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Modalités de recueil des réponses cliniques aux stimulations

Dans le document ANESTHESIE POUR NEUROCHIRURGIE EVEILLEE (Page 84-89)

CAS CLINIQUE

A. LA CARTOGRAPHIE CÉRÉBRALE

2. Période peropératoire

2.1. La cartographie fonctionnelle peropératoire par Stimulation Electriques Directes (SED)

2.1.3. Modalités de recueil des réponses cliniques aux stimulations

Stimuler une aire cérébrale ne permet de définir son caractère « éloquent » qu’à la condition de choisir les tâches appropriées, et de recueillir avec précision les réponses cliniques afin d’interpréter de façon fiable les données.

Sur le plan des fonctions sensori-motrices, le choix des tests ne pose pas de problème, puisqu’il est demandé au patient (si éveillé) de rester passif lors de la stimulation — hormis dans de rares cas de recherche spécifique de « l’aire motrice négative » lors de lésions du cortex prémoteur [68], où le patient doit réaliser un mouvement régulier durant les stimulations, afin de vérifier si ces dernières engendrent une modification de la motricité (ralentissement, diminution de précision ou d’amplitude, interruption).

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Le recueil des données est, par contre, plus complexe, concernant la fonction somato-sensorielle, vu que les réponses sont subjectives (le patient décrit lui-même le type, l’intensité et la localisation des dysesthésies perçues lors des stimulations).

En ce qui concerne les fonctions cognitives, le choix du (des) test(s) peropératoire(s) devient crucial, puisqu’une absence d’inhibition lors de la stimulation ne permet pas d’affirmer que le site n’est pas éloquent si la « bonne » fonction n’a pas été testée. D’où l’utilisation de tâches sensibles plutôt que spécifiques, pour lesquelles une stimulation peut facilement engendrer une perturbation aisément reconnaissable, et ce à divers endroits d’un large réseau cortico-sous-cortical.

Ainsi la cartographie langagière « initiale » comporte dans un premier temps un test de comptage, la stimulation étant susceptible d’altérer la production articulatoire pendant la réalisation de ces séries automatiques (ralentissement, dysarthrie, anarthrie, suspension complète de la fluence, plus ou moins associés à des mouvements faciaux et/ou raucité et/ou déglutition automatique) ; suivie dans un deuxième temps d’une tâche de dénomination d’objets, la stimulation pouvant induire si en regard d’un site du réseau une symptomatologie très variée : troubles articulatoires, anomie pure, paraphasies phonémiques, voire sémantiques, itérations ou persévérations notamment. C’est d’ailleurs pour différencier l’anomie de l’anarthrie que le patient doit lire une courte phrase précédant le dessin de l’objet, de type « ceci est… » [52].

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Si ces tâches sont riches, tout en étant réalisables dans une fourchette de temps inférieure à 4 secondes (donc compatible avec les impératifs de la chirurgie sous anesthésie locale), elles ne testent pas l’ensemble des fonctions du langage. Une troisième épreuve peut donc être effectuée afin de parfaire la cartographie. Cette troisième tâche est à adapter à la localisation de la lésion ainsi qu’à l’organisation corticale langagière individuelle, évaluée en préopératoire par un bilan neuropsychologique/orthophonique et par neuro-imagerie fonctionnelle — notamment concernant la latéralisation hémisphérique. Par conséquent, on peut y associer des tâches de génération de verbes (utilisant des réseaux différents de ceux de la dénomination), en langue étrangère chez les bilingues, de mémoire, de calcul, de répétition, de lecture, voire de compréhension pour les lésions temporo-pariétales postérieures [69-71].

Parallèlement la présence d’orthophoniste et/ou d’un neuropsychologue est souhaitable pendant la passation des tests afin de vérifier si une éventuelle erreur est générée ou non par la stimulation (donc si l’acte doit être poursuivi ou non), mais également dans le but de guider le chirurgien sur un plan anatomo-fonctionnel tout au long de la résection en lui indiquant la nature des troubles survenus (articulatoire, phonologique, sémantique…).

