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Partie 2 : Le cancer colorectal et sa prise en charge à l'officine

4. Traitements du cancer colorectal

4.6. Les molécules de chimiothérapie IV utilisées dans le cancer colorectal

4.6.1. Les molécules cytotoxiques

4.6.1.1. Mécanisme d’action 4.6.1.1.1. 5- Fluorouracile 5-FU

C’est un anti-métabolite analogue de l’uracile. [114]

Physiologiquement, l’uracile est une base pyrimidique entrant dans la composition de l’ARN et dans la synthèse de l’ADN. Ainsi, elle est nécessaire à la prolifération cellulaire et à la synthèse des protéines et des enzymes cellulaires.

Plus précisément, l’uracile est présent sous forme d’UTP (Uracile TriPhosphate) dans les ARN et il permet la synthèse du dTTP (déoxyThymidine TriPhosphate) de l’ADN selon la réaction suivante [113] :

Capécitabine per os pendant 14 jours : J1 à J14 Repos 7 jours : J15 à J21

Capécitabine per os pendant 14 jours : J2 à J15 Repos 6 jours : J16 à J21

Oxaliplatine IV

120 min : H0 à H2

Capécitabine per os pendant 14 jours : J2 à J15 Repos 6 jours : J16 à J21

Irinotécan IV

157 UMP → UDP → dUDP → dUMP dTMP → dTDP → dTTP

(U = uracile ; T = Thymidine ; MP = MonoPhosphate ; DP = DiPhosphate ; TP =TriPhosphate ; d = déoxy)

De ce fait, le 5 FU [113] :

- en se substituant à l’uracile dans l’ARN, crée des erreurs de codage et freine la synthèse de protéines et enzymes diverses,

- en se métabolisant en 5-Fluoro déoxyUracile MonoPhosphate (5-FdUMP), inhibe l’enzyme thymidilate synthase et freine la synthèse d’ADN donc la prolifération cellulaire.

4.6.1.1.2. Acide folinique

C’est le métabolite actif de l’acide folique. Il est indiqué en association avec le 5-FU et permet d’en augmenter l’effet cytotoxique.

En effet [113], [114] :

- à partir de l’acide folinique, le cycle des folates forme un dérivé méthylé appelé méthylène tétrahydrofolate (CH3THF),

- la thymidilate synthase est une enzyme nécessitant 2 substrats : le dUMP et le CH3THF,

- le 5-FU prend la place du dUMP tandis que l’acide folinique stabilise le complexe ternaire et permet au 5-FU d’exercer son action de façon optimale.

Thymidilate synthase

Figure 86 : Rôle pharmacologique de l’acide folinique [113] Figure 87 : Rôle physiologique de l'acide folinique [113]

Thymidilate Synthase

dUMP (ARN)

dTMP (ADN)

UMP dUMP

Acide folinique CH3THF

Complexe ternaire stabilisé

Thymidilate Synthase

dUMP (ARN)

dTMP (ADN)

5-FU 5-FdUMP

Acide folinique CH3THF

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4.6.1.1.3. Irinotécan, Campto®

Il empêche la réplication de l’ADN en inhibant la topoisomérase I, enzyme qui permet de réparer les cassures produites par l’enroulement du brin d’ADN lors de sa réplication. [113], [114]

4.6.1.1.4. Oxaliplatine, Eloxatine®

C’est un dérivé du platine qui agit par alkylation des molécules d’ADN, entraînant leur dégradation ou leur cassure puis la mort cellulaire. [113], [114]

4.6.1.1.5. Raltitrexed, Tomudex®

C’est un anti-métabolite analogue de l’acide folique. L’acide folique, métabolisé en acide folinique, est nécessaire au fonctionnement de l’enzyme thymidilate synthase, qui permet l’incorporation de la thymine dans l’ADN au cours de sa synthèse. [113], [114]

En l’inhibant, le raltitrexed empêche la réplication et la prolifération cellulaire.

