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Historique du développement des reverse mortgages sur le marché américain

I. L E REVERSE MORTGAGE : DEFINITION

I.3. Historique du développement des reverse mortgages sur le marché américain

I.3.1. Le programme fédéral des prêts HECM

Le premier prêt de reverse mortgage apparu sur le marché fut offert en 1961 par une banque de Portland à la veuve d’un coach de football

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Barbara R. Stucki, “Using Reverse Mortgages To Manage the Financial Risk of Long-Term Care”; Managing Retirement Assets Symposium, Las Vegas, 31 mars-2 avril 2004.

d’école secondaire, et le premier programme formel de prêts de ce type a été mis en place en 1977. Ces prêts conçus pour un nombre fixe d’années devaient être remboursés une fois le terme échu. Dix ans plus tard, au moment où est lancé le programme fédéral des prêts HECM, on compte environ 1 000 souscriptions de ce type. La mise en œuvre du programme au niveau fédéral prendra environ dix ans, de 1980 à 1989, précédée par la publication en 1980 du premier ouvrage de référence sur le sujet, Unlocking Equity for the Elderly (Débloquer les actifs pour les personnes âgées), de Ken Scholen et Yung-Ping Chen1, elle-même suivie par la naissance du projet Home Equity

Conversion financé par l’Administration on Aging dirigé par le même

Ken Scholen qui propose dans le même mouvement que les reverse

mortgage soient assurés par le FHA. Après une première conférence

nationale sur le développement des reverse mortgages sponsorisée par le Bureau des personnes âgées (Bureau on Aging) de Madison (Wisconsin), le mouvement est donné en 1980 par l’Association on Aging (AoA) qui finance une recherche-développement de deux ans pour le lancement d’un projet « Home equity conversion » administré par le Bureau des hypothèques du Wisconsin. Là encore, l’une de ses propositions clé est le principe de l’assurance fédérale des reverse

mortgages. Le projet est soutenu par la White House Conférence on

Aging de 1981 et auditionné au Sénat (Special Committee on Aging) en 1982.

Après dix années de réflexion prospective réunissant la triade d’acteurs formant le pilier fondateur du dispositif, économistes, Association des personnes âgées, gouvernement fédéral, les structures

1 chez Ballinger, Cambridge, Mass. Cet ouvrage faisait lui-même suite à une première enquête prospective pour un « Housing annuity plan » conduite à l’Université de Los Angeles par Yung-Ping Chen et publiée en 1970.

se mettent en place pour l’implantation des reverse mortgages : création à Madison en 1981 du National Center for Home Equity Conversion (NCHEC), organisation indépendante à but non lucratif dirigée par le même Ken Scholen ; mise en œuvre en 1983 par le HUD de la législation pour la création d’un programme d’assurance des reverse mortgages au sein de la FHA (Federal Housing Administration) ; et, pendant les cinq années suivantes installation du programme HECM (Home Equity Conversion Mortgage) supervisé par le AARP (American Association of Retired Persons). La loi sur l’assurance des HECM est signée en 1988 et, la même année, l’AARP lance une enquête nationale sur les besoins en reverse mortgages, tandis que le HUD et l’Administration on Aging signent un accord pour la formation de conseillers. C’est également à ce moment-là que Fannie Mae annonce son intention d’acheter des reverse mortgages assurés par le FHA. En 1989, alors que Ken Scholen édite pour le NCHEC un Guide financier pour l’analyse des coûts des reverse

mortgages, le HUD sélectionne cinquante prêteurs pour conclure les

premiers reverse mortgages assurés par le FHA et lance le Home Equity Conversion Mortgage (HECM). Wendover Funding (Caroline du Nord), créé le premier programme de prêts assurés par le FHA et le HUD - le premier prêt accordé dans ce cadre est signé cette même année.

Tandis que les programmes sont créés dans différents états – Connecticut, Ohio et Pensylvanie, Deleware, Maryland, Virginie, Californie, Massachusetts, Minnesota, Kentucky1 -, nombre d’opérateurs privés ont investi le marché. Certains, en plus des coûts

1 avec pour opérateurs American Homestead, Capital Holding Corporation (Louisville), Providential Home Income Plan, Virginia A Housing Development Authority.

de transactions, exigent de l’emprunteur qu’il reverse une partie de la plus-value prise par le logement durant la durée du prêt. Dans les zones de forte croissance des valeurs immobilières, les reverse

mortgages peuvent également atteindre des coûts exorbitants. Certains

sont encore en cours et deviennent remboursables « moyennant des montants qui parfois constituent un choc pour les héritiers »1. Mais en 1990 déjà, American Homestead et Providential suspendent leurs prêts en raison de la récession et des prévisions d’absence de performance des nouveaux prêts. Le Congrès, lui, accroît les autorisations du FHA pour atteindre 25 000 prêts en 1995 et exige la divulgation du coût total des prêts et du développement de l’Equity reserve option. L’AARP publie le Model State Law on Reverse Mortgages.

