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6.2 L’´etat de l’art

6.2.2 Le mod`ele lin´eaire de Nauzin-Orchard

La mod´elisation de l’effet peinture a fait l’objet de travaux ant´erieurs au sein des laboratoires d’ArcelorMittal o`u J.P. Nauzin, en particulier, a conduit une ´etude tr`es d´etaill´ee allant dans ce sens[45, 44]. Nous n’allons pas ici reprendre dans le d´etail tous les d´eveloppements pr´esent´es dans ses rapports, mais nous pouvons en souligner quelques points importants qui nous permettrons de mieux expliquer ensuite l’orientation qu’ont pris nos travaux de recherches.

6.2.2.1 Hyptoh`eses fondamentales

L’approche emprunt´ee par J.P. Nauzin se fonde essentiellement sur les ´equations de base de l’hydrodynamique. Dans la mesure o`u il est encore difficile aujourd’hui de tenter une r´esolution directe des ´equations de Navier-Stokes lorsque le fluide pr´esente une surface libre et une interaction possible avec son substrat, il a cherch´e `a introduire le maximum d’hypoth`eses simplificatrices pour obtenir au final une ´equation utilisable en pratique. Nous pouvons d’ores et d´ej`a noter que les ´etudes qui ont ´et´e faites lors de notre projet ont suivi une d´emarche semblable, et nous ferons plusieurs fois appel aux hypoth`eses que nous allons maintenant passer en revue.

Les premi`eres hypoth`eses propos´ees concernent le comportement intrins`eque du fluide lors de son ´ecoulement :

Hypoth`ese 6.1.

i) Le fluide est incompressible ii) L’´ecoulement est newtonien

iii) La seule force volumique externe est celle de la pesanteur

L’hypoth`ese d’incompressibilit´e signifie que le volume occup´e par le fluide est ne d´epend pas de la pression. C’est une hypoth`ese notoirement fausse pour les gaz mais qui, en revanche, correspond en g´en´eral assez bien aux comportements des liquides.

Le caract`ere newtonien de l’´ecoulement est un sujet un peu plus d´elicat comme nous le verrons plus tard. Pour expliquer de quoi il s’agit, il faut rappeler que les fluides pr´esentent une r´esistance `a leur d´eformation que l’on caract´erise par une grandeur appel´ee viscosit´e. Plus la viscosit´e est grande, plus il est difficile de d´eformer le fluide. On peut se repr´esenter cette propri´et´e en pensant au miel qui a tendance `a s’´ecouler d’un pot beaucoup plus lentement que de l’eau ne se renverse d’un verre. Lorsque l’on dit qu’un ´ecoulement est newtonien cela signifie que la viscosit´e d’un fluide ne d´epend d’aucune des contraintes exerc´ees sur le fluide qui s’´ecoule. On peut alors consid´erer que la viscosit´e est constante `a temp´erature donn´ee et donc plus pr´ecis´ement que la viscosit´e n’est fonction que de la temp´erature du fluide.

La troisi`eme hypoth`ese s’applique bien `a notre cas d’´etude et nous permet de con- sid´erer que le bilan des forces externes subies par le fluide ne mettra en jeu que la pression de ce fluide et la pesanteur.

Ces premi`eres hypoth`eses nous permettent d’exprimer l’´equation de Navier-Stokes qui d´ecrit la conservation de la quantit´e de mouvement pour le fluide ´etudi´e, et sur laquelle va se fonder la suite des d´eveloppements :

ρd~v

dt = −∇p + ρ~g + η∆~v (6.1)

– p la pression du fluide – ρ sa densit´e – ~g la pesanteur – η la viscosit´e – ~v la vitesse – ∆ l’op´erateur de Laplace

– ∇ l’op´erateur nabla, ici pour trouver le gradient de p

6.2.2.2 L’approximation de lubrification

Pour poursuivre son ´etude, J.P. Nauzin se place ensuite dans le cadre de l’ap- proximation de lubrification. Nous allons maintenant prendre un peu de temps pour pr´esenter cette ´etape importante, `a la lumi`ere des explications fournies dans le chapitre sur l’hydrodynamique interfaciale de Gouttes, bulles, perles et ondes[11].

Afin d’illustrer notre propos, nous pr´esentons aussi le sch´ema de la figure 6.6. Sur cette figure, nous notons h l’´epaisseur du film, qui peut d´ependre de la position sur le substrat, et qui est donc fonction de ~x et ~z. La pesanteur ~g est aussi indiqu´ee, ainsi que la vitesse ~v du fluide. Nous pouvons enfin y voir que l’inclinaison du substrat est not´e β.

h

v

y

x

z.

