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3 Modélisation simplifiée des couplages chimie-transport-mécanique

3.1 Modélisation simplifiée chimie-transport (CT) et application à la carbonatation

3.1.3 Modélisation simplifiée de la carbonatation atmosphérique

Dans cette partie le modèle simplifié de carbonatation sous eau de la section précédente est étendu au cas insaturé. Le modèle suppose dans ce cas que le béton est constitué de trois phases, aux interfaces desquelles se produisent des réactions chimiques de dissolution, précipitation, vaporisation et liquéfaction (Bary et Mügler 2006; Bary et Sellier 2004). Les phénomènes pris en compte sont, en plus de ceux définis dans la section 3.1.2, la diffusion du dioxyde de carbone dans la phase gazeuse contenue dans la porosité connectée et le transfert de l'eau à travers le réseau poreux. A noter qu'une première version du modèle a été développée au LGCU (UMLV) dans le cadre du Groupement de Travail sur les Barrières Ouvragées piloté par l'ANDRA (Bary et Sellier 2004). On présente ici la version légèrement modifiée telle qu'implantée dans Cast3M (Bary et Mügler 2006).

Le modèle repose donc sur les trois équations de conservation de la masse du calcium, de l’eau et du dioxyde de carbone. Les variables caractérisant l'état du milieu étudié sont la concentration en ions calcium de la phase liquide interstitielle, le degré de saturation en eau et la pression partielle de dioxyde de carbone dans la phase gazeuse interstitielle. D’un point de vue phénoménologique, les réactions chimiques principales rencontrées lors du processus de carbonatation atmosphérique sont les mêmes que pour la carbonatation sous eau. Une étape préalable concerne cependant le dioxyde de carbone gazeux CO2 g( ), qui se dissout en solution alcaline suivant la réaction :

O H CO

OH

CO2(g) +2 32 + 2 (3.13)

Conservation de la masse d’eau

Les transferts d’eau dans le béton sont décrits par une approche simplifiée permettant de dissocier les phénomènes de transport darcéen et diffusif. On utilise en outre les résultats obtenus par (Mainguy et al. 2001) selon lesquels le processus principal de transfert d’eau (dans des conditions standard de température et de pression) correspond à un transfert de la phase liquide consécutif à un gradient de pression de cette même phase, alors que le transport par voie gazeuse est comparativement négligeable. L’étape suivante consiste à négliger, dans l’écriture de la loi de conservation de masse, le flux d’eau sous forme de vapeur (Mainguy et al. 2001). On fait de plus l’hypothèse que la pression du mélange gazeux p est négligeable m devant la pression de l’eau liquide p , ce qui conduit à approximer la pression capillaire l p c par pc = pmpl ≈−pl. L’équation générale s'écrit (Bary et Mügler 2006) : concentration en eau liée susceptible d’être libérée par le matériau et MHO

2 la masse molaire de l’eau. Pour K(φ) on retient l'expression suivante proposée dans (van Genuchten 1980) :

2

et pour k celle du Tableau 2.2. Le dernier terme de (3.14) correspond à un apport d’eau par rl solubilisation-décalcification progressive (principalement formation de calcite à partir de portlandite) des différentes phases. L’hypothèse classique selon laquelle la pression capillaire

p ne dépend que de la saturation en eau conduit, moyennant l’utilisation de la loi de Kelvin c (3.9) s’étend alors au cas insaturé sous la forme :

τ

Similairement, l’extension au cas partiellement saturé de l’équation (3.8) modélisant le taux de production de calcite N&cal par une loi cinétique du premier ordre en calcium et carbonates est proposée sous la forme (Bary et Mügler 2006) :

{

a a c c

}

l

(

a a c c H

)

l

cal Sk C C C C S k C C p p k

N& =φ Min − * , − * =φ Min − * , − * (3.18)

p est la pression partielle de dioxyde de carbone dans la phase gazeuse retenue comme c variable du système à la place de C , ces deux quantités étant reliées par la loi de Henry c l’origine des ions calcium (portlandite ou C-S-H + aluminates).

