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4.2 Les mod`eles de mat´eriaux poreux acoustiques

4.2.1 Le mod`ele de Johnson

a l’air de traverser le mat´eriau de part et d’autre : on parle alors de porosit´e ouverte.

C’est l’une des principales diff´erences entre les mat´eriaux poreux classiques, usuellement utilis´es en acous-tique, et les mousses liquides ainsi que les mousses solides membranaires que nous ´etudions au cours de la th`ese. Dans toute cette partie, sauf mention contraire, nous parlons des mat´eriaux `a porosit´e ouverte. Notons que pour les mat´eriaux dont le squelette est solide, on a plutˆot l’habitude d’exprimer les proportions entre les volumes de gaz et de solide en donnant la fraction volumique d’air (rapport du volume de gaz sur le volume total), autrement dit la porosit´e Φ (`a l’inverse des mousses liquides que l’on a pr´ec´edemment caract´eris´ees par leur fraction volumique de liquide Φ`).

Fig. 4.1 – Repr´esentation sch´ematique d’un mat´eriau poreux : en noir la phase solide, en blanc la phase fluide, le plus souvent de l’air. Ici l’air peut traverser le mat´eriau de part et d’autre (dans la direction qui serait celle de l’onde acoustique) sans rencontrer d’obstacle (la phase fluide est continue), on parle donc de mat´eriau `a porosit´e ouverte.

Les principaux types de mat´eriaux poreux acoustiques sont les mat´eriaux cellulaires, comme les mousses ; les fibreux telles les laines min´erales ou laines de verre, et enfin les granulaires parmi lesquels on peut citer le b´eton poreux (Arenas et Crocker, 2010).

Ces mat´eriaux dissipent l’´energie acoustique grˆace `a deux ph´enom`enes : les effets visco-inertiels et les effets thermiques. Ils r´esultent tous deux des mouvements du fluide dans un milieu contenant de nombreuses parois solides. Dans la plupart des mod`eles de mat´eriaux poreux, les vibrations du squelette sont n´eglig´ees, ce der-nier ´etant suppos´e ind´eformable : le mat´eriau est alors vu comme un fluide ´equivalent. La r´eponse ´elastique du squelette, susceptible dans certains cas de modifier grandement les performances acoustiques du mat´eriau, peut toutefois ˆetre d´ecrite par la th´eorie de Biot. Diff´erents mod`eles d´ecrivant la r´eponse acoustique et/ou ´elastique des mat´eriaux poreux sont pr´esent´es dans la prochaine section.

4.2 Les mod`eles de mat´eriaux poreux acoustiques

4.2.1 Le mod`ele de Johnson

Le premier mod´ele que nous abordons est celui propos´e par Johnson et al. (1987).

Le milieu consid´er´e est compos´e d’un fluide visqueux newtonien, saturant les pores connect´es (porosit´e ou-verte φ), et de g´eom´etrie quelconque, d’une matrice solide. Ce milieu est soumis `a un gradient de pression harmonique ~∇P e−jωt, et la r´eponse du fluide est ´etudi´ee. Les calculs sont d´eriv´es sous l’hypoth`ese que le solide est ind´eformable, mais les auteurs montrent par la suite que la validit´e des r´esultats peut ˆetre ´etendue au cas d’un solide d´eformable.

`

A l’´echelle du pore, le fluide de masse volumique ρ0et de viscosit´e η0a une vitesse microscopique ~u homog`ene (sauf dans la couche visqueuse pr`es des parois), et est suppos´e incompressible. Bien que l’on soit dans le domaine de l’acoustique, cette hypoth`ese peut ˆetre faite dans la mesure o`u la longueur d’onde (dans le fluide) λ est tr`es sup´erieure `a la taille caract´eristique des pores. Ainsi, `a l’´echelle de la taille des pores le fluide peut effectivement ˆetre consid´er´e comme localement incompressible.

`

A l’´echelle du mat´eriau, la r´eponse lin´eaire du fluide `a l’excitation acoustique est caract´eris´ee par sa vi-tesse macroscopique (moyenn´ee sur l’ensemble des pores) ~v, d´efinie telle que φ~v.~nA soit le d´ebit de fluide traversant une surface d’aire A orient´ee suivant la normale ~n. La pression P et la densit´e ρ sont homog`enes `

a l’´echelle du mat´eriau.

