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Effets des changements climatiques sur maladies et ravageurs des cultures présentes sur

Chapitre 1 Revue des travaux antérieurs

1.5 Effets des changements climatiques sur maladies et ravageurs des cultures présentes sur

Les insectes bénéfiques, tout comme les ravageurs, pourraient aussi affectés par les changements climatiques, puisque les cultures hôtes pourraient éprouver des changements dans leur physiologie et dans leur composition chimique (Patterson, 1995). Aussi, les changements climatiques pourraient amener des modifications dans l’hibernation, le taux de croissance des populations, le nombre de générations, la dispersion et la migration, ainsi que dans la synchronisation entre l’hôte et l’insecte, tout cela dépendamment de la flexibilité phénotypique ou génotypique de l’insecte (Bale et al., 2002).

Pour ce qui est des mauvaises herbes, des changements dans les conditions environnementales influenceraient les processus écologiques et évolutifs en modifiant les interactions fondamentales entre les espèces (Lau et al., 2010). Il est d’ailleurs connu que les changements climatiques peuvent conduire à une augmentation potentielle de l’incidence des mauvaises herbes (Patterson et al., 1999). Les effets potentiels des changements climatiques sur la prévalence des espèces invasives sont présentés au tableau 1.4.

Tableau 1.4. Impacts généraux possibles des éléments de changements climatiques sur la prévalence des espèces aliènes invasives (tiré de Dukes et Mooney, 1999)a

Élément de changement global Prévalence des envahisseursb

Augmentation du CO2 atmosphérique +/-

Changements climatiquesc +

Augmentation de la déposition d’azote +

Perturbation des régimes +

Augmentation de la fragmentation des habitats +

a Même si ces prédictions sont spéculatives, elles sont basées sur des observations qui sont mentionnées ou

citées dans le texte de Dukes et Mooney (1999).

b +/-, peut augmenter la prévalence de certains envahisseurs et diminuer la prévalence d’autres; +

augmentation attendue de la prévalence des envahisseurs dans plusieurs régions affectées.

c Pour analyser les réponses des espèces exotiques invasives aux changements climatiques, les auteurs ont

utilisé trois approches :

- Des expériences à petites échelles qui ont étudié les dynamiques des espèces sous des régimes modifiés de précipitation ou de température.

- Identification des traits fonctionnels liés à la tolérance aux différences climats.

- Observations à long-terme des changements dans la composition des espèces et la corrélation entre ces changements avec les variations de climat interannuelles ou inter décennies.

- Modélisation de la portée future des espèces en fonction de leur portée actuelle et les prédictions de changements climatiques.

1.5.1 Dioxyde de carbone

Pour ce qui est des insectes, sous une teneur plus élevée de CO2, la concentration en azote

des feuilles pourrait être diminuée (Pleijel et al., 1999) alors les ravageurs mangeurs de feuilles compenseraient la baisse d’azote en augmentant leur consommation de 20 à 80 % (Lincoln et al., 1993; tableau 1.5), ce qui augmentera les lésions et par le fait même la susceptibilité aux maladies (Coakley et al., 1999; figure 1.10). Pour certaines espèces de plantes, il sera possible de compenser les dommages causés par les herbivores en augmentant la production de feuilles grâce à l’augmentation des performances photosynthétiques (Hughes et Bazzaz, 1997). L’augmentation du CO2 atmosphérique peut aussi augmenter la

résistance de l’hôte, par des changements dans la morphologie, physiologie et dans la balance d’eau et de nutriments, ou encore diminuer l'agressivité du pathogène suite à l’augmentation de la production de substances de défense ou par des changements dans la structure des tissus, par exemple la densité des stomates ou l’épaisseur des parois (Coakley et al., 1999). Robinson et al. (2012) notent aussi qu’il devrait y avoir une augmentation générale des composés de défenses à base de carbone.

Tableau 1.5. Réponses des insectes herbivores lorsqu'ils sont nourris de feuilles de plantes hôtes qui ont grandi dans un environnement enrichi vs ambiant en CO2 (tiré de Lincoln et al.,

1993).

