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conception du projet Colonav, les référents et l’équipe de recherche

2. Modération de type comportemental

L’action du navigateur peut être modérée par ce que nous avons appelé le système de santé, le système d’aide sociale, le système de vie sociale, par la population cible elle-même et par les acteurs du projet (référents, chercheurs). L’étude des partenaires qu’ont pu avoir les navigateurs du projet permet de constater qu’il existe un très grand nombre d’acteurs travaillant ou s’intéressant à des problématiques de santé, notamment celle du dépistage du cancer. Ces acteurs ne font pas seulement partie du système de santé, mais font aussi partie des autres types de structures du système d’aide sociale, et du système de vie sociale.

Les principales grandes actions des différents acteurs pour aider les navigateurs du projet COLONAV ont été :

• Permettre aux navigateurs d’avoir accès à un lieu où ils peuvent faire une permanence, mettre en place un stand ou encore faire des réunions (référents, pharmacies, membres de la communauté, restos du cœur, hôpitaux, etc.),

• Apporter des connaissances aux navigateurs en les faisant participer à des réunions, en étant une personne ou une structure ressource (référents, coordinateur de projet, CCAS, Adulte relai, etc.) :

• Soutien

• Mise en relation avec des partenaires

• Donner des informations sur les zones d’intervention

• Apporter une certaine visibilité et une légitimité (médecins, référents, membres de la communauté, structures de gestion, infirmiers, etc.) :

• Aider à préparer des activités et en y participant • Parler du travail des navigateurs autour de soi • Envoyer des patients aux navigateurs

• Distribuer/ mettre à disposition des dépliants et des flyers

• Faciliter son travail de terrain (structures de gestion, membres de la communauté, etc.)

• Envoyer rapidement les courriers d’invitation • Faire la traduction

Le fait que ces acteurs étaient partant pour aider les navigateurs dans leur action montre leur réel intérêt pour le sujet et surtout leur besoin d’avoir une personne sur le terrain pour les aider concernant ce sujet qu’ils n’ont pas toujours le temps d’aborder en profondeur ou qu’ils ne savent pas comment aborder auprès de la population ciblée par l’étude. L’aide de ces différents partenaires permet aussi de constater que les navigateurs ont besoin de collaborer avec ces différentes structures s’ils veulent pouvoir atteindre la population et faire leur travail de promotion du dépistage.

Concernant la modération des acteurs qui freinent le travail des navigateurs, nous retrouvons des observations que nous avons déjà évoquées auparavant.

125 La première difficulté pour les navigateurs a été de se faire accepter et de faire accepter leur travail par les intermédiaires et les partenaires dont ils ont besoin pour entrer en contact avec la population cible. Cette tâche leur a pris beaucoup de temps et n’a pas toujours abouti concernant certains partenaires. Cette difficulté permet à nouveau de mettre en lumière la question de la légitimité abordée dans l’étude du profil des navigateurs abordé précédemment.

La seconde difficulté a été de trouver, d’aborder et de mettre en place une collaboration avec ces différents acteurs afin de pouvoir atteindre la population cible. Il semblerait que certaines structures ne voulaient pas aider les navigateurs car les questions de santé ne faisaient pas parties de leurs priorités, d’autres parce qu’elles n’avaient pas le temps, ne s’occupaient pas du cancer, ou parce qu’elles ne croyaient pas en ce dépistage, etc. Le possible refus de participation de ces structures a pu réduire les possibilités d’accès des navigateurs aux membres de la communauté cible. Cela pose la question de la place de la santé en générale et du dépistage dans les préoccupations de certaines structures, principalement bien sûr les structures qui n’appartiennent pas au système de santé, et qui se trouvent bien légitime à ne pas se sentir concernées. Cette difficulté pose plus particulièrement la question de la place des structures de santé, et notamment celle des médecins généralistes dans le dépistage. En effet, bien qu’ils soient au cœur du dépistage, les médecins généralistes n’ont pas toujours le temps d’aborder toutes les questions de prévention. La réalité étant qu’ils ont très peu de temps par consultation et que les patients viennent consulter seulement lorsqu’ils sont malades et non pour poser des questions sur le dépistage. De plus, lorsque les médecins ont le temps d’aborder la question du dépistage et de montrer à leur patient comment faire le test, rien ne garantit qu’ils fassent le test par la suite. Ces patients peuvent avoir d’autres priorités dont ils doivent s’occuper et il n’est pas dit que même si le médecin a parlé aux patients du dépistage, leurs barrières psychologiques concernant celui-ci soient tombées. Ces deux réalités semblent montrer que la prévention peut avoir un caractère secondaire dans la priorité des patients et des médecins. Les patients ont pour priorité de se faire soigner et de régler d’autres problématiques qui leur sont plus importantes (e.g. problèmes d’ordre sociaux, etc.) que le dépistage qui passe au second plan. Les médecins généralistes ont pour priorité de soigner ces patients et de les aider avant de pouvoir parler du dépistage. Comme mentionné ultérieurement, les navigateurs ont pu avoir les mêmes difficultés que les médecins généralistes, c’est-à-dire qu’ils devaient avant tout s’occuper des principales préoccupations des habitants avant de pouvoir parler du dépistage. Ce constat pose la question de la place des médecins généralistes dans la promotion du dépistage du fait du peu de temps qu’ils peuvent y consacrer. Les médecins généralistes sont-ils les plus à même de faire la promotion du dépistage ? Quelle place doivent-ils prendre au cœur de celui-ci ? Doivent-ils/ peuvent-ils rester au cœur de celui-ci ?

Une autre difficulté a été la place des référents. Les référents étaient les supérieurs hiérarchiques des navigateurs, ils les ont beaucoup aidés dans leur travail. Les navigateurs

126 devaient faire valider toute action par le référent avant de la mettre en place. Même s’il est normal que les navigateurs aient à faire valider une action par leur supérieur hiérarchique avant de la mener, il semblerait que cela ne leur laissait pas la marge de manœuvre dont ils avaient besoin pour effectuer correctement leur travail. La place du référent a par ailleurs mené un des navigateurs à ne pas pouvoir effectuer son travail tant celui-ci lui mettait des bâtons dans les roues. Cette difficulté pose la question de la relative autonomie à laisser aux navigateurs dans leur travail ? Comment peut-on concilier un nécessaire management des navigateurs et cette relative autonomie ?

Les membres du projet COLONAV étaient eux aussi en quelque sorte les supérieurs hiérarchiques des navigateurs. Durant cette étude interventionnelle, deux difficultés ont pu être décelées, celle de faire ressentir aux navigateurs l’importance du « chiffre », c’est-à-dire l’importance de faire augmenter le taux de dépistage du cancer colorectal, et le fait de parfois donner des consignes contradictoires sur comment aborder la population et jusqu’où aller pour faire la promotion du dépistage.