A côté de l’Etat fédéral et du marché, la promotion des reverse

mortgages est, on l’a vu, également soutenue par les associations de

retraités. Témoin, le séminaire d’information sur les reverse mortgages sponsorisé en 1991 par l’Association des Retraités du Comté de Los Angeles, ou encore le prix du meilleur livre pour conseil financier des personnes âgées décerné en 1992 par la National Association of State Units on Aging (NASUA) à l’ouvrage de Ken Scholen, Retirement Income On the House : Cashing In On Your

Home With A ‘Reverse Mortgage’ (La retraite par la maison : Tirer

des liquidités sur sa maison avec un reverse mortgage). La même année, apparaît en Californie et en Floride la première publicité télévisée pour leur Homearning plan. Deux ans plus tard, c’est au tour de l’Andrus Gerontology Center (University of South Carolina) de proposer des téléconférences sur les reverse mortgages. Toutefois, le rôle des deux principales agences du secteur, le National Council on

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Donald L. Redfoot, Ken Scholen & S. Kathi Brown, Reverse Mortgage: Niche

Aging (NCOA) et l’AARP jouent chacune leur rôle de manière différenciée. Si la première a contribué à promouvoir l’idée du reverse

mortgage comme moyen de financement des soins de santé de longue

durée pour les seniors désireux de vieillir chez eux, la seconde vieille tout particulièrement à la protection de consommateurs vulnérables vis-à-vis d’instruments financiers à la fois nouveaux et complexes.

Les premiers programmes HECM multi-Etats se mettent en place et, en 1993, le programme est disponible dans tous les Etats, exceptés l’Alaska, le Dakota du Sud et le Texas. Transamerica avec MetLife et Fannie Mae investissent le marché alors que Capital Holdind interrompt son Homearning plan.

En 1995, le HUD publie une évaluation de l’assurance des Home Equity Conversion Mortgage, et révise le manuel des HECM. Le NCHEC publie Your New Retirement Nest Egg : A Consumer Guide

to the New Reverse Mortgages (Votre nid pour la retraite : Un guide

du consommateur pour les nouveaux reverse mortgages) rédigé par Ken Scholen, sort la conquième édition de Home-Made Money (L’argent fait maison) du même Ken Scholen (400 000 exemplaires vendus), et sponsorise des conférences nationales sur les reverse

mortgages. Fannie Mae, de son côté, annonce son plan HomeKeeper

en couverture de USA Today et Ken Scholen reçoit le FHA Commissioner’s Award pour son travail sur les reverse mortgages. Après dix ans d’expérimentation, le HECM Demonstration est converti, en 1998, en un programme permanent du HUD.

Au jour où nous écrivons, la mise sous tutelle des deux opérateurs majeurs des prêts hypothécaires, Fannie Mae et Freddie Mac, vient d’être annoncée, ultime mesure de sauvetage prise pour endiguer une

faillite nationale dont les retentissements sur les marchés internationaux étaient également à redouter. Le lancement des reverse

mortgages s’est quant à lui inscrit dans une conjoncture

d’emballement des marchés hypothécaires où se mêlent fuite en avant et suspicion de récession. Au moment même où les reverse mortgages sont lancés, en 1990, les premières suspensions d’émissions de prêts interviennent. Nous verrons comment Freddie Mac et Fannie Mae ayant échoué à répondre aux attentes de leur double vocation - soutenir la politique de logement et déployer le marché hypothécaire -, l’Etat fédéral se voit contraint à opérer une socialisation du capital. Dans ce contexte, cependant, le marché des reverse mortgages a « bénéficié » d’une progression extrêmement timide. La croissance substantielle des HECM sur le marché n’est en effet intervenue qu’en 2004, alimentée par les taux d’intérêts bas, les valeurs immobilières élevées et le relèvement des limites de valeur immobilières du HUD. De 38 000 en 1999 à 80 000 en 2003, le nombre de prêts HECM émis est passé à 195 000 en 2006 pour atteindre 345 762 en 2007, dernière évaluation en date1. Malgré un chiffre absolu extrêmement modeste, cette croissance récente et rapide laissait encore il y a peu augurer un décollement possible et prometteur. Néanmoins, les premiers signes de la crise des subprimes et le faible attrait des prêts auprès de la clientèle potentielle devaient simultanément tempérer ce vent d’optimisme.

1 Ibid.

I.3.2. Les prêts privés (proprietary products) et les programmes étatiques

A côté des prêts HECM assurés par les autorités fédérales, de loin les plus populaires, existent deux autres types de reverse mortgages disponibles sur le marché. Les premiers, offerts par des compagnies privées (dits « proprietary products »), comme le programme