Il est utilisé dans les cas où il existe une contre-indication au 5-FU telle qu’une hypersensibilité, une hypoplasie médullaire, une malnutrition ou une dénutrition sévère. [97], [100]

4.6.1.2. Interactions médicamenteuses [113], [114]

Molécules Interactions médicamenteuses majeures

5-FU Vaccin antiamarile, vaccins vivants atténués, warfarine, phénytoïne et fosphénytoïne

Irinotécan Vaccin antiamarile, vaccins vivants atténués, phénytoïne et fosphénytoïne, millepertuis

Oxaliplatine Vaccin antiamarile, vaccins vivants atténués, phénytoïne et fosphénytoïne

Raltitrexed Vaccin antiamarile, vaccins vivants atténués, phénytoïne et fosphénytoïne

Tableau 34 : Interactions médicamenteuses des molécules cytotoxiques

Les risques sont les suivants :

- Vaccin antiamarile : risque de maladie vaccinale mortelle

- Vaccins vivants atténués tels que BCG, ROR, Varicelle… : risque de maladie vaccinale potentiellement mortelle

- Phénytoïne et Fosphénytoïne : risque de convulsions ou de diminution de l’effet du cytotoxique

- Warfarine : risque hémorragique

- Millepertuis : risque de diminution de l’effet du cytotoxique

4.6.1.3. Effets secondaires indésirables 4.6.1.3.1. Généralités

Les effets secondaires indésirables sont fréquents et d'intensité variable d'une personne à l'autre. Il peut s’agir [112] :

- d’une toxicité commune à la plupart des anticancéreux, liée à leur effet sur les cellules saines, et en particulier l’effet antiprolifératif sur les cellules à renouvellement rapide (moelle osseuse, peau et phanères, muqueuses …),

159 Les effets indésirables observés dans les chimiothérapies du cancer colorectal sont qualitativement :

Tableau 35 : Toxicité des anticancéreux utilisée dans le cancer colorectal [101], [112], [114], [116]

Les effets indésirables et les soins de support sont traités de façon plus détaillée dans la partie précédente. Nous ne développerons, ici, que les effets indésirables les plus fréquents et les plus particuliers du traitement du cancer colorectal : syndrome mains-pieds, neuropathie périphérique sensorielle aigüe et persistante, diarrhées tardives et syndrome cholinergique.

4.6.1.3.2. Syndrome Mains-pieds Apparition et symptômes :

Ce syndrome, également appelé Erythrodysesthésie Palmo-Plantaire (EPP) ou syndrome d’enflure des mains et des pieds, apparaît après administration intraveineuse ou orale de 5-FU. Il se manifeste par [101], [112], [114], [116] :

- des rougeurs, une hypersensibilité et parfois une desquamation au niveau des paumes des mains et des plantes des pieds,

- les zones touchées peuvent s’assécher et peler alors que des engourdissements et des fourmillements surviennent.

Ce syndrome désagréable influe sur la qualité et le confort de vie du patient et sur sa capacité à effectuer les tâches de la vie quotidienne.

Conduite à tenir :

Prévention : Les recommandations sont [101], [112], [116] :

- appliquer souvent et généreusement de la crème hydratante sur les mains et les pieds, - éviter d’exposer les pieds et les mains à la chaleur ; faire tremper les pieds et les

mains dans l’eau froide 15 minutes, 3 ou 4 fois par jour si possible,

- éviter les activités entraînant un frottement de la peau avec les surfaces : conduite de véhicules, lavage énergique, instruments de musique, marcher pieds nus…,

- signaler au médecin de tout problème cutané ou sensation inhabituelle au niveau des pieds et des mains.

Traitement : Il se traduit par la prise d’antalgiques, de vitamine B6, de corticostéroïdes et par l’application de froid et d’émollient. [101], [112], [116]

L’apparition de ce syndrome peut conduire à une diminution des doses ou un espacement des cycles voire une interruption ou un arrêt du traitement anticancéreux.

5-FU Irinotécan Oxaliplatine Raltitrexed Troubles hématologiques + ++ ++ + Nausées-Vomissements + ++ ++ + Mucite + + + + Diarrhées + ++ 0 ++ Alopécie 0 + 0 0 Toxicité spécifique Syndrome mains-pieds Troubles cardiaques Syndrome cholinergique aigu Diarrhées tardives Neuropathie périphérique sensorielle aigüe et persistante 0

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4.6.1.3.3. Neuropathie périphérique sensorielle aigüe Apparition et symptômes :

Cette atteinte réversible apparait à la fin de l’administration d’oxaliplatine ou dans les jours suivants. Elle disparait généralement entre deux cures et réapparait à l’administration suivante. [101]

