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Le mode de fonctionnement des reverse mortgages L’exemple américain

I. L E REVERSE MORTGAGE : DEFINITION

I.1. Le mode de fonctionnement des reverse mortgages L’exemple américain

Le principe de base du reverse mortgage est simple : un propriétaire hypothèque une partie de la valeur de son logement, en reçoit les revenus sous différentes formes – somme forfaitaire, versements mensuels, ligne de crédit. Mais au lieu d’avoir à faire des paiements mensuels sur le principal et les intérêts, il est autorisé à laisser l’intérêt s’accumuler. L’hypothèque est remboursée par un paiement unique, lorsque le propriétaire décède ou quitte son logement. De tels arrangements ne sont pas nouveaux mais, grâce à l’offre de différentes institutions financières, ils sont devenus chose commune depuis une vingtaine d’années seulement. Les prêteurs ne souhaitant pas différer le remboursement outre mesure, les reverse mortgages ne sont offerts qu’aux propriétaires d’un certain âge. L’originalité première du

reverse mortgage réside donc dans le fait qu’il constitue un prêt à

dette croissante et à actifs décroissants (rising debt – falling equity) : il n’est remboursable que lorsque l’emprunteur vend son actif, déménage ou décède. Jusque là, ce dernier ne fait que recevoir des versements. Ainsi, pour un versement mensuel de 300 dollars, un intérêt annuel de 12%, une propriété évaluée à 80°000 dollars, et un taux d’appréciation des valeurs immobilières de 4% par an, la valeur de l’actif n’est plus que de 69°499 dollars après six ans, et de 48°718 dollars après dix ans. Durant toute cette période, l’emprunteur reste

propriétaire de son logement qu’il doit maintenir en bon état et pour lequel il doit s’acquitter des impôts et de l’assurance afférents. C’est ce « patrimoine » qui doit également payer l’emprunt à la mort du propriétaire, à la vente du bien ou lorsqu’il déménage. Aux Etats- Unis, les propriétaires de mobiles homes et de logements coopératifs ne sont pas éligibles aux reverse mortgages garantis par le gouvernement fédéral, les HECM (Home Equity Conversion Mortgages), les prêts les plus répandus à l’heure actuelle – et ceux dont il sera principalement question ici1.

C’est donc sur la valeur du logement, et non pas sur les revenus du propriétaire, lesquels ne sont pas pris en compte, que le prêt est calculé. N’y sont éligibles que les personnes âgées, dont le logement remplit les conditions standards minimum imposées par le Federal Housing Administration (FHA). Dans certains cas, des réparations peuvent être exigées comme condition de l’emprunt2. Sont également disqualifiés les emprunteurs ayant enfreint un prêt du gouvernement fédéral non susceptible d’être liquidé par les recettes du reverse

mortgage. L’emprunteur doit occuper sa résidence principale, mais

peut résider ailleurs pendant douze mois consécutifs pour raison de maladie physique ou mentale.

1

Ken Scholen & Bronwyn Belling, Home Equity Conversion Mortgage (HECM)

Conseling, Neighborhood Reinvestment Training Institute, Washington, DC, Mai

2006. Ken Scholen, considéré comme le « l’autorité » sur les reverse mortgages, fut le promoteur de l’assurance fédérale des prêts HECM. Bronwyn Belling dirige le Reverse Mortgage Education Project de l’AARP (American Association of Retired Persons) depuis quinze ans.

2 David T. Rodda, Christopher Herbert & Hin-Kin Lam, No Place Like Home;

Evaluation Report of FHA’s Home Equity Conversion Mortgage Insurance Demonstration. U.S Departement of Housing and Urban Developpement,

Le programme, doté de flexibilité, offre une diversité d’options de paiements et autorise les emprunteurs à modifier leurs options en fonction des circonstances. Cinq types de paiements sont disponibles, à savoir :

- les tenure payments, versements mensuels ;

- les term payments, versements mensuels pendant une période fixe décidée par l’emprunteur ;

- la ligne de crédit, dont les retraits sont plafonnés, dont les montants et la périodicité sont fixés par l’emprunteur ; c’est la formule la plus couramment utilisée (par 68% des emprunteurs); cette formule prévoit aussi la possibilité du versement d’une somme forfaitaire au moment de l’émission du prêt ;

- la modified tenure qui est une combinaison de la tenure payments et de la ligne de crédit ;

- enfin le modified term qui est une combinaison des term payments et de la ligne de crédit, et qui est utilisé par 13% des emprunteurs.