Chaque aire corticale avant résection est testée trois fois pour éviter les faux négatifs en considérant, en cas de réponse discordante, que l’aire est réséquable [47,57,55] . Il est déconseillé de stimuler deux fois successivement le même site ou deux sites corticaux voisins en raison du risque de crises. De plus, pour les mêmes raisons il faut attendre entre deux stimulations la disparition des post-décharges, en cas d’enregistrement électro-corticographique peropératoire

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[62]. Chaque aire fonctionnelle reconnue sera marquée d’une étiquette et préservée lors de l’exérèse.

Certains recommandent de garder une marge de sécurité de 5 à 10 mm vis-à-vis de toutes les aires à risque [72-74] ou uniquement pour celles du langage [47,64,65] afin de réduire le risque de déficit définitif. Pour d’autres, cette marge n’est pas nécessaire, car si le risque de déficit transitoire est augmenté, celui de séquelles définitives ne l’est pas [48].

Si la stimulation corticale permet de définir les limites superficielles de l’exérèse, elle doit être complétée par une cartographie de la substance blanche pour repérer les voies sensori-motrices et du langage, et délimiter les limites profondes de la résection [47,48,65,59,75]. Cette stimulation sous-corticale est, parfois, la seule méthode de cartographie fonctionnelle possible lorsque les aires corticales n’ont pas été repérées préalablement à l’exérèse. Dans la série de Keles [65], 34 patients sur 294 opérés de gliomes en zone rolandique avaient une cartographie corticale négative. Dans la moitié des cas, le faisceau pyramidal a pu être repéré. Inversement, les fibres sous-corticales ne sont pas toujours identifiées même si elles sont recherchées systématiquement. Dans l’étude citée précédemment, le faisceau pyramidal n’a été mis en évidence que dans 49 % des cas. Pour cette raison, plusieurs équipes n’utilisent les stimulations sous-corticales que de façon occasionnelle ce qui peut expliquer les différences dans les résultats en terme de morbidité [72,76]. La technique d’identification des voies d’association diffère légèrement de celle employée pour le repérage des aires fonctionnelles corticales. Le seuil est fixe, identique [65] ou augmenté de 2 mA par rapport à celui utilisé pour la cartographie corticale [52]. Sous anesthésie générale, pour identifier le faisceau pyramidal, la

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stimulation est réalisée de façon quasi continue au cours de l’exérèse qui est interrompue en cas de mouvements des membres ou de la face. Sous anesthésie locale, l’opéré exécute en permanence, au cours de la résection, les tâches du langage déjà citées, éventuellement associées, en fonction de la localisation tumorale à des mouvements de la main ou du pied. Si l’observateur constate des modifications dans leurs réalisations (ou que le patient ressent des paresthésies s’il s’agit de repérer le faisceau thalamo-cortical), l’exérèse est arrêtée et des stimulations sont effectuées. L’obtention de réponses signifie que des faisceaux d’association à respecter ont été identifiés. Inversement, l’absence de perturbations est en faveur d’une simple fatigue du patient [52].

En fin d’intervention, les aires fonctionnelles sont stimulées de nouveau. En cas de réponses, l’intégrité du réseau cortico-sous-cortical peut être affirmée, ce qui permet de rassurer le patient sur sa récupération s’il présente un déficit postopératoire. La qualité de l’exérèse sera évaluée en peropératoire par l’échographie ou la neuro-navigation.

Cependant l’exactitude des informations obtenues par cette technique reste sujette à caution car l’impact réel de la stimulation électrique directe corticale est mal connu. En effet, la possibilité de faux négatifs (validité de l’intensité de stimulation) ou de faux positifs (propagation du courant électrique à distance) constitue un élément limitant de cette technique. Son association à l’électro-corticographie peropératoire pourrait pallier à un certain nombre de ces problèmes [77].

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2.2. Eléctrocorticographie : intérêt du couplage à la stimulation

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