HomeKeeper Fannie Mae, sont préférentiellement réservés aux

détenteurs de gros patrimoines1. Ils diffèrent des HECM en ce que, n’appliquant pas les 203-b limits, les acheteurs peuvent emprunter davantage, et en ce que, n’étant pas assurés, ils ne comportent pas non plus de prime d’assurance (le prêt est uniquement assuré sur la valeur de la maison). Le programme HomeKeeper comptait en 1999 1 000 prêts, contre 9 000 prêts HECM. Son succès relatif ne fut toutefois pas exempt de mécomptes, un nombre croissant d’emprunteurs se révélant incapables de payer leurs taxes foncière et leur assurance, ou d’entretenir leur logement. Décision fut alors prise d’exiger une réserve de la capacité d’emprunt pour couvrir les trois années de taxes et d’assurance, et d’effectuer des inspections de logement tout les cinq ans. De fait, une analyse réalisée par Fannie Mae avait montré que la plupart des ménages impécunieux étaient déjà délinquants au moment de contracter l’emprunt. Par ailleurs, le problème principal pour ces prêts privés était de trouver une source de financement. Celui-ci fut assuré, dans la plupart des cas, par les compagnies d’assurances, mais les firmes, de plus en plus préoccupées par les risques encourus par ce type de portefeuille, ont rapidement cessé d’offrir le prêt. La plupart des reverse mortgages privés ont ainsi eu une durée de vie très courte,

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Fannie Mae achète des prêts aux banques et aux courtiers, mais ne les vend pas directement aux emprunteurs.

jusqu’à ce qu’interviennent en 1999, les premières sécurisations de prêts1. En dehors du programme HomeKeeper de Fannie Mae, le principal pourvoyeur privé de reverse mortgages (la Financial Freedom Funding Corporation) s’adresse à des propriétaires de patrimoines plus importants que ceux des clients des programmes HECM et HomeKeeper.

Les seconds types de reverse mortgages accessibles aux Etats-Unis, réservés au contraire aux ménages modestes, sont proposés par quelques Etats et agences gouvernementales locales. Ils sont à but unique (conçus pour un usage spécifique : réparations de la maison, impôts..), généralement accordés à des ménages dont les revenus sont plafonnés, et ont des coûts modérés, voire très bas2. Ils ne sont pas assurés non plus, mais étroitement contrôlés et suivis par les agences qui les mettent à disposition d’un public également suivi, socialement et financièrement. Ces plans de « Reverse Annuity Mortgages » dits

« RAM » peuvent être à taux fixe, comme celui développé en 1980 par

le San Francisco Development Fund dont les prêts sont accessibles aux personnes âgées de 62 ans et plus, et ne comporter qu’une option de paiement – contrairement à la « flexibilité » des prêts HECM qui, on l’a vu, proposent cinq options possibles. Ils s’adressent en effet spécifiquement à des publics restreints et sont ciblés sur des besoins définis. Ainsi, le programme HOME (Homeowner Options for Massachusetts Elders) développé par une agence à but non lucratif est conçu pour permettre aux personnes âgées de rester chez eux pendant un nombre fixe d’années, de cinq à sept ans en moyenne, et au

1 David T. Rodda, Christopher Herbert & Hin-Kin Lam, No Place Like Home;

Evaluation Report of FHA’s Home Equity Conversion Mortgage Insurance Demonstration, op. cit.

2

Ken Scholen & Bronwyn Belling, Home Equity Conversion Mortgage (HECM)

maximum dix ans. Ils sont donc expressément conçus pour des personnes qui ne prévoient pas de rester définitivement chez eux. Les prêts offerts, à taux fixe et non assurés par le FHA, sont beaucoup moins onéreux que les prêts HECM qui ont un caractère plus généraliste1.

Le Reverse Annuity Mortgage Program du Connecticut, créé en 1984, conçu au départ pour les personnes âgées de 68 ans et plus, était à l’origine un prêt à taux fixe procurant dix ans de paiements mensuels augmentant annuellement de 3%. Modifié de façon à inclure différentes options de paiement, puis suspendu entre 1991 et 1994 pour raison de crise budgétaire, il s’adresse depuis exclusivement aux propriétaires âgés nécessitant des soins de longue durée. Faiblement commercialisé et peu développé, ce programme s’est révélé peu réaliste quant à ses objectifs dans la mesure où, l’argent étant fongible, il est difficile dans la pratique de faire le départ entre les besoins d’assistance et les autres besoins de base, l’argent pour les soins pouvant finir dans le paiement d’autres besoins et vice-versa. Il ressort néanmoins de l’évaluation de ce programme que l’allègement de la dette existante liée à l’hypothèque et aux impôts fonciers peut procurer de quoi payer les dépenses de soins. De surcroît, les prêts utilisés en très forte majorité par les personnes seules (11% seulement d’emprunteurs mariés) ont permis une augmentation de revenus d’autant plus substantielle (de plus de 80%) que les revenus des emprunteurs étaient faibles et les versements élevés en raison de la réduction maximale des coûts (frais de gestion et de personnel notamment). Le mode de gestion rapproché associé au ciblage de la

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Roberta Leviton, « Reverse Mortgage Decision-Making », Journal of Aging &

population visée et à la faiblesse numérique des bénéficiaires expliquent à la fois l’efficacité du programme et ses limites1.

Tous les prêts hypothécaires sont soumis aux Etats-Unis aux règles fédérales, notamment au Truth-in-Lending Act auquel nous reviendrons plus en détail ultérieurement.

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Donald L. Redfoot, Ken Scholen & S. Kathi Brown, Reverse Mortgage: Niche

II.LA STRUCTURATION DU MARCHE DES REVERSE MORTGAGES AUX