De Navier-Stokes `a la tortuosit´e dynamique

C’est la relation entre ~v et ~∇P qui est recherch´ee. Dans l’´equation de Navier-Stokes lin´earis´ee ρ0

∂~v

∂t =−~∇P + η02~v (4.1)

on retrouve un terme d’inertie dans le membre de gauche, un terme de for¸cage correspondant au gradient de pression et un terme de viscosit´e. Ce sont donc les effets visco-inertiels survenant dans le milieu consid´er´e qui sont ´etudi´es.

Pour r´e´ecrire l’´equation pr´ec´edente, deux approches sont possibles, selon la limite de laquelle on part (ω→ 0 ou ω→ ∞) avant de la g´en´eraliser `a toute la gamme de fr´equence.

En quasi-statique (ω → 0), il n’y a plus de terme d’inertie et les auteurs ´ecrivent une loi de Darcy de la forme

φ ~v =−k(ω)η

0

~

∇P (4.2)

en introduisant k(ω) la perm´eabilit´e dynamique (homog`ene `a une longueur au carr´e).

A l’inverse `a haute fr´equence (ω→ ∞) le terme inertiel domine et les auteurs ´ecrivent cette fois α(ω)ρ0

∂~v

∂t =−~∇P (4.3)

o`u α(ω) est la tortuosit´e dynamique (sans dimension). On peut d´ej`a voir le produit α(ω)ρ0 comme une densit´e ´equivalente du fluide.

k(ω) et α(ω) sont des grandeurs complexes, d´ependant de la fr´equence, qui contiennent toutes deux des informations sur les effets visqueux et inertiels. Ces deux grandeurs ne sont donc pas ind´ependantes, et l’on n’a pas besoin des deux : c’est un choix d’utiliser plutˆot l’une ou l’autre pour d´ecrire le milieu. La relation entre elles est

α(ω) = 0φ ωk(ω)ρ0

. (4.4)

Relation de dispersion

La relation de dispersion dans le milieu est recherch´ee. Pour cela, en reprenant la description avec α(ω), ´equation (4.3), on ´ecrit ´egalement une ´equation de continuit´e

~

∇ · (ρ0φ~v) +

∂t(φρ0) = 0 , (4.5)

ainsi qu’une ´equation constitutive qui relie une variation infinit´esimale de P `a une variation infinit´esimale de ρ δρ ρ0 =δP K0 , (4.6)

avec K0 le module d’incompressibilit´e (bulk modulus en anglais) du fluide.

En cherchant une solution de la forme e−jωtejqx, o`u q est le nombre d’onde, on trouve q(ω) = ω s α(ω)ρ0 K0 = ω v0 p α(ω) (4.7)

avec v0 la vitesse de propagation du son dans le fluide “seul” (autrement dit lorsque le fluide ne sature pas la phase solide d’un mat´eriau poreux).

Limites basse et haute fr´equences de la tortuosit´e dynamique

Il est ´egalement possible de d´efinir les limites, respectivement `a basse et haute fr´equence, de la perm´eabilit´e et de la tortuosit´e dynamiques.

Lorsque ω = 0, on a une perm´eabilit´e statique k0 correspondant au cas d’un ´ecoulement stationnaire : lim

ω→0k(ω) = k0. (4.8)

Dans cette limite, la tortuosit´e v´erifie l’´equation (4.4) : lim

ω→0α(ω) = 0φ

ωk0ρ0. (4.9)

Lorsque ω→ ∞, on peut cette fois d´efinir α comme la limite haute fr´equence de la tortuosit´e : lim

ω→∞α(ω) = α. (4.10)

Notons que k0et α sont toutes deux r´eelles.

Il est possible de modifier l’´equation (4.9) de sorte `a expliciter la mani`ere dont α varie avec ω pour tendre vers α. Pour cela il convient d’´etudier le comportement de la partie imaginaire q00 du nombre d’onde q. D’apr´es Landau et Lifshitz (1987) celle-ci s’´ecrit

q00= | ˙Emech| 2S0

(4.11) o`u ˙Emechest l’´energie dissip´ee par unit´e de volume :

˙ Emech=−14η0 1 LA Z ∂ui ∂xk +∂uk ∂xi 2 dV (4.12)

et S0la densit´e de flux d’´energie incidente, dont les auteurs donnent l’expression : S0= √vα0

×LA1 Z 1

2ρ0|~u(~r)|2dV , (4.13)

les int´egrations se faisant sur l’espace des pores, d’aire A, pour un ´echantillon de mat´eriau d’´epaisseur L. Ces expressions font intervenir la vitesse microscopique ~u dans le fluide.