Les montants maximum empruntés sont sujets à une double limitation : 1) le montant de la valeur immobilière empruntable est sujette à une limite définie au niveau du comté, basée sur les valeurs immobilières locales médianes ; 2) l’emprunteur ne peut emprunter qu’un pourcentage fixe de la valeur immobilière autorisée, pourcentage lui-même basé sur l’âge de l’emprunteur au moment de la souscription et sur le taux d’intérêt escompté du prêt. Pour un futur taux d’intérêt de 5,5%, une personne de 62 ans peut par exemple emprunter jusqu’à 63% de la valeur de sa maison, une personne de 80 ans jusqu’à 78%1. Le montant maximum du prêt maximum (appelé « principal limit ») est donc calculé en fonction de l’âge de

1

Mark Merlis, Home Equity Conversion Mortgages and Long-Term Care, Georgetown University, Health Policy Institute, Washington D.C., mars 2005.

l’emprunteur (pour les HECM l’âge d’éligibilité est de 62 ans minimum), du taux d’intérêt hypothécaire et de la valeur ajustée de la propriété (« adjusted property value ») . Les « lending limits » (limites de prêt, dites également « 203-b limits ») qui contribuent à déterminer le montant du prêt accordé sont définies par le National Housing Act pour chaque ville et Etat : les limites actuelles s’étalonnent de 200°000 dollars dans les régions où les valeurs immobilières sont les plus basses à 362°790 dollars dans les régions dites à « hauts coûts ». Les limites en Alaska, Hawaï et les autres territoires américains non continentaux peuvent être plus élevées. La limitation des prêts accordés est directement liée à l’assurance des prêteurs contre les pertes éventuelles pouvant résulter du dépassement du solde du prêt par rapport à la valeur de l’actif immobilier. Pour couvrir ce risque, outre la limitation du montant limité des prêts, ceux-ci comportent une prime d’assurance obligatoire payable par l’emprunteur destinée à alimenter un fond de réserve. De fait, le montant des paiements dépend de l’âge, de la valeur de l’actif immobilier, du coût du prêt et du type de paiement choisi – « ces deux derniers facteurs non mentionnés le plus souvent », soulignent les auteurs du rapport d’évaluation sur le conseil aux emprunteurs1.

Les taux d’intérêt sont soit fixes soit ajustables, mais ces derniers sont devenus quasiment la règle et sont de plus en plus massivement ajustés mensuellement (de 60% ajustés annuellement et 39% annuellement au départ, on est passé en 1999 à 95% de taux d’intérêts mensuellement ajustés), suite à l’achat de la quasi totalité des prêts HECM par Fannie Mae qui n’achète pas de prêts à taux fixe (cf. infra). Le taux escompté qui prend en compte l’accroissement du taux

1 Ken Scholen & Bronwyn Belling, op. cit.

d’intérêt moyen à long terme sert d’approximation du taux d’escompte ; il est utilisé pour déterminer la principal limit initiale.

