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1.4 Objectif et modèles d’étude

1.4.3 La moniliose du cacaoyer

La moniliose du cacaoyer est une maladie cryptogamique qui infecte les fruits des espèces des genres Theobroma, telles que le cacaoyer (Theobroma cacao), et Herrania. L’agent pathogène, Moniliophthora roreri, est un basidiomycète de la famille des Maras- miaceae. Cette maladie est considérée comme potentiellement la plus dommageable car si elle est responsable d’une faible perte de production à l’échelle mondiale c’est seulement parce qu’elle n’a pas encore atteint les principaux pays producteurs situés en Afrique (Ploetz, 2007). En effet, cette maladie originaire du bassin amazonien s’est dispersée sur le continent américain mais pas au-delà de son continent d’origine. Elle a aujourd’hui été observée : en Colombie, en Équateur, au Vénézuela (première observation en 1941), au Pérou (1950), au Panama (1956), au Costa Rica (1978), au Nicaragua (1980), en Honduras (1997), au Guatemala (2002), au Bélize (2004) et au Mexique (2005) où elle a atteint la limite géographique Nord de la culture du cacao sur le continent américain (Phillips-Mora and Wilkinson, 2007). La maladie semble n’avoir épargné que le Brésil certainement du fait de la dispersion spatiale des cacaoyers sauvages et plantés au sein du bassin amazonien n’ayant pas permis la dispersion de la maladie du Pérou aux zones de production bré-

siliennes (Evans, 1981). Cependant, la propagation de la maladie pourrait certainement être encouragée par l’augmentation des activités humaines dans cette zone. Si la plupart des rapports mentionnent des pertes moyennes de 30% des fruits des parcelles, les pertes peuvent dépasser les 90% dans des conditions favorables (Phillips-Mora and Wilkinson, 2007).

Le cycle de la maladie (cf. Figure 7) est fortement lié à la pluviométrie et au cycle de production des chérelles et cabosses du cacaoyer. A la reprise des pluies et à partir de l’inoculum primaire resté dans la parcelle sur les cabosses momifiées5 (Figure 7), le

champignon infecte les chérelles du petit pic de production (i.e. d’avril à juin cf. encadré 1). Le processus infectieux débute lorsque les conidies sont en contact avec la surface des chérelles. Ensuite, les conidies germent et pénètrent dans le fruit. La blessure du fruit n’est pas nécessaire à la pénétration du champignon. La période d’incubation, i.e. le délai entre la pénétration du champignon dans les tissus et l’apparition des premiers symptômes (ici des tâches brunes), est de 40 jours sur chérelles de moins de 60 jours au moment de l’infection et augmente jusqu’à 60 jours sur des chérelles et cabosses âgées de 60 à 90 jours au moment de l’infection (Thévenin and Trocmé, 1996). Cette période d’incubation de 40 à 60 jours a certainement conduit au déplacement involontaire de fruits infectés par les agriculteurs. Une semaine après l’apparition des premières lésions, la poudre blanche qui a valu son nom à la maladie (frosty pod rot c’est-à-dire pourriture givrée de la cabosse) apparaît à la surface des fruits infectés. Cette poudre blanche est constituée de millions de conidies qui seront disponibles pour l’infection des fruits du second et plus important pic de production. Ces conidies sont principalement dispersées par le vent (Phillips-Mora and Wilkinson, 2007). Ainsi, il a été montré que les conidies pouvaient être transportées par le vent sur 30 m à partir de cabosses situées à 2 m au-dessus du sol (Green, 1977). L’eau pourrait propager la maladie mais principalement d’une cabosse à l’autre au sein d’un même arbre (Thévenin and Trocmé, 1996). Le rôle des insectes dans la dispersion des spores de moniliose n’a pas été mis en évidence. L’ensemble des symptômes permet- tant d’identifier l’infection des fruits du cacaoyer par la moniliose est illustrées figure 7 (encadrés verts).

Des conditions microclimatiques contrastées favorisent les différents moments du cycle de vie de cet agent pathogène. La germination des conidies est favorisée par une forte humidité relative de l’air et la présence d’eau libre au sein de la parcelle. En effet, la ger- mination des conidies commence environ 2h après leur mise en contact avec une pellicule d’eau et est complète en 6 à 7h. A l’inverse, la libération et la dispersion des conidies sont plus importantes dans des conditions de faible humidité et de forte vitesse des vents

5. On parle de momification lorsque les cabosses atteintes de moniliose se dessèchent tout en gardant une couleur blanchâtre attestant la présence de spores en grande quantité.

Figure 7 – Schématisation du cycle de vie (environ 85 jours) et des symptômes de la moniliose du cacaoyer (d’après Philips-Mora and Cerda 2009).

dans la parcelle du fait d’un séchage de la masse de spores (les rendant plus légères) et du transport des conidies d’un cacaoyer à l’autre principalement réalisé par le vent. Ainsi, l’ombrage associé aux cacaoyers, qui augmente l’humidité relative mais diminue la rapidité des vents au sein d’une parcelle, est généralement considéré comme favorisant la germina- tion mais défavorisant la dispersion des conidies. C’est pourquoi, il est conseillé de fournir un ombrage aux cacaoyers, mais un ombrage modéré et uniforme, afin de maintenir une humidité relative relativement faible et de freiner la dispersion de l’agent pathogène par le vent.

Encadré 2 : Le cacaoyer au Cameroun

Le Cameroun est un pays d’Afrique centrale bordé par le golf de Guinée au sud- est. Son territoire est divisé en dix régions elles-mêmes divisées en 58 départe- ments. Le Cameroun possède de nombreuses ressources agricoles parmi lesquelles la banane et le cacao. En effet, le Cameroun est le cinquième producteur mondial de cacao depuis 2005 avec une production moyenne annuelle de 242 600 tonnes de fèves de cacao (FAO STAT). Le cacao est principalement produit au sein de systèmes agroforestiers dans deux grands bassins de production : le Sud-Ouest et le Centre-Sud. Dans la région Centre du Cameroun, le cacao est cultivé de la zone forestière au Sud du département de Nyong-et-So’o à la zone de transition savanne-forêt au Nord du département Mbam-et-Inoubou. Le département de la Lékié, le deuxième plus important producteur en cacao du pays, se trouve dans la zone forestière de la région centre soumise à une forte pression anthro- pique (Babin, 2009). Dans le département de la Lékié, les précipitations annuelles moyennes sont comprises entre 1400 et 1600 mm/an et sont principalement ré- parties entre deux périodes : la petite saison des pluies entre mars et mai et la grande saison des pluies entre septembre et novembre. Dans ce département, la récolte de cacao suit cette climatologie bimodale avec une récolte principale qui a lieu d’août à janvier et une récolte dite "intermédiaire" qui peut avoir lieu d’avril à juin (Jagoret, 2011).