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Modification de l’interaction cellule/matrice extra-cellulaire et résistance à l’anoikis.

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1.1.3. Progression du cancer, caractéristiques des cellules métastatiques.

1.1.3.4. Modification de l’interaction cellule/matrice extra-cellulaire et résistance à l’anoikis.

Rôle des interactions cellule/matrice extra-cellulaire.

Lors de l’invasion des cellules cancéreuses dans le stroma et lors de leur passage dans la circulation sanguine, les cellules modifient ou perdent donc leurs interactions avec la matrice extra-cellulaire ce qui induit normalement la mort cellulaire (Figure 11). Les intégrines sont les protéines qui permettent l’interaction entre les cellules et la matrice extra-cellulaire. Ce sont des molécules transmembranaires hétérodimèriques composées d’une chaine α et d’une chaine β (Yilmaz & Christofori, 2009). Les mammifères comptabilisent 18 chaines α et 8 chaines β. Vingt quatre combinaisons existent avec des affinités différentes pour les protéines matricielles conférant une certaine spécificité à l’interaction. Les intégrines interagissent avec le cytosquelette d’actine via un complexe protéique constitué notamment d’ILK («integrin-linked kinase»). ILK a un rôle dans le maintien de la structure du complexe et dans la signalisation associée à l’activation des intégrines. Cette signalisation complexe fait intervenir FAK («Focal adhesion kinase»), Src, GSK3-β (glycogen synthase-kinase-3 β), AKT et la voie Rho. La survie des cellules épithéliales dépend des connections qu’elles établissent avec la matrice extra-cellulaire. Cette matrice constitue un réseau complexe de protéines comprenant les fibres de collagène, les laminines, les molécules de fibronectine, les protéoglycanes et des facteurs solubles. Les cellules épithéliales interagissent avec ces protéines via les intégrines au niveau des points d’adhésion focaux. L’anoikis est décrite comme la mort cellulaire résultant de ce défaut d'interaction (Frisch & Screaton, 2001). Elle aboutit à l’apoptose dépendante des caspases. La survie des cellules cancéreuses dans un nouvel

environnement dépend donc des mécanismes de résistance à l’anoikis. L’acquisition de cette résistance est une étape vers la formation de cellules plus agressives.

Mécanismes de résistance à l’anoikis.

Plusieurs études mettent en cause l’EMT et ses effecteurs dans la résistance à l’anoikis. Parmi elles, un article intéressant utilise un modèle d’EMT induite après sur-expression du récepteur à activité tyrosine kinase TrkB dans des cellules épithéliales de rat (Smit & Peeper, 2011). Les auteurs montrent que l’EMT est dépendante de Zeb1 et que cette voie inhibe la mort cellulaire en réponse à la perte d’adhésion. Un shRNA dirigé contre Zeb1 induit l’augmentation du clivage de la caspase 3 lorsque les cellules sont cultivées en condition de faible adhésion. De plus, ce shRNA diminue l’apparition de lésions métastatiques chez des souris nude après injection en sous-cutanée (Smit & Peeper, 2011). Les processus d’EMT et de résistance à l’anoikis sont donc liés. L’arrêt du cycle cellulaire peut aussi conférer une résistance à l’anoikis. C’est l’objet d’étude de l’équipe de Joan Brugge. L’arrêt du cycle cellulaire induit par la sur-expression de p16 et p21 ou par l’utilisation de mimosine ou d’aphidicolin inhibe l’expression du pro-apoptotique Bim suite à la perte d’adhésion (Collins et al., 2005). ERK régule la stabilité de Bim, en le phosphorylant, il l’adresse au E3 ubiquitin ligases responsables de sa dégradation. L’activation de ERK, suite à l’arrêt du cycle cellulaire, induit donc une résistance à l’anoikis. La chimiothérapie, via l’induction de p21 ou p16, pourrait donc également induire cette résistance.

Les facteurs de croissance EGF et IGF et l’expression de leur récepteur EGFR et IGFR activent les voies des MAPK, de PI3K/AKT et de src. Plusieurs études mettent donc en cause ces voies oncogéniques dans l’inhibition de l’anoikis (Reginato et al., 2003) (Irie et al., 2010) (Muranen et al., 2012) (Carduner et al., 2014). Dans le cas des cellules de cancer du côlon, leur survie dans le foie dépendrait par exemple de la voie de l’IGFR. Cette voie est activée via l’inhibition du miR-493. La sur-expression de ce miRNA, dans des cellules HCT116, diminue le nombre de métastases dans le foie, après injection de ces cellules dans la rate des souris (Okamoto et al., 2012). Après cette injection, les cellules sont bien détectées dans le foie mais elles meurent au bout de quelques jours. La même résultat est obtenu en utilisant des cellules ou IGFR est sous-exprimé. La voie de l’IGFR est en effet impliquée dans la résistance à l’anoikis en activant la voie PI3/AKT (Ravid, Maor, Werner, & Liscovitch, 2004) (W. Zhang et al., 2005) (Martin et al., 2006) (Sachdev, Zhang, Matise, Gaillard-Kelly, & Yee, 2010). En favorisant l’expression de protéines anti-apoptotiques ou en déstabilisant les protéines à domaine BH3, ces voies inhibent l’apoptose induite par une modification de l’interaction cellule/matrice extra-

cellulaire et favorisent donc la progression métastatique et la résistance à la chimiothérapie. Dans les cancers colorectaux métastatiques, l’activation de l’IGFR serait associée à un mauvais pronostic chez les patients traités avec du cetuximab ou du panitumumab, des anticorps monoclonaux dirigés contre l’EGFR (Scartozzi et al., 2010). (Hörndler et al., 2011) (Huang, Xu, & Khambata-Ford, 2012). L’inhibition de l’IGFR pourrait donc être intéressante dans le traitement de cancers colorectaux métastatiques. Dans ces cancers, des anticorps dirigés contre ce récepteur ainsi que des inhibiteurs de son activité kinase sont utilisés dans des études cliniques de phase I et II (Ewing & Goff, 2011). En restaurant la sensibilité à l’anoikis, ces molécules pourraient bloquer le processus métastatique.

Figure 11 : Le mécanisme d’anoikis. La survie des cellules épithéliales dépend des interactions qu’elles

établissent avec les protéines de la matrice extra-cellulaire via les intégrines. Lors du processus métastatique, les cellules modifient ces interactions et peuvent mourir selon le processus appelé anoikis. Les cellules métastatiques développent des mécanismes de résistance à l’anoikis faisant intervenir les voies de l’EGFR/IGFR, MAPK/PI3K/AKT. De plus l’arrêt du cycle médié par p21 et p16 peut bloquer la mort cellulaire résultant de ce défaut d’interaction.

1.1.4. Conclusion : L’hétérogénéité tumorale des cancers colorectaux doit

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