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6.2 Variations de structure végétale et bioagresseurs

6.2.2 Les mécanismes liés au microclimat

Structure spatiale de la végétation et bioagresseurs du cacaoyer

Les trois bioagresseurs du cacaoyer étudiés dans ce travail de thèse ne sont pas affectés de la même façon par les conditions microclimatiques. Au Costa Rica, la germination des spores de l’agent pathogène Moniliophthora roreri responsable de la moniliose est favorisée par des conditions de forte humidité relative et de faible vitesse des vents. A l’inverse, sa dispersion se réalisant principalement par le vent, elle est favorisée par une faible humidité relative (qui améliore la libération des spores et diminue leur poids) et de forte vitesse des vents. Par conséquent, la recommandation pour réduire l’intensité de la moniliose dans une parcelle est de fournir un ombrage léger et homogène aux cacaoyers de façon à réduire la vitesse des vents sans augmenter trop fortement l’humidité relative au sein de la parcelle. Phytophthora megakarya, l’agent pathogène responsable de la pourriture brune de la cabosse au Cameroun, semble quant à lui globalement favorisé par l’ombrage. La sporulation du pathogène est favorisée par l’humidité relative et une faible ventilation de la parcelle. Sa dispersion étant réalisée principalement via l’eau libre, une augmentation de l’humidité relative n’est pas un frein à sa dispersion. Cependant, du fait de la réduc- tion des vents et de l’interception des gouttes de pluie, les arbres d’ombrage pourraient également être responsables d’une diminution de la dispersion. D’autre part, on sait que certaines fourmis sont responsable du transport des spores de cet agent pathogène, et en particulier les fourmis appartenant au genre Crematogaster qui vivent sur les arbres associés aux cacaoyers (Evans, 1971; Tadu et al., In press.). Par conséquent, l’effet de la

présence d’arbres d’ombrage sur la dispersion du pathogène est difficile à prévoir. Le rôle des insectes dans la dispersion de la moniliose n’a quant à lui pas été établi (Thévenin and Trocmé, 1996). Enfin, les mirides du cacaoyer au Cameroun appartiennent principalement à l’espèce Sahlbergella singularis (Babin, 2009). Les mirides bien que photophobiques sont présents en plus forte densité sur les cacaoyers qui reçoivent la plus grande part de lu- mière au sein de l’agroforêt (Babin et al., 2010; Bisseleua et al., 2011). Par conséquent, un ombrage est préconisé pour lutter contre ce ravageur. Babin et al. (2010) montrent également que l’ombrage des arbres forestiers, plus homogène que celui des arbres frui- tiers, diminue davantage la formation de poches à mirides4

. A partir des connaissances sur les bioagresseurs et des connaissances actuelles sur le lien entre la structure spatiale de la végétation et le microclimat, nous avions fait des hypothèses sur les relations entre structure spatiale de la végétation associée aux cacaoyers et bioagresseurs du cacaoyer au sein des agroforêts du Costa Rica et du Cameroun.

Concernant la moniliose au Costa Rica, nous avions fait les hypothèses suivantes : une augmentation de la densité en arbres d’ombrage diminue l’intensité de la moniliose en tamponnant les conditions microclimatiques au sein de la parcelle (H.2.3.), il serait préférable que ces arbres d’ombrage soient forestiers (plutôt que fruitiers) du fait de la capacité des arbres forestiers à fournir un ombrage plus homogène que les arbres fruitiers (H.2.4.), il est également préférable que les arbres d’ombrage soient régulièrement dis- tribués plutôt qu’agrégés pour éviter la création d’une hétérogénéité microclimatique au sein de la parcelle (H.2.6.). La densité en Musaceae n’affecte pas l’intensité de la moni- liose à l’échelle de la parcelle (H.2.5.). Dans l’ensemble, nos analyses montrent que l’effet de la structure horizontale des arbres d’ombrage est le facteur le plus déterminant dans les variations observées d’intensité de la moniliose. Parmi les variables descriptives de la structure spatiale de la végétation, seule la structure horizontale des arbres forestiers explique significativement l’intensité de la moniliose (Chapitre IV). Ce résultat confirme deux hypothèses : il est préférable que les arbres d’ombrage soient forestiers plutôt que fruitiers et qu’ils soient régulièrement distribués (confirmations de H.2.4. et H.2.6.). Notre étude montre également une diminution de l’intensité de la moniliose lorsque la densité en arbres d’ombrage augmente (H.2.3). Cependant, lorsque l’on contrôle les effets de la quantité de la ressource, la relation entre densité d’arbres d’ombrage et intensité de la mo- niliose devient positive (Chapitre IV, Tableau 3). Par conséquent, la relation entre densité d’arbres d’ombrage et intensité de la moniliose serait davantage liée à une diminution de la quantité de tissus sensibles (fruits des cacaoyers en sous-étage) du fait de l’ombrage, que liée à un effet direct microclimatique de la densité des arbres d’ombrage sur l’intensité