Le mouvement du fluide est tel que l’on a un ´ecoulement potentiel de vitesse ~up homog`ene, sauf dans la couche visqueuse proche des parois des pores, qui est la r´egion dans laquelle la dissipation a lieu. Cette couche visqueuse a une ´epaisseur

δv= r

0

ρ0ω. (4.14)

Lorsque ω → ∞, la couche visqueuse peut devenir arbitrairement fine. La vitesse passe ainsi de z´ero `a la paroi (indice w pour wall, pour ne pas confondre le p de “paroi” `a celui de “pore”) `a la valeur ~up dans le pore (hors de la couche limite). Les auteurs ´ecrivent le raccordement sous la forme

r

w

v

Fig. 4.2 – Repr´esentation sch´ematique de la paroi d’un pore, explicitant les notations de l’´equation (4.15), notamment la coordonn´ee locale d’´eloignement `a la paroi β. La zone hachur´ee correspond `a la partie solide. L’int´erieur du pore est divis´e en deux r´egions, d’abord la couche visqueuse d’´epaisseur δv puis le reste du volume du pore.

avec β une coordonn´ee locale mesurant l’´eloignement `a la paroi (voir Figure 4.2).

L’int´egration de l’´energie dissip´ee sur le volume des pores se r´eduit alors `a une int´egration sur la surface des pores, multipli´ee par l’´epaisseur de la couche visqueuse δv, et les auteurs obtiennent

˙ Emech=−2LA1 r ωρ0η0 2 Z |~up(~rw)|2dA . (4.16) En substituant (4.16) et (4.13) dans (4.11) on obtient finalement

q00= ω√α v0 Im "s jη0 ωρ0 2 Λ # (4.17) avec Λ une longueur caract´eristique visqueuse (ind´ependante de ω) d´efinie telle que

2 Λ = R A|~up(~rw)|2dA R V |~up(~r )|2dV . (4.18)

Au num´erateur, la vitesse microscopique du fluide `a la paroi des pores est int´egr´ee sur la surface des pores, tandis qu’au d´enominateur la vitesse microscopique du fluide `a l’int´erieur des pores est int´egr´ee sur le volume des pores.

Λ correspond ainsi au double du ratio volume-sur-surface des pores, chaque ´el´ement de volume ou de surface ´etant pond´er´e par la valeur locale de la vitesse microscopique.

Finalement, d’apr`es la relation de dispersion (4.7) et l’expression de q00(4.17), les auteurs peuvent ´ecrire la limite haute fr´equence de la tortuosit´e comme

lim ω→∞α(ω) = α " 1 + s jη0 ωρ0 2 Λ # . (4.19)

Expression g´en´erale de la tortuosit´e dynamique

Maintenant que les comportements asymptotiques `a basse et haute fr´equences ont ´et´e ´etudi´es, une expression g´en´erale de la tortuosit´e, valable pour toute la gamme de fr´equence, est recherch´ee par les auteurs sous la forme

α(ω) = α+ 0φ ωk0ρ0

Ils proposent l’expression de F (ω) suivante, qu’ils jugent ˆetre la plus simple : F (ω) = s 1− j2k 2 0ρ0ω η0Λ2φ2 . (4.21)

Finalement, la tortuosit´e dynamique s’´ecrit

α(ω) = α+ 0φ ωk0ρ0 s 1− j 2 k2 0ρ0ω η0Λ2φ2 . (4.22)

Dans les travaux de Johnson et al, le milieu poreux est ainsi caract´eris´e par quatre param`etres : la po-rosit´e ouverte φ, la perm´eabilit´e statique k0, la limite haute fr´equence de la tortuosit´e α et la longueur caract´eristique visqueuse Λ.

Mentionnons que la perm´eabilit´e statique k0peut ˆetre remplac´ee par la r´esistivit´e au passage de l’air, d´efinie telle que σ = η0/k0. Par la suite, on pr´ef´erera utiliser σ plutˆot que k0, qui est plus largement r´epandu dans la communaut´e des mat´eriaux poreux, notamment en raison du fait qu’une mesure directe de ce param`etre peut ˆetre r´ealis´ee. Cette mesure directe, d´ecrite dans la norme ISO 9053-1 (2018), se base sur la mesure de la diff´erence de pression entre les deux faces de l’´echantillon, soumis `a un ´ecoulement d’air laminaire et de d´ebit constant. La r´esistivit´e est alors donn´ee par la relation

σ =∆P × S

qv× e (4.23)

avec ∆P la diff´erence de pression mesur´ee, qv le d´ebit volumique d’air, S la surface de l’´echantillon et e son ´epaisseur.