Les coûts de terminaison variables d’un Etat à l’autre, ont un rôle crucial dans la compétition entre prêteurs. Ils sont moins élevés dans les Etats où les reverse mortgages ont des taux maximum de pénétration. Ces coûts, prime d’assurance incluse, sont financés par l’emprunt. Par ailleurs, les recettes de l’emprunt doivent être d’abord utilisées pour payer une éventuelle hypothèque existante et pour faire les réparations nécessaires, et le contrat prévoit une réserve pour les services bancaires futurs. Ces coûts font l’objet, comme nous le verrons, d’importants débats. « Pour ne nombreux propriétaires, estime Mark Merlis, ces charges peuvent réduire le prêt disponible à zéro »1

La dette du reverse mortgage doit être acquittée avant que les héritiers n’héritent de la maison2, ce qui dans de nombreux cas, exige la vente de la maison. Le montant de la dette réduit le produit net de la vente disponible pour les héritiers de l’emprunteur. Si la dette a augmenté jusqu’à équivaloir la valeur de la maison, il ne rester plus d’actifs pour les héritiers. La combinaison des charges à l’entrée et des intérêts composés du prêt signifient que le solde final du prêt payable lorsque le logement est vendu peut être considérablement plus élevé que les sommes effectivement reçues par l’emprunteur. A titre d’exemple, un emprunteur de 70 ans disposant d’un logement de 80°000 dollars, valeur médiane du patrimoine immobilier à cet âge, qui aurait opté pour un paiement mensuel de 380 dollars sur une durée de vie espérée

1 Mark Merlis, op.cit., p. II.

2 A noter qu’aux Etats-Unis, l’impôt successoral est dû et calculé sur la valeur globale de la succession avant partage et non pas sur la part reçue par chacun des héritiers.

de quinze ans, recevrait, à la fin de cette période, un total de 68 392 dollars et devrait 103 523 dollars - soit 1.51 dollar pour chaque dollar reçu. Ce ratio est encore plus élevé pour les prêts de moindre durée.

Enfin, un conseil est obligatoirement fourni par des organismes indépendants approuvés par le département fédéral du Housing and Urban Development (HUD) aux clients désireux d’acheter un prêt HECM. Cette mesure directement inspirée par les exigences légales de protection du consommateur doit également répondre aux dispositions légales sur le coût d’établissement des preuves publiques d’information. On aura compris la complexité du reverse mortgage, instrument financier de prime abord extrêmement attractif, cependant coûteux, ne serait-ce que pour contracter l’emprunt. Nous reviendrons ultérieurement sur les risques moins calculés de l’accroissement silencieux d’une dette ne prêtant à aucun remboursement tant que dure l’emprunt. C’est donc pour cet ensemble de raisons qu’a été instituée, pour les acheteurs de prêts HECM, l’obligation de suivre une session de conseil offerte dans le cadre d’un programme défini conjointement par le Housing and Urban Development et l’Association américaine des personnes retraitées (AARP). Ce programme de conseil exigé par le Congrès comme prérequis pour tous les emprunteurs HECM, est fourni gratuitement à titre individuel par un tiers, autre que le prêteur. Parmi les points obligatoirement abordés avec l’emprunteur, figure l’impact d’un reverse mortgage sur le patrimoine et les héritiers du propriétaire. Toutefois, la répartition des conseillers sur l’ensemble du territoire ne suit pas celle des emprunteurs, provoquant d’importantes variations dans la qualité des conseils prodigués selon les régions, celle-ci étant particulièrement défaillante dans les aires rurales. Le financement de ces agences est multiple ; peuvent notamment y contribuer des instantes communautaires comme la Catholic Church et

les Catholic Charities. Tenus à l’objectivité, ces conseils peuvent être plus ou moins engageants. Certains organismes prêteurs regrettent ainsi que les agents ne conseillent les reverse mortgages que comme ultime recours, voire le déconseillent sauf à ce qu’ils représentent le seul moyen de rester à domicile. Eux-mêmes souhaiteraient promouvoir les reverse mortgages non seulement comme moyen de conserver son niveau de vie, voire de l’améliorer, mais comme un instrument de diversification des investissements qui éviterait de tout conserver dans l’immobilier. Ils déplorent également que certains conseillers n’en sachent pas assez sur les prêts et ajoutent ainsi à la confusion des clients. A ce jour le HUD travaille avec l’AARP à la mise en place d’un examen de certification des conseillers HECM.

I.2. Objectifs et attentes du développement des reverse mortgages