Elle se présente, sous forme de paresthésies au froid : réactions anormales au froid, se manifestant par des douleurs, des crampes et des fourmillements, principalement au niveau des zones exposées (mains, pieds, bouche, oreilles, nez, sphère ORL…). [112]

De rare cas de syndrome aigu de dysesthésie pharyngo-laryngée (dysphagie, dyspnée, laryngospasme, bronchospasme, suffocation…) ont été rapporté. [112]

Conduite à tenir :

Prévention : La neuropathie périphérique aigüe peut être prévenue ou atténuée en évitant tout contact avec le froid [101] :

- éviter de sortir par temps froid, - porter des gants et cache cols,

- éviter de prendre des aliments dans le réfrigérateur et le congélateur, - ne pas se laver les mains à l’eau froide,

- ne pas manger d’aliments froids et ne pas boire de boissons trop froides.

Cet effet indésirable est aussi prévenu par l’administration systématique de 1 g de gluconate de calcium et de 1 g de sulfate de magnésium, avant et après la chimiothérapie.

Traitement : Il consiste à la prise d’antalgiques pour les douleurs par excès de nociception (palier 1 à 3), d’antalgiques pour les douleurs neuropathiques (antiépileptiques, antidépresseurs), de corticostéroïdes, de vitamines B, de calcium et de magnésium. [112] En cas de syndrome aigu de dysesthésie pharyngo-laryngée, la perfusion doit être stoppée immédiatement. [112]

4.6.1.3.4. Neuropathie périphérique sensorielle persistante Apparition et symptômes :

Elle se manifeste par une paresthésie, une dysesthésie et/ou une hypoesthésie pouvant s’aggraver et entraîner une gêne dans la vie quotidienne (difficulté à écrire, à tenir des objets…). [112]

Conduite à tenir :

La neuropathie peut nécessiter la diminution des doses, l’espacement des cycles ou l’interruption voire l’arrêt du traitement anticancéreux. [112]

4.6.1.3.5. Diarrhées tardives Apparition et symptômes :

Une diarrhée sévère peut survenir tardivement après administration d’irinotécan.

Elle se produit généralement vers le 5e jour après le traitement mais peut survenir à tout moment de l’intercure. [113]

Le risque est augmenté chez les patients ayant une hyperleucocytose initiale, chez les patients ayant un indice OMS ≥ 2, chez les femmes, et surtout en cas d’antécédents de radiothérapie abdominale pelvienne. [113]

Conduite à tenir [97] :

Prévention : Un anti-diarrhéique ne doit pas être administré à titre prophylactique, même chez des patients ayant présentés une diarrhée tardive lors de cures précédentes.

161 Traitement : Les patients doivent être prévenus du risque de survenue de diarrhées et ils doivent être avertis de l’importance de les traiter rapidement.

En cas d'apparition de cet effet indésirable, les patients doivent prévenir rapidement leur médecin et débuter immédiatement un traitement adapté : rééquilibration hydro électrolytique et traitement par lopéramide. A cet effet, une ordonnance de lopéramide sera établie dans le service où l’irinotécan a été administré et, à sa sortie de l'hôpital, le patient devra se le procurer afin de pouvoir traiter la diarrhée dès sa survenue.

Une antibiothérapie prophylactique à large spectre peut être associée au traitement anti-diarrhéique dans les cas de diarrhée concomitante à une neutropénie sévère (nombre de neutrophiles < 500/mm3).

Une hospitalisation, associée à une antibiothérapie, est recommandée dans les cas suivants : - diarrhée accompagnée de fièvre,

- diarrhée nécessitant une réhydratation parentérale,

- diarrhée persistante après 48 heures de traitement à forte dose de lopéramide.

4.6.1.3.6. Syndrome cholinergique aigu Apparition et symptômes :

Ce syndrome survient après l’administration d’irinotécan.

Il se manifeste par des diarrhées précoces, des crampes abdominales, une hypersudation, un larmoiement, une hypersalivation et un myosis. [101]

Conduite à tenir :

Prévention : Lorsqu'un syndrome cholinergique aigu a été observé lors de la première administration, l’utilisation de sulfate d’atropine à titre prophylactique et un ralentissement de la perfusion sont recommandés lors des administrations ultérieures d’irinotécan. [97]

Traitement : Une injection sous-cutanée de sulfate d’atropine, à 0,25 mg en sous-cutanée, doit être administrée. [97]