Figure 6.6 – Ecoulement d’un fim mince

Nous pouvons regrouper les hypoth`eses de l’approximation de lubrification utilis´ees par J.P. Nauzin dans la liste suivante :

Hypoth`ese 6.2.

i) Le champ de vitesse est continu au contact entre le fluide et le substrat ii) L’´epaisseur du film est “petite”

iii) Les ´ecoulements sont lents

iv) Les vitesses ´evoluent essentiellement dans la direction normale au substrat. La premi`ere hypoth`ese est une condition de non glissement entre le fluide et son substrat. Ceci implique donc naturellement que la vitesse du fluide `a la surface du substrat est nulle.

dizaine de millim`etres en longueur et en largeur. L’hypoth`ese semble donc bien adapt´ee `

a notre ´etude.

La troisi`eme hypoth`ese, qui peut aussi s’interpr´eter comme une cons´equence des deux premi`eres, a une signification primordiale pour nous. En effet, elle exprime le fait que les ´ecoulements auxquels nous avons `a faire ne sont pas sujet `a la pr´esence de turbulence. Ces ´ecoulements sont caract´eris´es par un faible nombre de Reynolds qui indique que les effets de la viscosit´e dominent les effets inertiels. Autrement dit, le premier terme de l’´equation (6.1) peut ˆetre n´eglig´e et l’on peut d`es lors travailler avec l’´equation de Stokes :

∇p = ρ~g + η∆~v (6.2)

La derni`ere hypoth`ese nous indique que les variations de vitesse suivant l’axe ~y seront toujours beaucoup plus fortes que selon les autres directions qui pourront, le cas ´ech´eant, ˆetre n´eglig´ees. Ceci permet de faire des approximations facilitant la r´esolution des ´equations, tout en restant coh´erent avec les hypoth`eses pr´ec´edentes et notamment la condition de non glissement et la minceur du film.

6.2.2.3 La solution d’Orchard

Afin de se placer dans le cadre des travaux de S.E.Orchard[51], J.P. Nauzin propose quelques derni`eres hypoth`eses :

Hypoth`ese 6.3.

i) La tˆole est quasiment horizontale

ii) La micro-g´eom´etrie de la surface du substrat est tr`es petite devant l’´epaisseur du film.

La premi`ere hypoth`ese permet de proc´eder `a de nouvelles approximations dans les ´equations et `a consid´erer notamment que la pesanteur ne va pas entraˆıner un ´ecoulement du fluide suivant l’axe de la plus grande pente. Bien entendu elle restreint aussi le domaine de validit´e des d´eveloppements qui vont suivre.

La seconde hypoth`ese permet de simplifier les conditions aux limites du probl`eme au niveau du substrat.

Conditions aux limites.

`

a t = 0 la surface du fluide de revˆetement est identique `a celle de son substrat (micro- rugosit´e comprise) ;

`

a y = 0 (au niveau du substrat) la vitesse est nulle (cf section 6.2.2.2) ; `

a y = h (sur la surface libre) les forces dues `a la tension de surface (que l’on notera γ) ´equilibrent les contraintes.

On peut d`es lors avoir une bonne id´ee de l’´evolution des motifs, `a la surface du film, en consid´erant une surface ayant une forme artificiellement simple. On peut, par exemple, consid´erer que la surface est essentiellement plane (de hauteur moyenne h0)

et seulement perturb´ee par une sinuso¨ıde de faible amplitude a. Elle s’´ecrit alors :

h(t, x) = h0+ at· sin(

L’´evolution de cette surface est donn´ee par celle du coefficient at. Et, ce coefficient,

d´efinit par l’´equation (6.4), d´epend de la valeur de la longueur d’onde λ. Or c’est justement cette d´ependance en λ qui va nous donner une id´ee de l’´evolution des motifs `

a la surface des tˆoles, dans la limite o`u l’on se contentera de caract´eriser ces motifs par leurs ´echelles caract´eristiques.

at= a0· exp " −16 · π 4· (γ +ρgλ2 4π2 ) · h30 3 · λ4 Z t 0 dt η # (6.4)

En consid´erant de plus qu’il ne va ´etudier que les longueurs d’ondes inf´erieures au centim`etre – une ´echelle o`u l’influence de la pesanteur dans l’´equation (6.4) est n´egligeable1 – J.P. Nauzin obtient l’´equation (6.5). Il apparaˆıt que l’on arrive alors

`

a caract´eriser l’´evolution de la surface du fluide par une relation lin´eaire entre les coefficients atet a0, une relation dont les facteurs d´ependent du temps et des propri´et´es

intrins`eques du fluide mais pas de la g´eom´etrie initiale.