La cinétique de formation de calcite est supposée évoluer en fonction de l’avancement de cette réaction. Les raisons de cette évolution sont les suivantes. Lorsque les ions carbonate arrivent au contact des phases hydratées de la pâte de ciment, en particulier de la portlandite, la calcite qui précipite a tendance à s’agglomérer autour de ces phases et à former une gangue.

Cette dernière constitue alors une barrière diffusionnelle qui ralentit à la fois la migration des ions carbonates jusqu’aux hydrates et celle des ions calcium entre autre dans la solution.

L’épaisseur de la couche de calcite augmentant au cours du processus de carbonatation, la cinétique de formation de calcite diminue. Ceci est en accord avec les résultats expérimentaux obtenus par certains auteurs : leurs observations ont en effet montré qu’il n’y avait pas de front net de dissolution de portlandite, et qu’il existait des traces résiduelles de portlandite entourées de calcite dans les zones carbonatées (voir par exemple (Groves et al. 1990)). Ce processus est schématisé sur la Figure 3.5 pour un cristal de portlandite supposé sphérique.

Figure 3.5 : représentation schématique de la formation de calcite sur un cristal de portlandite sphérique (d’après (Thiery 2005)).

En supposant que la couche de calcite a un coefficient de diffusion ionique D traduisant le phénomène de barrière diffusionnelle, le coefficient cinétique de formation de la calcite k p pour la portlandite prend alors la forme suivante (Bary et Mügler 2006) :

( )

23

[

0

( ( ( ) ) (

13

)

13

) ]

calcite, λ est un paramètre qui s’interprète comme l’épaisseur équivalente de calcite lorsque

=0 dessus est similaire à celle employée pour modéliser l’hydratation du clinker dans (Bernard et al. 2003). On suppose que le coefficient cinétique kcsh pour les autres hydrates de la pâte de ciment durcie (C-S-H et phases aluminates) est identique pour toutes ces phases et décroît linéairement en fonction de l’avancement de la réaction. Ainsi le modèle gère de façon indépendante la portlandite et les autres hydrates.

Dans le même esprit, le volume d’hydrates dissous n’est plus directement calculé en fonction de la concentration en calcium de la solution comme dans les sections précédentes, mais est estimé à partir des cinétiques de formation de calcite associées à la portlandite et aux autres hydrates. Par exemple, le volume de portlandite converti en calcite à l’instant t Vp,c(t) est ayant réagi pour donner de la calcite Vp,c(t) et d’une éventuelle partie dissoute (ou précipitée) consécutive au transport des ions calcium Vp,d(t) en solution, soit Vpd(t)=Vp,c(t)+Vp,d(t).

Conservation de la masse de calcium

L’expression de conservation de la masse de calcium s’écrit de la manière suivante, basée sur l'équation (3.6) et (3.1) :

Dans cette expression, le terme Cawll correspond à la partie convective du flux, et caractérise le transport des ions calcium au sein du milieu poreux sous l’effet du mouvement de l’eau (séchage). Dans la suite ce terme sera négligé. w est le flux de calcium par rapport a au fluide à travers la fraction de porosité remplie d’eau φSr, dont l'expression est :

( , )

a = −D Sa r φ Ca

w ∇∇∇∇ (3.24)

Da(Sr,φ) est le coefficient de diffusion effectif des ions calcium dans la solution interstitielle. Celui-ci dépend du degré de saturation du matériau et de sa microstructure. On propose alors la loi d’évolution suivante pour Da(Sr,φ) : forme suivante compte tenu des précédentes notations de l'équation (3.7) :

Ca

L’équation de conservation de la masse de calcium prend alors la forme suivante, en fonction des différentes variables d’état du système :

( ( ) )

Conservation de la masse de dioxyde de carbone

L’équation générale de conservation du constituant CO2 gazeux est : (1 ) ( ) à la masse de CO2 dissoute dans la solution interstitielle par unité de temps et prend la forme :

gl Mc S Nr cal

µ = φ & (3.29)

avec M la masse molaire du COc 2. L'hypothèse formulée au paragraphe précédent concernant la pression constante du mélange gazeux est bien sûr conservée. Ainsi le transfert d’ensemble de la phase gazeuse sous l’effet d’un gradient de pression est nul, ce qui implique u&( )g =0. Le transfert de masse du CO2 s'effectue donc uniquement par diffusion dans la phase gazeuse ; la diffusion des ions carbonates dans la phase liquide est négligée par rapport au transfert diffusif du CO2 gazeux, comme il est généralement admis de le faire (Miragliotta 2000). Le choix d'une vitesse molaire moyenne dans l'expression de la dissipation liée au transport diffusif conduit à la forme suivante du flux massique de CO2 :

