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Chapitre 1 Revue des travaux antérieurs

1.8 Modélisation à l’échelle de la ferme

Les modèles de simulation à l’échelle de la ferme sont des outils permettant d’évaluer des changements de pratiques ou de climat sur les performances agronomiques, économiques, et/ou environnementales de la ferme. En effet, il est important d’avoir une approche compréhensive et intégrée dans le but de concevoir des stratégies de gestion qui sont à la fois efficaces et écologiques (Jégo et al., 2015). Deux modèles ont présenté des résultats satisfaisants quant à la prédiction de ces différents paramètres sous le climat du Québec, soit le Integrated Farm System Model (IFSM) et le Nutrient-Cycling, Crops, Livestock,

Environment and Soils (N-CyCLES). L’IFSM est un modèle mécaniste qui vise à intégrer

simultanément l’influence et les interactions des procédés majeurs de production et des conditions climatiques et permet ainsi d’être utilisé dans le cadre des changements climatiques pour projeter les effets potentiels de ceux-ci sur la performance agro- environnementale d’une exploitation agricole (Rotz et al., 2015). Le modèle N-CyCLES est plutôt basé sur l’optimisation et il permet de déterminer la meilleure stratégie qui permet d’atteindre un objectif donné. Ainsi, le modèle permet de bien prendre en compte qu’un changement dans un sous-système peut amener à la modification des pratiques, ce qui aura un impact dans l’ensemble de la ferme (Charbonneau et al., 2013).

1.8.1 IFSM

Jégo et al. (2015) ont calibré le modèle IFSM au climat nordique du Québec et ils ont vérifié la précision de la prédiction de différents paramètres à partir d’essais réalisés aux champs avec une association luzerne et fléole des prés. En général, ils ont conclu que la précision du modèle était satisfaisante pour prédire le rendement en matière sèche et la concentration en NDF à chaque coupe et pour l’ensemble des coupes pour les cultures de plantes fourragères pérennes pures. Ils ont toutefois rapporté certaines lacunes du modèle pour prédire ces paramètres chez des plantes fourragères cultivées en association, ainsi que pour prédire l’assimilation d’azote. La fléole des prés était particulièrement touchée par cette problématique, principalement à cause de la petite gamme de données mesurées. Pour ce qui est de la prédiction des rendements en matière sèche des grandes cultures annuelles, la capacité de prédiction du modèle était, quant à elle, adéquate. Aussi, le modèle a bien performé pour les trois sites à l’étude en ce qui concerne le rendement de la luzerne et de la

fléole des prés cultivées en espèce pure, et ce, pour une grande variété de précipitations. Par contre, les prédictions étaient plus précises pour la première période de croissance que pour les périodes de repousse. Il est bien de mentionner qu’en général le modèle était plus performant pour la fléole des prés que pour la luzerne.

Pour ce qui est de l’assimilation de l’azote par la fléole des prés, le modèle n’a pas bien prédit les valeurs, bien que la dynamique d’assimilation de l’azote a bien été intégrée. En termes d’assimilation du phosphore, les prédictions du modèle étaient bonnes pour la fléole des prés. Chez la luzerne, les prédictions du modèle étaient moins précises pour ces deux derniers paramètres, bien qu’elles restent adéquates, en partie dû au fait que les prédictions de rendements étaient, elles aussi, moins précises. La concentration de NDF était légèrement sous-estimée pour la fléole des prés à l’un des sites de l’étude, ce qui fait que la prédiction de ce paramètre n’était pas parfaite pour tous les points de données. Pour la luzerne, les concentrations en NDF ont été sous-estimées à quatre occasions, toutes pendant la première pousse et elles étaient reliées à une sous-estimation du rendement. Par contre, il n’y avait presque aucun biais pour les périodes de repousses (Jégo et al., 2015).