4. zones de la parcelle particulièrement infestées par les mirides avec une forte densité d’individus par cacaoyer.

spatiale de la végétation, seule la structure horizontale des arbres forestiers explique signi- ficativement la densité en mirides à l’échelle de la parcelle. L’augmentation de la densité d’arbres d’ombrage (forestiers et fruitiers confondus) ne diminue pas la densité en mirides d’une parcelle (infirmation de l’hypothèse H.3.4.Mirides). Notre étude confirme par contre que les arbres d’ombrage du type forestier sont davantage capables de réduire les densi- tés en mirides que ceux du type fruitier et que cette réduction n’est effective que si ces arbres forestiers ne sont pas agrégés au sein de la parcelle (confirmation de l’hypothèse H.3.5.Miride et H.3.6.Miride).

Concernant la pourriture brune du cacaoyer au Cameroun, nos hypothèses étaient les suivantes : l’augmentation de la densité d’arbres d’ombrage d’une parcelle augmente l’intensité de la pourriture brune à l’échelle de la parcelle (H.3.4.), l’intensité en pour- riture brune est cependant plus faible si les arbres d’ombrage sont des arbres forestiers (plutôt que fruitiers) du fait d’une interception des pluies plus globale (H.3.5.) et l’hété- rogénéité de l’ombrage créée par l’agrégation des arbres forestiers et/ou fruitiers n’affecte pas l’intensité globale de la pourriture brune à l’échelle de la parcelle (H.3.6.). Dans notre étude, aucune variable décrivant la structure spatiale des arbres d’ombrage associés aux cacaoyers n’affecte l’intensité de la pourriture brune à l’échelle de la parcelle. Cependant, les parcelles étudiées ont été traitées en fongicides pour lutter contre la pourriture brune. Bien que nous ayons homogénéisé les traitements phytosanitaires entre les parcelles du réseau, il nous faut discuter avec prudence les résultats obtenus sur ce bioagresseur.

Structure spatiale de la végétation et microclimat

Différentes caractéristiques de structure spatiale de la végétation ont été considérées dans notre étude : la densité en arbres d’ombrage, la répartition verticale des arbres d’ombrage dans la strate haute ou la strate intermédiaire et les structures horizontales des arbres forestiers et fruitiers. Les arbres d’ombrage sont classés en deux peuplements en fonction de leur mode d’installation et de gestion dans la parcelle afin de réaliser des

Figure 4 – Diagrammes en boîte indiquant les médianes, quartiles, minimum et maxi- mum des caractéristiques architecturales des arbres forestiers et fruitiers associés aux cacaoyers dans les agroforêts du département de la Lékié au Cameroun.

analyses de structures horizontales : les arbres forestiers et les arbres fruitiers. Ces deux peuplements sont également supposés différents sur des critères d’architecture tels que la hauteur des troncs et des couronnes (les arbres forestiers constituent majoritairement la strate haute alors que les arbres fruitiers constituent majoritairement la strate intermé- diaire), le diamètre des couronnes (plus important pour les arbres forestiers) et la porosité du feuillage (plus forte pour les arbres forestiers). Ces différences d’architectures entre les arbres forestiers et les arbres fruitiers de nos parcelles du Cameroun ont été mesurées dans le cadre du stage réalisé par Quentin Rougelot sur le lien entre structure de la végétation et environnement lumineux (Rougelot, 2013). Cette analyse confirme les différences d’ar- chitecture décrites ci-dessus. Globalement, les arbres forestiers ont des hauteurs de troncs et de couronnes, et des diamètres de couronne supérieurs à ceux des arbres fruitiers (Fi- gure 4). L’ensemble de ces critères indiquent que les arbres forestiers sont susceptibles de fournir un ombrage plus homogène au sein de la parcelle que les arbres fruitiers. Cette conclusion a également été faite suite à l’étude de la répartition de l’ombrage fourni par les arbres associés aux cacaoyers dans des agroforêts du Cameroun (Babin et al., 2010). L’une des perspectives, évoquées ci-dessous, de ce travail de thèse est la caractérisation précise du microclimat avec des mesures directes afin de valider l’efficacité de la structure spatiale de la végétation en tant qu’indicateur du microclimat sous canopée.

rizontale régulière permettant d’homogénéiser l’ombrage lumineux sous leur canopée. En ce sens, il semble que dans notre cas d’étude, il faille trouver un compromis qui pourrait être la gestion des ressources naturelles au sein des agroécosystèmes.