( , ) c ( ) de coefficient de diffusion homogénéisé (ou macroscopique) des constituants gazeux dans le

milieu poreux. Le facteur de résistance à la diffusion f(φ,Sr) est généralement exprimé par le produit de la porosité de l'espace gazeux et du facteur de tortuosité τ. Nous nous basons sur l'expression proposée dans le cas de la description de la diffusion d'un gaz dans un milieu poreux non saturé par Millington (Millington 1959) :

( )

2

3 /

4 1

) ,

( Sr g Sr

f φ =φ − (3.31)

Puisque le gaz remplissant l'espace poreux non saturé est par hypothèse constitué d'un mélange idéal de gaz parfaits (vapeur d'eau, CO2, air sec), ρc prend la forme suivante :

c c

c p

RT

= M

ρ (3.32)

et l'équation de conservation de la masse de CO2 s'écrit :

(

3

) ( )

(1 ) (1 )

(1 ) ( , ) 0

dt c r

r c r c

r cal r c CaCO r c c

V p S

S p S p

t t t

S N RT S p V f S D p

φ φ

φ φ

∂ ∂ ∂

− + − −

∂ ∂ ∂

+ & − − − ⋅∇∇∇∇ ∇∇∇∇ =

(3.33)

Simulations numériques

On présente dans cette section quelques résultats de simulations numériques obtenus avec le modèle de carbonatation en conditions insaturées décrit ci-dessus (Bary et Mügler 2006). Ce modèle a été implanté dans Cast3M et les équations sont résolues avec la méthode des éléments finis mixtes hybrides (voir § 3.1.1). Les simulations ont été effectuées dans le cadre du Groupement de Travail sur les Barrières Ouvragées piloté par l'ANDRA, pour lequel plusieurs matériaux ont été étudiés et soumis à des tests de carbonatation accélérée. Afin d'illustrer les capacités prédictives du modèle, on présente dans la suite les résultats concernant les pâtes de ciment CEM I de rapport e/c = 0,42, dont la composition idéalisée en hydrates principaux est donnée au Tableau 3.2. On présente également les profondeurs de carbonatation obtenues sur 3 pâtes de e/c = 0,30, 0,42 et 0,55. Les conditions initiales en termes de degré de saturation ont été fixées à trois valeurs différentes : 0,65, 0,80 et 0,95. Cet état hydrique initial supposé homogène dans le matériau a été obtenu à l'aide d'un traitement thermique destiné à sécher les éprouvettes. Celles-ci ont ensuite subi un essai de carbonatation accélérée de type AFREM consistant à imposer des conditions d'exposition hydrique (hr =65%), de pression de CO2 (50% de la pression atmosphérique) et de température (20°C). Les paramètres entrant dans l'expression du coefficient cinétique kp (équation (3.19)) sont ajustés aux valeurs suivantes : D= ×5 1013 m2/s, λ= ×5 107 m et Rp0 =20 10× 6 m ; kcsh varie linéairement de 4 10× 4 s-1 à 0 lorsque les hydrates correspondant sont respectivement sains et dégradés.