Les param`etres du mod`ele de Johnson sont donc alors σ, φ, αet Λ, et l’on peut noter que ces trois derniers param`etres ne d´ependent pas des propri´et´es du fluide mais sont caract´eristiques du milieu poreux. Pour la tortuosit´e α, on peut la voir comme le rapport entre le chemin r´eellement parcouru dans l’air du mat´eriau poreux, qui est tortueux, et la longueur du mat´eriau.

Expression des param`etres du mod`ele de Johnson pour une g´eom´etrie simple

Tous ces param`etres peuvent ˆetre calcul´es de mani`ere exacte dans un cas simple : celui o`u les pores sont tous des cylindres inclin´es d’un mˆeme angle θ, et tous de mˆeme rayon R. Dans cette situation, on trouve

α= 1

cos2θ, k0= 1 8φR

2cos2θ et Λ = R . (4.24)

Une relation entre ces diff´erents param`etres ´emerge donc 8αk0

φΛ2 = 1. (4.25)

En principe, φ, k0, α et Λ sont ind´ependants les uns des autres. Toutefois ici, comme les pores sont `a section constante, la vitesse est invariante dans la direction du pore (Figure 4.3(a)). La pond´eration par la vitesse qui intervient dans l’expression de Λ, ´equation (4.18), n’a donc pas lieu d’ˆetre, et on sent qu’il y a trop de param`etres. Λ notamment n’est plus justifi´e, et peut ˆetre calcul´e par la relation pr´ec´edente qui le relie aux trois autres param`etres.

Ceci n’est plus le cas lorsque la section du pore varie : la vitesse augmente dans les r´egions les plus fines (Figure 4.3(b)). L’effet de pond´eration par la vitesse conf`ere donc aux r´egions ´etroites des pores une contri-bution plus importante `a Λ, et l’on peut ainsi voir cette longueur caract´eristique comme repr´esentative de la dimension des r´egions les plus fines des pores.

Les auteurs ont test´e diff´erentes configurations de milieux poreux, et obtiennent au maximum 8αk0/(φΛ2) = 1.6 au lieu de 1. Le lecteur pourra juger si cette d´eviation justifie l’ind´ependance et donc la n´ecessit´e des

(a) (b)

Fig. 4.3 – Repr´esentation sch´ematique d’un mat´eriau poreux (phase solide en noir et fluide en blanc), afin de comparer les vitesses (repr´esent´ees par des fl`eches) : `a gauche pour des pores uniformes, `a droite pour des pores dont la section varie. Dans le premier cas la vitesse est la mˆeme tout le long du pore, alors que dans la seconde situation la vitesse augmente au niveau de la constriction.

quatre param`etres1.

Densit´e effective du mat´eriau poreux

Pour terminer, nous pouvons d´efinir une masse volumique ´equivalente du fluide ρeq(ω), d’apr`es l’´equation (4.3), par

ρeq(ω) = α(ω)ρ0. (4.26)

Il s’agit d’une grandeur complexe et d´ependant de la fr´equence.

De la mˆeme mani`ere, on peut d´efinir une masse volumique ´equivalente ˜ρeq(ω) relative cette fois au mat´eriau, et non plus au fluide, en multipliant par un facteur 1/φ.

En effet, le mat´eriau peut ˆetre vu comme constitu´e de deux ´el´ements branch´es en parall`ele, sa partie fluide et sa partie solide, avec des poids relatifs qui d´ependent de la porosit´e

1 ˜ ρeq = (1− Φ)ρ1 s + Φ1 ρf , (4.27)

avec ρsla masse volumique de la phase solide, et ρf celle de la phase fluide qui est ici ´egale `a ρeq, la masse ´equivalente du fluide que nous venons de calculer. Or, cette th´eorie de l’acoustique des mat´eriaux poreux s’applique g´en´eralement `a des milieux dont la porosit´e est tr`es ´elev´ee (en pratique bien souvent sup´erieure `a 95%). De ce fait, le premier terme de l’´equation (4.27) peut ˆetre n´eglig´e, et l’on obtient simplement que

˜

ρeq= ρeq

Φ . (4.28)

Compte-tenu de l’expression de la tortuosit´e (4.22) et de la d´efinition de σ, cette masse volumique ´equivalente pour le mat´eriau s’´ecrit alors

˜ ρeq(ω) = αρ0 φ " 1 + j σφ αρ0ω s 1− jφ22ση20Λρ02ω # . (4.29)