Insecte herbivore Plante hôte Réponse de l’insecte

Pseudoplusia includens (Lepidoptera : Noctuidae) Glycine max (Fabaceae) ↑ consommation (20-81%) Spodoptera exigua (Lepidoptera : Noctuidae) Gossypim hirsutum (Malvacea)

Développement lent (femelles) Petites pupes (femelles) ↑ mortalité (2x) (mâles) Spodoptera eridania (Lepidoptera : Noctuidae) Mentha piperita (Lamiaceae) ↑ consommation (15-28 %) Trichoplusia mi (Lepidoptera : Noctuidae) Phaseolus lunatus (Fabaceae) ↑ consommation (49 %) Petites pupes Lymantria dispar (Lepidoptera : Lymantriidae) Populus tremuloides (Salicaceae) ↑ consommation (88 %) Développement lent Petites pupes Malacosoma disstria (Lepidoptera : Lasiocampidae) Populus tremuloides (Salicaceae) Acer saccharum (Aceraceae) ↑ consommation (75 %) Développement lent Petites pupes Junonia coenia (Lepidoptera : Nymphalidae) Plantago lanceolata (Plantaginaceae) ↑ consommation (25-42 %) Développement lent ↑ mortalité (3x)

Melanoplus sanguinipes Artemisia tridentata ↑ consommation (73 %)

(Orthoptera : Acrididae)

Melanoplus differentialis

(Asteraceae)

Figure 1.10 Nombre de lésions cumulatives (a) et sévérité des maladies exprimées en pourcentage de la surface des feuilles affectées (b) causées par Colletotrichum

gloeosporiodes sur des plants de Stylosanthes scabra susceptibles cultivés sous 350 ou 700

ppm de CO2 atmosphérique dans des chambres à environnement contrôlé avant d’être exposé

à des inocula se produisant naturellement dans trois parcelles en champ pour 48h à cinq occasions séparées. Les données sont des moyennes et des écarts-types de cinq expositions avec trois plants pour chaque parcelle au champ (tirée de Coakley et al., 1999).

Ainsi, dans une méta-analyse regroupant 270 articles scientifiques publiés entre 1979 et 2009 sur les réponses de 19 animaux à l’augmentation de CO2 atmosphérique, Robinson et al.

(2012) concluent à une diminution de l’abondance des insectes mineurs de feuilles de 70 %, mais à une augmentation des autres insectes herbivores de 22 à 59 %, une diminution du taux de croissance de 4,5 %, de l’efficacité de conversion de 17 %, et du poids au stade pupe de 5,5 %, en plus d’une augmentation du temps de développement de 3,5 % sous une teneur élevée en CO2. Par contre, il y aurait aussi une augmentation du taux de consommation de

14 %. L’effet sur la fécondité est variable, puisqu’elle augmente pour certaines espèces, diminue pour certaines, et n’a aucun effet sur d’autres. Finalement, selon cette étude, le

dommage aux plantes serait augmenté de 22 % sous une concentration élevée de CO2

atmosphérique.

De plus, tout comme pour les cultures, une teneur élevée de CO2 atmosphériqueaugmenterait

la photosynthèse et diminue la conductance stomatique ce qui augmente la production des mauvaises herbes (Patterson, 1995). Par contre, selon Patterson (1995), parmi les 18 espèces de mauvaises herbes les plus problématiques dans le monde, 14 sont des C4 alors que la

majorité des cultures en champ sont des C3. Ainsi, les C3 ayant un plus grand potentiel de

tirer bénéfices de l’augmentation du CO2 atmosphérique, ces derniers pourraient mieux

compétitionner que les mauvaises herbes (tableau 1.6).

Tableau 1.6. Réponse de la biomasse de plantes C3 et C4 lorsque la concentration en CO2

atmosphérique est doublée (tiré de Patterson et al., 1999).