Lorsque la graminée et la légumineuse sont cultivées en mélange, la prédiction du rendement était très bonne, et le modèle a même réussi à simuler les différences de rendements entre la première coupe et les coupes subséquentes. Les quelques situations dans lesquelles le rendement a été sous-estimé pourraient s’expliquer par le fait que le modèle ne prend pas en compte l’effet additif d’un mélange sur les rendements comparativement aux cultures pures. La proportion de fléole des prés dans le mélange à la première coupe a bien été prédite, mais il a été surestimé dans les coupes subséquentes, probablement parce que la présence de mauvaises herbes est plus importante à la deuxième et troisième coupe sur le terrain et qu’elle n’est pas simulée parle modèle. La concentration en NDF du mélange était, en général, bien prédite par le modèle (Jégo et al., 2015).

Pour ce qui est des cultures annuelles, deux régions étaient à l’étude. À Saint-Hubert (Montérégie), la variabilité interannuelle des rendements de l’ensilage de maïs, de l’orge et du soya était plutôt bien prédite, alors qu’elle l’était un peu moins, quoiqu’acceptable pour

le maïs grain. À Mont-Joli (Bas-Saint-Laurent), les prédictions étaient bonnes pour les rendements moyens de l’orge et de l’ensilage de maïs, même si le modèle n’a pas très bien estimé la variabilité interannuelle du rendement de l’orge (Jégo et al., 2015).

Le modèle a toutefois ses limites. En effet, bien que le modèle simule la couverture de neige, il ne simule pas la survie à l’hiver des plantes pérennes ni la diminution de densité des plantes au fil des années. Par contre, cela n’a pas empêché le modèle de bien prédire les rendements. Ce sont plutôt les sorties environnementales qui seraient affectées par ce manquement, en altérant les propriétés du sol (Jégo et al., 2015).

1.8.2 N-CyCLES

Dans le modèle N-CyCLES, la ferme est considérée comme un élément dynamique, car le modèle choisit les pratiques les plus rentables pour les rotations, les rations et l’allocation des fertilisants (Pellerin et al., 2017). Ainsi, la ferme est considérée comme une seule unité de décision (Charbonneau et al., 2013). On peut penser que les choix faits sont des choix qu’une entreprise effectuera si cela permet d’augmenter sa rentabilité. L’opportunité de choisir des rotations, au lieu de cultures, permet de tenir compte de l’effet résiduel des cultures précédentes dans l’établissement des besoins des plantes. Ceci est particulièrement important en production laitière, car pour répondre aux besoins alimentaires du troupeau, l’alimentation doit être variée et complémentaire. Ainsi, le modèle a été construit afin que toutes les cultures de la rotation se retrouvent en même temps sur l’exploitation. Dans ce modèle, un lien est établi entre les champs et le troupeau, et ce, de deux façons. Premièrement, il considère l’impact des récoltes sur l’alimentation et les rejets du troupeau, et deuxièmement, il considère que les fumiers produits sont retournés au champ pour la fertilisation, en tenant compte des pertes à l’entreposage

.

N-CyCLES peut être réglé pour maximiser le bénéfice net de la ferme, ou pour minimiser l’empreinte N et P ou les émissions de GES. Le bénéfice net est calculé comme la différence entre les revenus et les dépenses alors que les empreintes N et P sont calculées par la différence entre importations et exportations de sources de ces éléments. La production de GES est quant à elle déterminée en se basant sur des méthodes d’estimation, des équations,

des données d’activité, des facteurs d’émissions et des paramètres agriculturaux utilisés par l’inventaire National du GES du Canada (Fournel et al., 2019).

Par contre, contrairement à IFSM, dans N-CyCLES, c’est l’utilisateur qui entre les données de rendements et de valeurs nutritives, et non le modèle lui-même qui les calculs. La figure 1.16 représente toutes les interactions considérées dans le modèle N-CyCLES.

Figure 1.16 Représentation des interactions considérées dans le modèle N-CyCLES (adapté de Fournel et al., 2019)

1.9 Impact économique d’une modification aux choix des espèces