Tableau 3.2: composition de la pâte de ciment CEM I de e/c = 0,42 (Bary et Mügler 2006).

e/c 0,42

AFm (mol/l) 0,475

Katoïte (mol/l) 0,202

CH (mol/l) 5,758

C-S-H (mol/l) 4,472 Porosité théorique 0,254

La Figure 3.6 présente les profils de calcite précipitée et de portlandite à deux échéances de temps. On constate un effet important des conditions initiales de degrés de saturation. La portlandite n’a pas totalement disparu dans la zone carbonatée à la fin des essais, ce qui est en accord avec les résultats expérimentaux. La Figure 3.7 présente les profils de porosité et de saturation dans les éprouvettes en fonction du temps et pour les différents degrés de saturation initiaux. On constate une réduction importante de la porosité, réduction dont la valeur est sensiblement la même que celle relevée expérimentalement par porosimétrie au mercure (environ 0,07). D’autre part les degrés de saturation augmentent logiquement très rapidement lorsque le matériau est relativement peu saturé du fait de la libération d’eau par carbonatation de la portlandite, et varient finalement assez peu lorsque initialement la saturation moyenne est importante (0,95).

Figure 3.6 : fractions volumiques de calcite précipitée (gauche) et de portlandite (droite) obtenues numériquement en fonction de la distance par rapport à la surface exposée à 25 et 225 jours pour la pâte de

ciment CEM I e/c = 0,42 et pour 3 degrés de saturation initiale (Bary et Mügler 2006).

Figure 3.7 : porosité (gauche) et degré de saturation (droite) obtenues numériquement en fonction de la distance par rapport à la surface exposée à 25 et 225 jours pour la pâte de ciment CEM I e/c = 0,42 et pour 3 degrés de

saturation initiale (Bary et Mügler 2006).

La Figure 3.8 présente les profondeurs de carbonatation numériques et expérimentales pour les 3 pâtes de ciment et pour les 3 conditions initiales de saturation. Les profondeurs de carbonatation numériques sont déduites des profils de portlandite ; elles correspondent à une valeur seuil du coefficient cinétique de formation de calcite par réaction avec la portlandite k de p 2×103 s-1, soit environ 25% de la fraction volumique initiale de portlandite pour les pâtes CEM I. Cette valeur a été calée sur le cas de saturation initiale égal à 0,80 de manière à

0.7

Profondeur (m) Profondeur (m)

t = 25 jours

Fraction volumique de calcite Fraction volumique de CH

Profondeur (m) Profondeur (m)

se rapprocher au mieux des résultats expérimentaux. La comparaison est alors globalement satisfaisante ; cependant on note que les simulations surestiment systématiquement les profondeurs de carbonatation dans le cas des saturations initiales moyennes de 0,95. Pour les pâtes e/c = 0,30, les résultats sont largement surévalués. Cela pourrait être dû au fait que les matériaux soumis à un séchage intense sont probablement microfissurés, et ce d’autant plus qu’ils ont des propriétés de transport faibles (générant des pressions capillaires importantes).

Figure 3.8 : profondeurs de carbonatation obtenues numériquement (traits) et expérimentalement (symboles) pour les pâtes de ciment CEM I de rapport e/c = 0,30 (à gauche), 0,42 (au centre) et 0,55 (à droite), et pour les

3 conditions initiales de saturation (Bary et Mügler 2006).

L’impact de l’état de saturation du matériau sur les résultats est donc clairement mis en évidence, aussi bien expérimentalement que numériquement. Cet état hydrique apparaît prépondérant vis-à-vis des cinétiques de carbonatation, puisqu’il influe notamment sur le coefficient de diffusion de la phase gazeuse. On constate logiquement que les matériaux de faible porosité (et de faibles propriétés de transport) et de forte saturation initiale se carbonatent très lentement, alors que les matériaux de forte porosité et de faible saturation se carbonatent nettement plus vite. L’état de saturation du matériau joue ainsi le rôle de retardateur du processus de carbonatation lors des tests accélérés.

Pour conclure, le modèle simplifié de carbonatation atmosphérique permet de reproduire de manière relativement satisfaisante les principales caractéristiques observées sur les essais de carbonatation accélérée à différents degrés de saturation initiaux. Le modèle n'a cependant pas été validé en conditions de carbonatation atmosphérique. Parmi les aspects restant à améliorer, la prédiction précise des évolutions du pH est l'un des plus importants car celui-ci permet d'estimer les risques de corrosion des armatures. Evaluer correctement le pH suppose que les réactions chimiques soient décrites de façon réaliste, notamment par la prise en compte d'espèces minérales et ioniques appropriées.

3.2 Estimation des propriétés diffusives et mécaniques des matériaux