Catégorie Gamme de réponses

Cultures C3 1,10 à 2,43 ×

Cultures C4 0,98 à 1,24 ×

Mauvaises herbes C3 0,95 à 2,72 ×

Mauvaises herbes C4 0,56 à 1,61 ×

De plus, les interactions entre les cultures et les mauvaises herbes ainsi que leur gestion seront influencées par les effets du CO2 atmosphérique sur la tolérance des plantes aux herbicides.

En effet, l’effet anti transpirant du CO2 peut diminuer l’assimilation des herbicides par la

plante et une concentration élevée en amidon telle qu’attendue peut interagir avec les herbicides. Par contre, il est bien de noter qu’une augmentation de la température et ainsi des activités métaboliques peut augmenter l’assimilation, la translocation ainsi que l’efficacité de plusieurs herbicides (Patterson et al., 1999).

1.5.2 Température

L’accroissement des températures risque d’augmenter le nombre de générations des insectes ravageurs, entre autres en accélérant le développement des insectes, en plus d’augmenter la survie hivernale et la longueur des saisons (Gagnon et al., 2013). Il serait aussi possible que certaines espèces d’insectes, jusqu’ici non dommageables le deviennent parce que leurs

prédateurs naturels ne seront plus présents au bon moment. Par contre, il est bien de mentionner que ces derniers évènements ne sont possibles que si l’augmentation de la température ne dépasse pas la température létale pour ces insectes (Porter et al., 1991). Aussi, si une température plus élevée augmente la vitesse de développement des insectes, il est possible que ces derniers ne soient plus en synchronisme avec la plante, ce qui pourrait réduire les dommages (Porter et al., 1991). Le réchauffement du climat va aussi probablement devancer le moment de l’année au cours duquel le seuil de vol pour tous les insectes est atteint, ce qui augmenterait la possibilité d’une immigration hâtive. Par contre, le seuil maximal sera sans doute atteint plus fréquemment en été, ce qui limiterait les opportunités de vol (Bale et al., 2002).

La croissance et la propagation des pathogènes, ainsi que la résistance des plantes seront aussi très probablement affectées par les changements de température. Par exemple, les hivers plus doux risquent de favoriser l'oïdium et les rouilles brunes et jaune tandis que les étés plus chauds pourront apporter des conditions optimales pour la cercosporiose (Patterson et al., 1999). De plus, l’augmentation de la température hivernale augmente la survie des pathogènes et donc le nombre d’inocula initial (Fuhrer, 2003). De même, une teneur élevée en CO2 atmosphérique augmente le ratio C :N de la litière du sol. Ainsi, la décomposition est

plus lente, ce qui, combinée à une température hivernale plus élevée et à une augmentation de la biomasse, augmente la survie des pathogènes ainsi que le nombre initial d’inocula (Coakley et al., 1999). Par contre, l’augmentation de la température peut augmenter la lignification, ce qui augmenterait la résistance des plantes (Fuhrer, 2003).

1.5.3 Précipitations

Les sécheresses amèneraient des changements dans la plante hôte qui la rendrait plus attirante pour les ravageurs phytophages (Patterson et al., 1999) alors que les précipitations excessives peuvent avoir un effet négatif sur les insectes vivants dans le sol. Par contre, ces fortes précipitations pourraient amener des effets indirects à travers des changements dans les pathogènes, les prédateurs et les parasites d’insectes (Fuhrer, 2003) et pourraient augmenter le couvert végétal, ce qui augmenterait le nombre d’insectes. Toutefois, l’inverse n’est pas vrai, une sécheresse ne se traduirait pas par une diminution du nombre d’insectes (Masters et

al., 1998). De plus, la croissance et la propagation des pathogènes ainsi que la résistance des plantes pourraient être affectées par les changements de précipitation et des rosées (Patterson et al., 1999). Par exemple, la baisse de l’humidité estivale et le ratio humidité sol : feuille ce qui diminuerait le risque d’infection des plantes (Fuhrer, 2003).

Finalement, il est important de noter qu’une augmentation des précipitations permettrait de retirer les fongicides des feuilles par lessivage, sauf dans le cas où ces précipitations permettraient la redistribution de l’ingrédient actif dans les feuilles (Coakley et al., 1999).