie professionnelle et vie familiale L’accessibilité financière constitue un élément prépondérant dans le choix du mode de garde de l’enfant pour les mères isolées. Pour près de 40 % d’entre elles, l’accueil par la famille ou des amis est privilégié. On constate aussi chez les familles monoparentales un recours important à la scolarisation précoce des enfants (avant trois ans) : 22 % des enfants de moins de trois ans, vivant dans une famille monoparentale, vont à l’école maternelle contre 17 % des enfants du même âge vivant avec leurs deux parents.

Les mères isolées d’enfants scolarisés ont également davantage recours à la garderie périscolaire ou à l’étude que les mères vivant en couple (54 % contre

38 %) ainsi qu’au centre aéré (42 % contre 31 %) qui constituent des modes de gardes moins onéreux que les modalités d’accueil plus individualisées84. Et même dans ce cas, le baromètre de l’action sociale locale 2012 de l’UNCCAS cité plus haut souligne la croissance préoccupante des difficultés de paiement des services municipaux par les ménages (cantine scolaire, accueils de loisirs ou périscolaires, colonies de vacances, etc.) rapportées par plus de la moitié des CCAS (53 %). Ces difficultés concernent au premier chef les foyers monoparentaux.

Faciliter, en termes d’accès et de coût, la garde des enfants constitue un enjeu essentiel pour permettre le maintien ou le retour à l’emploi des parents isolés. Cet objectif est d’ailleurs inscrit dans l’article 8 de la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l’emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. Cette disposition a pour objet d’aider ceux-ci à trouver un mode de garde pour leurs jeunes enfants en instituant, non pas une priorité d’accès en crèche, mais un mécanisme de places garanties réservées aux bénéficiaires du revenu minimum d’insertion, de l’allocation de parent isolé ou de l’allocation de solidarité spécifique. Ce dispositif s’applique à l’ensemble des crèches (collectives, parentales, familiales, d’entreprise) ainsi qu’aux haltes garderies accueillant des enfants non soumis à l’obligation de scolarité. La convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la CNAF (COG 2005-2008) avait également prévu de poursuivre le développement du nombre de places d’accueil et la prise en charge spécifique des bénéficiaires de l’allocation de parent isolé (API). Mais la mise en œuvre de ces dispositifs auprès des allocataires de minima sociaux et/ou des familles monoparentales n’a fait l’objet d’aucun bilan.

Selon Christine Kelly, présidente de la Fondation « K d’urgences »85, les principaux obstacles à la recherche et à la reprise d’un emploi sont l’inaccessibilité des services de garde d’enfants, les problèmes liés aux moyens de transport et les difficultés dans la poursuite de formations. Ainsi, selon un sondage effectué en avril 2011 pour la Fondation « K d’urgences »86, les solutions proposées en termes de garde d’enfants sont jugées insuffisantes par les deux tiers des parents qui élèvent seuls leur(s)enfant(s).

84 Les familles monoparentales en France. Rapport de recherche du Centre d’études de l’emploi Anne Eydoux, Marie-Thérèse Letablier et Nathalie Georges n°36 - Juin 2007.

85 La Fondation K d’urgences a été créée en avril 2010 par Christine Kelly, journaliste et membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, sous l’égide de la Fondation de France, pour venir en aide aux familles monoparentales en situation d’urgence.

86 Les difficultés des familles monoparentales/Fondation K d’urgences. Sondage de l’Institut CSA - Avril 2011. Éléments communiqués par Christine Kelly lors de son audition dans le cadre du rapport d’information S’inspirer des meilleures pratiques européennes pour améliorer nos performances sociales, présenté par Michel Heinrich et Régis Juanico - Assemblée nationale n° 4098 - 15 décembre 2011.

Le rapport d’information de l’Assemblée nationale précité souligne que les parents assumant seuls la charge d’un enfant se heurtent à des difficultés similaires dans d’autres pays en Europe. Ainsi, en Suède, où le plus souvent les mères isolées travaillent et où les structures d’accueil des enfants sont développées, leurs horaires ne sont toutefois pas adaptés à un travail à temps plein ou à horaires décalés. De même, au Royaume-Uni, la politique menée en faveur de la progression du taux d’emploi des parents isolés est freinée par les difficultés d’accès à des modes de gardes adaptés.

En France, c’est précisément pour lever cet obstacle que le dispositif GEPETTO (Garde d’enfants pour l’équilibre du temps familial, du temps professionnel et son organisation) a vu le jour en 2001. Complémentaires des structures d’accueil existantes, fonctionnant de jour comme de nuit, 7 jours sur 7, au bénéfice d’enfants âgés de 0 à 13 ans et intervenant au domicile des parents, ces services sont assurés par des professionnels de l’enfance. Financés en partenariat avec les CAF et les Conseils généraux, avec un abondement du Fonds social européen (FSE), ils répondent aux besoins spécifiques des utilisateurs (notamment horaires décalés, suivi d’une formation, défaillance du mode de garde habituel) et sont facturés en fonction de leurs ressources. Certains départements ont développé dans le sillage de ces services des lieux d’accueil parents/enfants et des espaces de soutien à la parentalité qui, selon un premier bilan effectué par l’UNCCAS en 2010, sont particulièrement appréciés par les parents en situation de monoparentalité.

Une douzaine de dispositifs d’accueils en relais existe aujourd’hui en France, ainsi que quelques crèches associatives fonctionnant sur une plage horaire élargie (6h 30 - 21h 30) et le samedi, mais comme le souligne Bénédicte Galtier87, maîtresse de conférences à l’Université Paris-Est Marne la Vallée, cette orientation doit néanmoins se garder de deux écueils potentiels : d’une part, une dégradation du bien-être de l’enfant soumis à des horaires parentaux peu respectueux de son rythme d’autre part, une dégradation des conditions de travail des professionnels en charge des jeunes enfants, majoritairement des femmes qui pourraient, dès lors, être elles aussi confrontées à une désynchronisation de leurs horaires de travail par rapport à leur propre vie familiale.

Par ailleurs, dans plusieurs arrondissements parisiens avec le soutien financier de la Ville de Paris, dans la mouvance de l’association Môm’artre créée en 2001 par une mère de famille monoparentale, des structures assurent un rôle complémentaire à l’accueil périscolaire et offrent un soutien individualisé à des enfants scolarisés jusqu’à 20h mais aussi le mercredi et durant les vacances scolaires.

Selon le rapport précité de la Mission sur les familles monoparentales à Paris, environ 30 % de celles-ci fréquentent ces antennes qui constituent pour elles de véritables lieux-ressources. En effet, elles leur procurent un relais, un temps pour souffler et les soutiennent dans leur recherche de formation et d’emploi.

87 L’arbitrage entre emploi et inactivité des mères de jeunes enfants : le poids des contraintes familiales, professionnelles et sociétales sur les modes d’accueil des enfants. Bénédicte Galtier - Économie et statistiques n° 447 - 2011.

Une grande vulnérabilité sociale malgré les dispositifs