at= a0· exp  −16 · π 4· γ · h3 0 3 · λ4 Z t 0 dt η  (6.5) 6.2.2.4 R´esultats

Apr`es avoir d´emontr´e que l’on pouvait utiliser une version simplifi´ee du mod`ele de S.E. Orchard, J.P. Nauzin est arriv´e `a la conclusion que l’´evolution de la topographie des tˆoles, lors du nivellement de leurs fluides de revˆetement, peut ˆetre assimil´ee `a l’effet d’un filtre lin´eaire passe-bas. Cependant, le calcul des facteurs de ce filtre lin´eaire n’a rien de trivial, puisqu’il fait intervenir le comportement de la viscosit´e au cours de la cuisson par le biais de l’int´egrale :Rt

0 dtη.

Il est bon de se rappeler ici que la cuisson n’est absolument pas isotherme et que les fluides utilis´es pour revˆetir les tˆoles sont assez complexes. Par cons´equent, mˆeme si l’on se conforme `a l’hypoth`ese du comportement newtonien, la viscosit´e va n´ecessairement varier au cours du processus de peinture. C’est pour cette raison que J.P. Nauzin fait ´etat, dans ses rapports, d’´etudes sur la rh´eologie des liquides utilis´es pour la cataphor`ese. Nous passerons ici sur les d´etails de la mod´elisation du comportement de la viscosit´e en fonction du temps, qui est d´ecrite de fa¸con d´etaill´ee dans ces rapports. Nous noterons, cependant, que pour la tension de surface, il a utilis´e une valeur “classique” tir´ee de la litt´erature, mais qu’il est en pratique tr`es difficile d’avoir un renseignement pr´ecis sur la valeur ou le comportement de ces tensions, que ce soit en demandant l’information directement aux producteurs des liquides de revˆetements ou, en tentant une d´emarche exp´erimentale, comme nous avons pu le voir `a la section 3.1.

6.2.2.5 Discussion du mod`ele propos´e

Au final, et au vu des tests qui ont ´et´e effectu´es lors de l’´etude de J.P. Nauzin, il apparaˆıt que le mod`ele propos´e simule bien le comportement nivelant de la cataphor`ese sur les motifs de rugosit´es dont l’´echelle est aux alentours du millim`etre. En revanche, il semble que ce mod`ele soit incapable de rendre compte de la conservation des motifs de petites, voire de tr`es petites ´echelles. En particulier, le mod`ele pr´edit une extinction

L’´etude propos´ee par Nauzin et bri`evement r´esum´ee ici est int´eressante `a plus d’un titre. Tout d’abord elle propose un lien concret entre la probl´ematique industrielle de simulation de l’effet peinture et les nombreux d´eveloppements de l’hydrodynamique des films minces. Mieux encore, elle offre des r´esultats qui en d´emontrent toute la pertinence, aussi bien pour la pr´ediction des topographies des tˆoles peintes, que pour celle de l’aspect peint que J.P. Nauzin a aussi ´etudi´e, comme nous le verrons dans la section d´edi´ee `a cette seconde probl´ematique.

Il reste n´eanmoins plusieurs points `a ´eclaircir. Tout d’abord si l’on consid`ere le fait qu’en dessous du demi millim`etre le mod`ele n’arrive pas `a reproduire l’´evolution r´eelle de la topographie, cela nous indique que certaines des hypoth`eses faites par J.P. Nauzin sont `a corriger. Or si les hypoth`eses qui entrent dans le cadre de l’approximation de lubrification sont tr`es classiques et probablement valides, il est possible de remettre en question le caract`ere newtonien de la cataphor`ese. Il s’agit d’un liquide particuli`erement complexe et l’on peut ais´ement penser qu’il ne v´erifie pas cette condition. Une ´etude portant sur la pertinence de cette hypoth`ese a ´et´e men´ee dans le cadre de notre projet et nous la pr´esenterons au cours de la section suivante.

Ensuite, le domaine d’application du mod`ele de J.P. Nauzin est assez limit´e dans le sens o`u aucune exp´erience ne montre qu’il s’applique bien au cas des laques et des sealers. La question de ce qu’il advient lorsque les positions de s´echage ne sont plus horizontales reste aussi en suspens et devra ˆetre ´eclaircie. Enfin, la mod´elisation pro- pos´ee n’est test´ee que sur des profils alors que les processus physiques, que ce soit pour l’application des revˆetements ou pour l’aspect visuel des tˆoles peintes, s’expliquent tr`es probablement mieux en prenant en compte l’aspect bidimensionnel des topographies.